Des motos de « Trials Rising » aux skates d' »OlliOlli » en passant par les vélos tout terrain de « Pumped BMX Pro » et les véhicules futuristes de « FutureGrind », les simulations de sports dits « extrêmes » sont omniprésentes depuis le début de l’année. Mais, loin du grand spectacle en 3D qui était encore la règle en la matière il y a quelques années, ils récompensent d’abord les joueurs capables de finesse et de subtilité.
Une fois encore, nous nous rétamâmes piteusement. L’affaire semblait bien engagée. On pensait même avoir tout bon – la vitesse, l’équilibre, le tempo –, mais soudain : la chute, le mur, la honte. Soudain, notre cerveau pourtant entraîné a buggé et nos doigts se sont mis à faire n’importe quoi. Si elles ne misent plus autant sur le grand spectacle en 3D qu’au cours des années 2000 (on ne vous oublie pas, Sega Extreme Sports, Matt Hoffman, Tony Hawk et tous les autres), les simulation de sports dits « extrêmes » ne sont pas devenues de tout repos pour autant. Sérieux ou fantaisistes, voire franchement irréalistes, ils n’ont peut-être même jamais exigé du joueur autant de précision qu’aujourd’hui. Qu’on se le dise : le plaisir est à ce prix. Mais, au bout de la route, il pourrait bien se révéler immense – qu’on se le dise aussi.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Derrière la course, le puzzle
Notre première pièce à conviction a pour nom Trials Rising. Dernier volet en date de la série du studio finlandais RedLynx (propriété d’Ubisoft depuis 2011) née en 2000, il ne change pas fondamentalement une formule qui gagne. Notre héros à moto se voit proposer une succession d’épreuves toujours plus délicates dont il devra triompher pour poursuivre sa progression, s’ouvrir de nouvelles courses, acquérir de nouveaux accessoires (décoratifs) pour son véhicule et lui-même (dans les “caisses de matos” offertes à chaque montée de niveau) et, si tout se passe bien, débloquer de nouvelles motos pour aller toujours plus vite, haut et loin. Bien plus que dans l’avalanche de tenues plus ou moins farfelues (clown, cow-boy…) pour notre courageux pilote, la récompense se trouve ici dans les courses elles-mêmes. Que l’on pourrait aussi bien qualifier d’énigmes car Trials Rising (et la saga Trials en général) peut aussi être vu comme un puzzle game “physique” (un cousin nerveux de World of Goo, disons), un jeu dans lequel il s’agit moins de foncer que de trouver une réponse adaptée à la configuration des lieux (trous, bosses, tremplins…) Et c’est ainsi que le sport extrême devint aussi extrêmement cérébral. D’ailleurs, pas de mystère : quand on échoue, ce n’est pas nos doigts mais notre cerveau qu’on accuse.
BMX et devoirs du soir
Troquant la moto pour le vélo, Pumped BMX Pro n’en évolue pas moins sur un territoire proche de celui de Trials Rising. A ceci près qu’ici, la surcharge (d’effets, d’options…) cède la place à la sobriété, comme en écho à l’économie même d’un jeu qui est d’abord le projet d’un homme seul, le Britannique Adam Hunt (certes aidé par quelques développeurs freelance et un éditeur bien établi, Curve Digital). Ne pas se fier à ses graphismes naïfs et colorés : Pumped BMX Pro ne croit pas en la décontraction et la discipline y est la seule voie vers le succès. Et même si, comme chez le modèle Trials, il y a plusieurs façons de réussir un niveau selon que l’on remplit ou non les objectifs facultatifs qui nous sont assignés, il va falloir trimer. On avoue même non sans honte avoir souffert avant même la fin du tutoriel (et s’être aidé d’une vidéo YouTube pour sortir ce maudit “tailwhip”).
L’œuvre d’Adam Hunt (alias Yeah Us! Games) serait-elle, selon l’expression désormais consacrée le “Dark Souls du jeu de BMX” ? Ce n’est vraiment pas impossible. Une chose est sûre : ici, le joueur est vu comme un élève, un apprenti et, si l’on veut aller loin, ce sera par une suite de petits pas. Ce qui, au fond, va plutôt bien, comme dans le cas de Trials Rising, à la version Switch (donc portable) du jeu. On prend la console, on lance le jeu, on fait nos devoirs du soir. Un parcours, pas forcément plus. On souffre beaucoup, et puis un peu moins. Ça passe à l’arrache, puis plus élégamment, et ça y est : on a été bon. On a été superbe.
Du skate en rythme
Fraichement paru là aussi sur la Switch, OlliOlli : Switch Stance réunit les deux jeux de skate du studio anglais Roll7 déjà disponibles sur bon nombre des machines à jouer actuelles, OlliOlli (2014) et OlliOlli2 : Welcome to Olliwood (2015). La logique, là aussi, est celle du parcours à suivre en 2D, en utilisant à son avantage les obstacles et rampes qui se présentent devant nous. Plus dépouillé graphiquement que ses rivaux, OlliOlli est pourtant aussi celui dont on affirmera avec le plus de conviction qu’il a du style. Mais ce pixel art (soigné n’est pas son seul signe distinctif : sur le plan sonore aussi, de ses bruitages (du rebond sur une rampe, des roues du skate…) à sa musique electro de très bon goût (Lone, DFRNT, Dark Sky…), le diptyque OlliOlli se distingue royalement.
Et s’il dévoilait du même coup sa nature profonde ? Car si Trials Rising flirte avec le jeu de réflexion, OlliOlli a quant à lui quelque chose du rhythm game. Lâchant le stick pour décoller puis pressant la touche B dans l’espoir de se poser sans encombre, le joueur s’installe et, si tout va bien, s’oublie dans le tempo. Devient le mouvement, la ligne (claire, plutôt que heurtée comme dans Trials Rising ou Pumped BMX Pro). Chaque parcours est une séquence d’actions à déchiffrer, apprendre et reproduire. D’abord, maîtriser la partition et son instrument. Ensuite, seulement, viendra le moment d’ajouter sa marque, son style en effectuant des figures, essentiellement – mais on peut aussi trouver que la trajectoire, en elle-même, est belle.
De la panique à l’oubli de soi
Dernier membre de cette jolie brochette de saison, FutureGrind opte, lui, pour le sport du futur et invite un nouvel élément à la fête : la couleur. Car notre vélo (ou moto, on n’en est pas bien certain) de science-fiction, rose d’un côté et bleu de l’autre, doit continuellement tourner sur lui-même pour présenter son extrémité dont la teinte correspond à celle, évidemment changeante, de la piste, d’une manière qui rappelle le très chouette Chameleon Run. De la panique (“Je ne vais jamais y arriver !”) et parfois même la colère, à l’oubli de soi, le cheminement est le même qu’avec Trials Rising, Pumped BMX Pro et OlliOlli. Ce n’est pas un dressage mais une éducation, un voyage personnel (plus ou moins difficile, plus ou moins encourageant) au pays du style, peut-être même une émancipation. Les jeux de sports extrêmes, annonçait-on, ont pris leurs distance avec le grand spectacle en 3D. A l’intérieur de nous, le feu d’artifice ne fait pourtant que commencer.
Trials Rising (RedLynx / Ubisoft), sur Switch, PS4, Xbox One et PC, environ 25€
Pumped BMX Pro (Yeah Us! Games / Curve Digital), sur Switch, Xbox One et PC, environ 15€
OlliOlli : Switch Stance (Roll7 / Good Sheered), sur Switch, environ 15€.
FutureGrind (Milkbag Games), sur Switch, PS4 et PC, de 17 à 20€
{"type":"Banniere-Basse"}