Chantre doué de la country folk en français, Baptiste W. Hamon revient avec un album plus pop et coloré qui illumine le printemps. Rencontre avec un french cowboy.
On l’avait laissé, en mars 2016, avec Will Oldham sur son premier album. On le retrouve en même et belle compagnie sur son nouveau disque aux airs printaniers : Soleil, soleil bleu. Sous sa casquette qu’il arbore sur la pochette (et en interview), Baptiste W. Hamon a décidément de la suite dans les idées, adaptant Black Captain de Bonnie “Prince” Billy, un titre choisi par le natif de Louisville sur le 33-tours Wolfroy Goes to Town (2011). Tel un cousin germain de Murat, il chante dans sa langue maternelle en rêvant des grands espaces américains. On verrait bien ce french cowboy reprendre L’Amérique de Joe Dassin, tant sa chanson country-folk le place sur les deux rives de l’Atlantique. Pour l’interroger, on doit précisément attendre son retour du Texas, où le Parisien, pourtant pas programmé cette année au festival South By Southwest, a décidé de passer une dizaine de jours.
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Sourire juvénile et paroles de vieux sage
Avec des étoiles plein les yeux et encore jetlagué, le trentenaire évoque sa rencontre avec Robert Earl Keen, songwriter texan avec qui il a enregistré un duo bilingue : “C’était comme dans mes rêves adolescents les plus fous, à part qu’il s’est réalisé. Depuis mon premier road-trip au Texas il y a dix ans, je ressens l’Amérique presque physiquement, avec des larmes qui montent à chaque fois que j’y retourne.” Pas étonnant de la part de celui que l’on qualifie souvent de “plus américain des chanteurs français”, même si l’étiquette a déjà servi pour d’autres compatriotes.
Avec sa voix hors d’âge, parfaitement insoupçonnable derrière ses trente-deux printemps et son sourire juvénile, Baptiste W. Hamon écrit et interprète des paroles d’un vieux sage : “A l’ombre du grand saule en pleurs/Et la groseille de l’été/Qui me séchait la bouche.” Il aime parler de ces “frissons d’un autre temps” tel un homme ayant eu plusieurs vies. Sur ses maxis inauguraux, il rendait d’ailleurs hommage à Townes Van Zandt, Alan Seeger (poète américain et oncle du folkeux Pete Seeger) ou à son arrière-grand-père mort, comme Alan Seeger, lors de la Grande Guerre.
“Un rêve éveillé après avoir bossé dans un bureau à la con”
Son tropisme américain doit tout ou presque à Townes Van Zandt. “Inconsciemment, j’ai toujours éprouvé une profonde attirance pour les Etats-Unis, mais elle s’est développée en découvrant la musique de Townes Van Zandt à 17, 18 ans. Ce jour-là, je me suis pris une claque énorme, presque irrationnelle. Grâce à lui, j’ai déroulé un fil qui m’a emmené vers Hank Williams ou Johnny Cash. Van Zandt reste la figure qui m’a donné envie de chanter, comme s’il me murmurait à l’oreille.”
Parallèlement à de brillantes études, Baptiste W. Hamon apprend quatre accords sur la guitare des frères aînés et reprend Il est libre Max d’Hervé Cristiani, pour les nuits houblonnées entre copains, mais n’envisage pas une carrière artistique. Au point d’entamer une vie professionnelle d’ingénieur dans une tour de La Défense, à mille lieues du berceau de la country. A 25 ans, il plaque tout pour plancher sur ses premières chansons, arpentant les scènes parisiennes du Pop In ou du Truskel sous le pseudonyme de Texas In Paris. Par courriel, il contacte Mark Nevers, producteur basé à Nashville et homme de l’ombre de ses disques de chevet (Vic Chesnutt, Bonnie “Prince” Billy, Lambchop, Silver Jews), avec qui il enregistrera L’Insouciance (2016). Un titre approprié au vu du parcours de son auteur, qui vit “un rêve éveillé après avoir bossé dans un bureau à la con”. Pour parachever le tableau, Baptiste W. Hamon est signé par un label manager dont l’ouïe (Alain Artaud de Manassas Editions, ayant travaillé autrefois avec Murat ou Will Oldham) ressent, comme lui, la musique américaine.
« Je me méfie des disques qui se suivent et qui se ressemblent trop«
“Paradoxalement, je ne me voyais pas écrire dans une autre langue que le français. C’est en écoutant des artistes patrimoniaux comme Barbara, Brel et Reggiani que j’ai pris conscience de la richesse poétique de la chanson française. C’est d’ailleurs à cause d’eux que je roule encore parfois les r.” Le succès critique aidant, il réfléchit déjà à la suite. De Belleville à Bordeaux, en passant par Londres, il s’entoure de compagnons à la culture plus pop, comme Mark Daumail de Cocoon, le multi-instrumentiste Alexandre Bourit (Fishbach, Miossec) ou Ben Christophers, l’Anglais adoubé par Françoise Hardy. “Je souhaitais m’ouvrir à davantage de modernité car je ne suis plus aussi monomaniaque qu’auparavant. J’écoute autre chose que des folk singers des années 1970, plaisante-t-il. En tant qu’auditeur, je me méfie des disques qui se suivent et qui se ressemblent trop. Ce nouvel album sonne moins country que le précédent, même s’il reste fortement imprégné d’americana.”
L’entêtant single Je brûle, inspiré par un séjour familial à Chablis, joue ainsi du contraste entre couplets parlés et refrains chantés tandis que la ballade déchirante Hervé avec Miossec ou le goûteux Bloody Mary complètent la palette musicale. Plus largement, ce second album brille comme le Soleil, soleil bleu, chanson d’ouverture survenue comme une fulgurance et dont le titre est un savant clin d’œil au Pink Moon (1972) de Nick Drake.
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