Pour propager un message, il faut un slogan fort. Sur un panneau d’affichage, un paquet de cigarettes, un T-shirt, le message se passe de son illustration si tant est que le slogan soit percutant. L’image, au contraire, c’est la porte ouverte à l’ambiguïté. Pour l’interpréter, il faut avoir le luxe d’hésiter et de se tromper.
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Or depuis plus de quarante années, Jenny Holzer est une femme pressée. Dès lors, le choix de son arme s’impose naturellement : ce sera le texte diffusé dans l’espace public. En 1977, cette héritière de l’art conceptuel initie la série Truisms. Une série d’affiches anonymes essaime alors dans les rues du centre de Manhattan.
Provoquer un réveil de la conscience critique
Deux ans plus tard, Jenny Holzer commence à utiliser le papier fluo pour ses affichages sauvages. Si la première série explore la forme de l’aphorisme, la seconde, Inflammatory Essays, reprend la forme de manifestes religieux, artistiques ou politiques. Toutes deux cherchent à provoquer un réveil de la conscience critique par la confrontation avec un grand nombre (près de trois cents pour les Truisms) de croyances contradictoires.
Thing Indescribable – du nom de sa rétrospective au Guggenheim Bilbao – s’ouvre sur une salle recouverte des affiches de ces deux séries. La mort, la guerre, la violence constituent les principaux carburants d’une œuvre à proprement parler “inflammatoire”.
Des thèmes, elle n’en a pas, car chez elle, tout se définit en réaction à une situation donnée. De style à proprement parler non plus : ce qui compte, c’est l’efficacité maximale. En octobre 2017, #NotSurprised, le hashtag lancé dans le monde de l’art à la suite du mouvement MeToo, reprendra ainsi le slogan “Abuse of Power Comes as No Surprise” (L’abus de pouvoir ne surprend personne) imprimé sur un T-shirt par Jenny Holzer, en 1983.
A partir des années 1980, l’artiste se lance dans l’utilisation de panneaux d’éclairage LED. Depuis 1997, le Guggenheim Bilbao présente de manière permanente l’une de ces installations, Installation for Bilbao, composée de neuf colonnes sur lesquelles défilent des lettres luminescentes.
Peintures de censure
Dans ses œuvres récentes, l’artiste les fait se mouvoir dans l’espace de manière aléatoire par un bras robotisé. C’est le cas de There Was a War (2019) ou I Woke Up Naked (2019) où s’affichent respectivement des témoignages de réfugiés syriens et de victimes de violences sexuelles. Une dernière salle présente un corpus d’œuvres méconnues : les explorations sur toile que mène l’artiste depuis le début des années 2000.
Dans les Redaction Paintings (Peintures de censure), Jenny Holzer se laisse aller à l’image et à l’expression. Au calque sont reproduits des documents classifiés, émis par l’armée américaine durant les guerres en Afghanistan ou en Irak, dont la lecture est oblitérée par un travail à la couleur et à la feuille de métal. Leur maniérisme ne convainc pas.
Par contraste, éclate en revanche l’efficacité de ses premières œuvres les plus simples – elles aussi davantage appropriées à la viralité sur les réseaux sociaux qu’à la monumentalisation en institution.
Jenny Holzer : Thing Indescribable Jusqu’au 9 septembre, Guggenheim Bilbao, Espagne
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