Un message d’espoir : la Terre est condamnée. Mais, bonne nouvelle, il nous reste quelques millénaires pour danser.
Pour ceux qui ne seraient pas abonnés à National Geographic, rappelons que les “Nazca lines”, ou géoglyphes de Nazca, sont de vastes dessins géométriques situées dans un désert du Pérou, uniquement visibles en altitude et destinés aux dieux ou aux extraterrestres. Si la musique de l’Anglais NZCA Lines, Michael Lovett sur son passeport, est effectivement géométrique, elle se révèle, de haut, nettement plus poétique elle aussi.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Un futur pop dans des claviers vintage
Sur un premier album, Compass Points (2012), Michael Lovett avait déjà révélé, avec les moyens du bord et l’innocence de l’âge, les pourtours de son vaste chantier de la rénovation de la pop-music. Pour contremaîtres, il s’était entouré de deux des génies de cette nouvelle façon d’enrober le refrain anglais, le trop méconnu Charlie Alex March et le désormais installé Ash Workman – producteur de Metronomy ou Christine And The Queens, avec lesquels Lovett a d’ailleurs travaillé. Ce dernier est donc très proche d’une belle ribambelle qui, de Hot Chip à Metronomy, cherche un futur pop dans des claviers vintage.
On dit proches. On devrait parler de famille, car cette jolie clique du Devon a partagé les bancs de la même école : Joseph et Gabriel de Metronomy, Harry du formidable label Double Denim et même Ben Howard ou Muse… “Ça faisait la fierté du prof de musique, les concerts de fin d’année de l’école étaient réputés !”
A la maison, un grand frère continue l’enseignement : il passe à fond ses cassettes, Smiths, Weezer, Beatles ou Beach Boys. Le jeune Michael se construit sur ces chansons, sur cette idée biscornue de la pop. Et commence à bricoler ses propres musiques, avec deux petits magnétophones à cassettes et un piano familial. Il joue dans des groupes, dont un nommé Tiger Mountains en hommage à son héros de jeunesse Brian Eno. Avant d’aimer sa seule compagnie et le pouvoir de décider seul, en parfait control freak. “Dans les groupes, je sentais que je me diluais.”
Une tendance à divaguer
NZCA Lines est pourtant aujourd’hui un groupe, avec Michael en pacha au milieu de deux des plus impressionnantes musiciennes du Royaume – et on ne parle pas seulement de leur impact visuel. Soit Charlotte Hatherley de Ash et Sarah Jones de Hot Chip, la rythmique dont tant de groupes ne peuvent que rêver, à la fois physique et délicate. Elles donnent corps et groove à Infinite Summer, le ramènent les pieds sur terre, lui qui a tendance à divaguer et rêvasser haut, à l’image d’un Michael Lovett cosmique, déjà évadé de la terre.
“Je rêve tellement fort qu’il m’arrive de manquer mon déjeuner, puis mon dîner. La musique me sert à m’évader de la réalité.”
Il passera ainsi la moitié de l’entretien à évoquer, avec fougue, des auteurs de SF comme l’immense Stanislas Lem, J. G. Ballard ou Arthur C. Clarke pour expliquer où il vit. L’occasion pour lui aussi de détailler la narration précise et majestueuse de l’album : l’extinction par un soleil disproportionné de toute civilisation terrienne. Mais en attendant la fin, dans quelques milliers d’années (?), il veut danser et fêter l’humanité, dans le tonitruant début de l’album. Avant d’être rattrapé en seconde partie par le deuil, la réalité et une sale gueule de bois pleine d’échardes. De l’utopie à la dystopie en une poignée de chansons.
Un infatigable francophile
En chemin, NZCA Lines a déniché une dance-music étrange et sensuelle, qui se pratique le moral dans les chaussettes mais avec une énergie de forcené. De la dance-music jouée sans doute par des gens qui ne dansent pas, qui observent les autres depuis le bord du dance-floor et la vie par une fenêtre embuée. Cet infatigable francophile, qui place au sommet de son panthéon Phœnix, Sébastien Tellier ou Cassius, aurait d’ailleurs rêvé d’inviter Philippe Zdar à la production, pour ce qu’il estime être une façon très française de faire de la dance-music romantique, mélancolique. “Les paroles de Phoenix sont si tristes, si belles…”
Dans le genre interstellaire, nostalgique de la Terre, on pense parfois au Bambi Galaxy de Florent Marchet, souvent au Daft Punk de Discovery pour cette capacité d’accueil d’éléments à la limite du kitsch, voire de l’impossible (les guitares de Genesis) dans une musique si gracieuse, si dénuée de second degré, de pose. Et aussi pour ces noces raffinées, torrides, entre le chaud et le froid, la liesse et le bourdon. “Je ne vois décemment pas pourquoi on ne pourrait pas danser et pleurer en même temps”, conclut Lovett.
{"type":"Banniere-Basse"}