A huîtres, à sushis, à tapas… Si la floraison des bars à thème vous lasse, le récent salon Livre Paris a ouvert une nouvelle voie : le bar à dédicaces où l’écrivain d’astreinte, métamorphosé en serveur de son œuvre, propose à la carte soupe dépressive ou cocktail requinquant. Reportage in vivo.
Foin du temps où on entrait innocemment dans le bistro du coin pour y commander qui un petit noir bien serré (fin de partie), qui un demi sans faux col (début de piste). Désormais, le café accède à une dignité urbaine supérieure dès lors qu’il se rebaptise “bar à thème”.
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C’est ainsi que font florès toutes sortes d’établissements dont la vocation n’est plus d’y venir boire un coup mais d’y consommer bien d’autres choses “dans une ambiance festive et conviviale” : bar à huîtres, à soupes, à sushis, à tapas, à céréales. Certains font même grimper le “concept” à des altitudes où l’oxygène vient à manquer : bar à eaux (!), à ongles (!!), à sieste (?), ou bar à chat (faux ami puisqu’il ne s’agit pas de s’y pointer avec sa Minouchette mais d’y venir chatter entre friends).
Jusqu’à atteindre un Himalaya provisoire : le bar à bar, qui ne désigne pas une officine où déguster un fameux poisson mais, sorte d’aporie, un bar qui offre la possibilité extravagante d’être un bar archinormal. On notera enfin que la pullulation des “bars à…” est surtout l’occasion de s’adonner dans leur appellation à des jeux de mots plus ou moins inspirés : le bar-bare, le bar-oud, le bar-hic, le bar-ouf ou, pour une clientèle plus réservée, la bar-agouine ou le bar-mitsva. Bref, tout fait bar.
Bar à dédicaces
La preuve, provisoirement extrême et vécue lors du dernier salon Livre Paris : le bar à dédicaces. D’un stand d’éditeur à l’autre, c’est bien à une flexibilité de son être qu’est convié l’écrivain de service.
Assis ou debout (tout dépend du budget alloué) derrière un comptoir, en faux bois exotique chez les uns, en vrai béton brossé chez les autres (là encore, tout est question de budget), l’auteur, métamorphosé en taulier de son œuvre, s’échine à attirer l’attention du chaland dans l’espoir, le plus souvent déçu, de lui fourguer son livre, soupe dépressive ou cocktail remontant, enluminé, graal des graals, d’un aphorisme manuscrit (et pour beaucoup illisible), personnalisé (“Pour Marie-Zezette”) et paraphé (“Ton Gégé of Love”).
Allant commercial
De “bon trip” à “casse-toi pauv’ lecteur”, le florilège de cette prose de circonstance reste à faire. Mais tant qu’à donner dans le VRP multicarte, les éditeurs devraient encourager les auteurs, quitte à grever leurs fabuleux à-valoir, à plus d’allant commercial : la coupette de Champomy pour tout exemplaire acheté, la vente flash à prix big bisous, ou l’accès illimité à la jatte de M&M’s pour le client accompagné de sa progéniture.
On n’en est pas encore à des propositions du type “une nuit de rêve avec votre écrivain chéri”. Mais pourquoi pas ? Comme on fait son livre, on se couche.
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