En marge de notre numéro piloté par Assa Traoré, Les Inrocks reviennent en playlist sur les références faites par les rappeurs à l’affaire Adama Traoré. Et elles sont nombreuses. La preuve par vingt.
Parler au nom des sans voix, documenter une réalité bien souvent oubliée, masquée ou déformée par les médias, être le haut-parleur des banlieues… Voilà ce qui a longtemps guidé le hip-hop. Un peu comme s’il s’agissait de revendiquer un droit d’existence, de relater des injustices, de prendre part à la démocratie en quelque sorte. Ainsi, de nombreux projets socialement engagés ont vu le jour depuis 1990, date de publication de la compilation fondatrice Rappattitude. Et souvent, ces albums (L432, par exemple) ou ces morceaux étaient faits en collectif, telles des hordes revanchardes et persuadées que le nombre pouvait provoquer le changement. « On additionne les forces pour faire face à la menace de l’état bourgeois », rappaient Mystik et les 2Bal en 1997 sur La Sédition.
http://www.youtube.com/watch?v=TY5NDT0z4JE
Nécessairement politique, le rap ? « Sans rémission » du moins, « en mission » tout au plus, tout en sachant qu’il reste surtout un moyen de « boxer avec les mots » et de raconter le « bitume avec une plume ». C’est du moins ce qu’avance Kool Shen dans une interview datée des années 1990 et ressortie des archives par Arte pour les besoins de sa web-série Saveur Bitume : « Je ne pense pas que le rôle du rappeur soit de faire de la politique parce que la politique, c’est aussi amener des solutions, c’est résoudre des problèmes. Un rappeur ne résout pas de problème., il n’est là que pour constater et dire ce qu’il a à dire puisqu’il a un œil bien placé. »
L’histoire du rap français est ainsi pleine de ces morceaux-vérités, coups de poing pourrait-on dire. Certains dénoncent frontalement : 11’30 contre les lois racistes, L’État assassine, Qu’est-ce qu’on attend ? ou La Rage. D’autres, en revanche, se contentent de raconter : le désœuvrement urbain, le destin de ces jeunes à l’ombre des tours ou encore les bavures policières, régulièrement relatées par les MC’s hexagonaux, avec plus ou moins de retenue. Ainsi, quand Assassin reste assez factuel (« Christophe Matieu, Mohamed Diab ou le petit Thibeau sont tombés sous les balles/ Les porcs qui ont tiré sont bien au chaud »), Kool Shen et Joey Starr, eux, défouraillent à tout-va (« Police machine matrice d’écervelés, mandatée par la justice sur laquelle je pisse »).
http://www.youtube.com/watch?v=RGDlobk6WXI
En 2019, il est clair que rien n’a malheureusement changé. Il est clair également que le rap n’a pas engendré la révolution sociale espérée par les activistes des années 1990. Mais cela n’a jamais empêché les MC’s de continuer à se mobiliser autour de causes communes – le concert donné par Kery James, Youssoupha, Sofiane et Médine en soutien à la famille Traoré en 2017 en atteste avec éclat -, ou d’interpeller le grand public à travers leurs morceaux, politiques ou non, engagés ou pas, mais sensibles au cas Adama Traoré. La preuve avec ces vingt morceaux dont les mots, comme disait Monsieur R, sont parfois « violents comme les coups de matraque des CRS ».