Depuis l’éclosion vidéoludique dans les seventies, petit et grand écrans se nourrissent l‘un l‘autre et l’in de l’autre.
Le cinéma n’a pas attendu l’arrivée du jeu vidéo pour concevoir des mondes fantastiques dans lesquels immerger ses spectateurs. Georges Méliès s’en chargea dès les origines. Très vite, à son propre commencement, le jeu vidéo s’est empressé de piocher dans les codes du cinéma pour construire visuellement et scénaristiquement des intrigues ludiques, pastichant aussi bien le western, le polar, la fable SF que le film d’espionnage.
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Depuis les années 1970 et l’éclosion du marché, le jeu vidéo inspire de plus en plus les réalisateurs en ouvrant vers des univers aussi infinis qu’hybrides. Le cinéma s’est donc, lui aussi, emparé de cet art naissant, de ses motifs (la figure du hacker), de ses univers graphiques, comme de ses technologies (la motion capture).
Une attraction commune qui a même donné naissance à un genre, celui de l’adaptation au cinéma de certains jeux à succès. Cette machine implacable dont raffolent les studios hollywoodiens permet à la fois, de raviver la flamme défraîchie d’une franchise à bout de souffle (Warcraft) tout en s’assurant un public de gamers plus ou moins conquis d’avance.
Artifice pixellisé et voix lyriques
Au-delà de cette seule formule marketing bien rodée, l’univers du jeu vidéo, ses images modélisées comme ses codes narratifs, offrent donc bien une nouvelle aire de jeu pour certains cinéastes. Au début des années 2000, le touche-à-tout Chris Marker se retranchait dans le monde virtuel et en 3D de Second Life – plate-forme incitant plus au vagabondage dématérialisé qu’aux missions impossibles – et imaginait à l’intérieur un musée 2.0.
Il y a trois ans, le jeune et talentueux cinéaste Jonathan Vinel publiait sur Vimeo un film baptisé Notre amour est assez puissant. Dans ce film de neuf minutes, uniquement composé d’images tirées de jeux vidéo, nous suivions les errances solitaires d’un homme sans visage, dont seules les mains armées d’une kalach apparaissaient en amorce du plan. En off, un dialogue amoureux et élégiaque entre deux voix, robotiques puis humaines, résonnait.
NOTRE AMOUR EST ASSEZ PUISSANT from jonathan vinel on Vimeo.
En mêlant l’artifice de ces images pixelisées et le lyrisme des voix, Jonathan Vinel désamorçait l’hyper violence des plans de tuerie et faisait du meurtrier armé un être de chair. En 2009, James Cameron, avec Avatar, imaginait une planète bleutée et féerique, sorte de bulle utopique, comme seule échappatoire d’une humanité abîmée et incarnée par un héros aux jambes atrophiées.
Une alternative au réel comme source d’inspiration
En 2014, un autre cinéaste, donnait lui aussi un réjouissant aperçu de l’osmose entre jeux vidéo et cinéma. Avec Edge of Tomorrow, Doug Liman catapultait Tom Cruise en plein champ de bataille alien et orchestrait son film sur un mode du “die and retry” en faisant de l’inoxydable Tom un pantin destiné à revivre inlassablement la même journée. Ce n’est qu’une fois l’énigme résolue, que le personnage accédait enfin au level supérieur.
Le monde du jeu vidéo serait-il devenu une alternative à un réel à court de représentation ? Si cette relation fructueuse a donné quelques beaux et stimulants alliages, elle pose, à la veille d’une possible révolution technologique annoncée par la réalité virtuelle (VR), une épineuse question : celle de l’immersion. Un film doit-il se regarder ou bien se vivre comme un jeu vidéo ? Le spectateur doit-il devenir l’acteur/joueur du film qu’il est en train de regarder ?
En imaginant que la VR infiltre la sphère cinéma, comment imaginer le principe de mise en scène quand celle-ci serait privée de ce qui la définit en partie, à savoir son cadre. Il serait alors permis à chacun d’inventer sa propre mise en scène, de dessiner par son regard circulaire à 360°, ses propres lignes et ses propres espaces.
La présentation, en mai dernier, d’un court métrage tourné en réalité virtuelle, Carne y arena, immersion dans le quotidien de réfugiés passant la frontière américano-mexicaine, réalisé par Alejandro González Iñarritu apporte en ce sens une première pierre à l’édifice. Le mariage entre VR et cinéma est-il possible ? ou fera-t-il naitre un nouveau langage ?
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