On était au festival suisse Voix de Fête pour trois soirées francophones éclectiques et rafraîchissantes.
Si l’on devait résumer la 21e édition de Voix de Fête, « feu d’artifice » serait un terme assez approprié. C’est explosif, c’est coloré et le spectacle se regarde avec plaisir. C’est que, du 19 au 24 mars, le festival suisse avait programmé 6 jours et soirées complètement éclectiques, laissant la pop, le rock, l’électro ou encore le rap être interprétés à la sauce de plus de 51 artistes, venant de Belgique, de France, du Canada et de Suisse. On était aux côtés des 13 000 festivaliers les 21, 22 et 23 mars pour profiter d’un festival placé sous le signe de la chaleur familiale francophone.
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Jeudi 21 : soirée rock avec Bertrand Belin et les Limiñanas
C’est dans la superbe salle de l’Alhambra que notre trip musical francophone a commencé, avec un Bertrand Belin exalté, près à défendre son dernier album Persona avec sa nonchalance espiègle et ses envies de grandeur. Le musicien breton a ainsi offert un show hypnotisant, rythmé par ses chuchotements intimes, ses chants décousus et sa gestuelle théâtrale. On l’a senti insaisissable, délaissant aisément sa guitare pour des danses indéfinissables, et n’hésitant pas à s’arrêter pour remplir la salle de ses discours politiques aussi satiriques que sarcastiques. C’est que, par sa performance, Belin a donné une tout autre dimension à son album, particulièrement sur des morceaux comme Bec, L’Opéra, Glissé, redressé ou encore Bronze. Et pour preuve : à l’aide de sa musique pourtant assez minimaliste, il n’a eu aucun souci à faire danser le public de l’Alhambra.
Paradoxalement, Bertrand Belin a imprégné la salle d’une folle énergie que les Limiñanas n’a pas réellement réussi à conserver. Eux qui ont pourtant offert un show plein d’énergie, accompagné d’une scénographie travaillée, ont vu les spectateurs s’en aller au compte-gouttes. Était-ce une question de public, de timing ? La réponse reste mystérieuse. Car pour tout fan des Limiñanas qui se respecte, leur performance était fidèle à tout ce qu’on pouvait attendre du duo français. Peut-être que la synergie partagée par Lionel, Marie et leurs cinq musiciens était si forte que la foule de l’Alhambra a eu du mal à y trouver sa place.
Vendredi 22 : soirée rap avec RK, Kikesa et Geogio
Le festival nous avait prévenus : les concerts du vendredi promettaient une tout autre ambiance, ainsi qu’un tout autre public. C’est RK, un rappeur de 17 ans originaire de Seine et Marne s’étant démarqué avec des titres tels que X ou X, qui a ouvert la soirée. Comme attendu, c’est un public jeune qui s’est empressé de remplir les moindres recoins de la Grande Scène, téléphones levés et rivés vers leur idole, voire en mode vidéo selfie pour montrer qu’ils étaient présents à ce concert enflammé. Entre flow efficace, paroles cathartiques et prods gorgées de basses lourdes, RK s’en est donné à cœur joie et ce fut une réussite, en vue de tous les sourires aussi satisfaits qu’épuisés quittant la salle, à la fin du concert.
À la suite s’est présenté Kikesa, décrit comme un « condensé de pop culture et de musique » par le festival, et décrit comme le « nouveau hippie » par le principal intéressé. Contrairement à RK et ses rythmes plus sombres, ce rappeur délirant dégageait un quelque chose d’éclatant, habillé d’un survêtement jaune poussin et d’un bandana, devenu sa signature. Plus enfantin, plus festif, il est certain que Kikesa a rapporté un peu de légèreté à cette soirée.
Pour conclure cette soirée rap, Voix de Fête n’a appelé ni plus ni moins que Georgio pour enflammer ses locaux. Rappeur aux inspirations diverses et se revendiquant héritier de poètes tels que Paul Eluard ou Robert Desnos, il est venu défendre son dernier album XX5 avec un show qui se voulait plus sobre et inclusif que les deux précédents artistes. Au milieu de ses faisceaux lumineux, Georgio a rappé, chanté, et dansé, d’une foulée pas forcément gracieuse, mais pleine d’énergie, d’entrain et de spontanéité qui n’a pu que séduire le public. Il y avait certainement un aspect cathartique dans cette performance suisse, pays où son album a été enregistré. Quelques minutes avant le concert, il nous expliquait : « La Suisse et moi, c’est une grande histoire d’amour. C’est là que j’ai fait mes toutes premières dates solos, et c’est là où j’ai enregistré XX5 parce qu’à Paris, j’ai tous mes problèmes routiniers qui resurgissent. Revenir ici, ça me fait revivre le processus de création de mon album ». Et ça se sent. Il vit ses textes comme il vit sa vie : « Extérioriser c’est vraiment mon but premier. Faire de la musique, c’est juste une sorte de mise en forme, et je suis vraiment heureux que ça marche bien. Mais c’est la plume avant tout. Écrire ce que j’ai sur le cœur, ce que je vis, c’est vraiment indispensable pour moi. Je suis un amoureux des mots ». Sur le coup, Georgio a mis tout le monde d’accord, il était bien « dans son élément ».
Samedi 24 : soirée nouvelle scène française avec Voyou, Aloïse Sauvage, Terrenoire et Vendredi Sur Mer
Le samedi, dernière soirée de concerts payants, avait clairement un quelque chose de bon enfant. Il n’était pas rare de croiser les artistes en ballade dans le bâtiment ou sur la terrasse, discutant avec les personnes présentes de sujets légers, en profitant des derniers rayons de soleil de la journée. C’est qu’il fallait que ces musiciens et chanteurs, portant le « renouveau de la scène française » sur leurs épaules (comme on aime si bien le dire), fassent le plein d’énergie avant leurs shows.
C’est au Pitoëff, une superbe salle à l’étage du bâtiment principal, que l’on a retrouvé le captivant duo Terrenoire, qui avait enflammé le festival des Inrocks en novembre dernier. Il était assez intéressant de voir le public éclectique assis sur les sièges de la salle, certains connaissant par cœur les chansons des Stéphanois, d’autres regardent d’un œil curieux le spectacle, se demandant sûrement de quoi est faite la tête des deux frangins. Ce qui est sûr, c’est que Terrenoire a investi cette scène avec beauté et grandeur, plongeant les spectateurs dans une autre dimension, particulièrement sur des titres comme Le cœur en latex, Allons là-bas ou encore La Pianiste.
À l’étage d’en dessous se produisait la flamboyante et vivifiante Aloïse Sauvage. À quelques jours de la sortie de JIMY, son premier EP (à écouter de toute urgence ici), la jeune femme avait de quoi radier d’énergie. C’est dans une salle pleine à craquer que nous avons retrouvé la kid de Seine et Marne. Et en la voyant enchaîner ses chansons, ses chorégraphies calculées au millimètre près et ses blagues avec spontanéité, on a vite compris qu’Aloïse était née pour faire de la scène. Elle parle et crée très naturellement le contact avec le public, partageant avec lui sa joie de vivre, ses colères et ses doutes. Comme elle l’a elle-même si bien conclu à la fin de sa performance : « j’espère que ce concert vous aura donné envie d’être vivant« . C’était le cas.
Vendredi Sur Mer était la suivante sur notre liste. La jeune suisse venait tout juste de sortir Premiers Émois, un premier album plein d’une sensualité aux reflets electro et rétro, qu’elle a parfaitement su faire transparaître sur scène. « On va faire l’amour tous ensemble » a-t-elle annoncé de sa voix suave et d’un petit sourire en coin au début de son concert. Évoluant autour d’un énorme coquillage-siège blanc orné de perle aux côtés de 3 danseurs, Vendredi Sur Mer resplendissait. À la fois aérienne et marine, elle a su envoûter le public et a transmis à toute la salle ce quelque chose de sensuel et de pétillant qui la rend unique, et dont elle a imprégné tous les corps et toutes les âmes présentent sur la Grande Scène ce soir-là.
C’est avec Voyou que nous avons décidé de conclure notre festival, lui qui nous avait déjà séduit avec Les bruits de la ville, un premier album contemplatif réunissant contes colorés et poésies sucrées. Le lillois, lui-même habillé d’un tee-shirt jaune poussin recouvert d’une chemise bleu- électrique, est arrivé sur une scène multicolore, prêt à faire danser les couleurs. C’est que, pour sa première date à Genève, il a déployé une énergie folle sur scène, alternant constamment entre le chant, la trompette, la guitare et la basse, jouant de ses expressions faciales et dansant comme pas permit. On la aussi vu explorer le public comme il semble explorer les villes, analysant un public aussi vivant que lui. On retiendra particulièrement Seul sur ton tandem, A nos jeunesses, Papillon et La légende urbaine qui en live, ont vraiment un quelque chose d’explosif.
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