Jesse a entre les jambes un organe hors du commun. Un engin très spécial, car le piège à filles du môme crache à l’improviste les balles et la mitraille, les bombes et obus, les missiles et la mort. Dans les rizières du Vietnam de 1968, hécatombe de “bridés” assurée. Au pied du mont Washington, carnage garanti – quand Jesse cesse d’arroser de napalm des colonnes de rats et d’humains en fuite, il ne reste de sa ville natale que ruines et cadavres.
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A la décharge de l’Attila du New Hampshire, la bourgade d’Hollinsford l’avait un peu cherché : quand vient la puberté, un gamin, aussi attardé fût-il, n’apprécie pas d’entendre ses camarades de jeux regretter son absence de queue, au motif que cette lacune les prive du plaisir d’y “accrocher des boîtes de conserve”. Et de le voir ensuite détaler dans les rues “avec eux à ses trousses”.
Depuis Shakespeare et Faulkner, les histoires racontées par un idiot – et de préférence pleines de bruit et de fureur – fascinent les écrivains. Pour le meilleur souvent, même lorsque ce meilleur se confond sur le plan de la correction politique avec le pire.
Un zizi de gosse devient en mode cartoon une arme de destruction massive
Dans Jesse le héros, un romancier débutant invente en 1981 une version de L’Attrape-cœurs revue par le Jim Thompson de 1275 âmes – à moins qu’il ne s’agisse d’un remake de La Balade sauvage mis en scène par le Harmony Korine de Gummo.
Longtemps avant que la “masculinité toxique” ne fasse les unes de magazines, un zizi de gosse devient en mode cartoon une arme de destruction massive, responsable d’une tripotée de trépas réels ou fantasmés : à la fois fléau ambulant et loupiot susceptible de saisissants éclairs de poésie,
Jesse part en cavale dans un univers d’obsédés sexuels, de pères incestueux et de décharges publiques. Une flopée d’hallucinations plus tard, il est le seul à sortir indemne d’une odyssée dont les atteintes aux bonnes mœurs vont de pair avec une effroyable drôlerie.
De quoi nourrir un roman tellement corrosif qu’il faillit rester unique : auteur de multiples récits de voyages, Lawrence Millman attendra 2002 pour revenir à la satire et proposer avec Paris Was My Paramour les confidences germanopratines d’un écrivain de la génération perdue et d’un réalisateur ayant eu la riche idée d’offrir à Brad Pitt le rôle du dalaï-lama. Bruno Juffin
Jesse le héros (Sonatine), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro, 208 p., 19 €
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