En une décennie, Eataly est devenu un empire de la food italienne à travers le monde. L’enseigne s’installe actuellement dans la capitale, au cœur du Marais, pour une ouverture prévue en 2019.
A Turin, sur l’ancien site industriel du Lingotto, le tout premier magasin Eataly passerait presque inaperçu. Il est installé dans ce qui fut une usine Carpano avant de se transformer, à la fin des années 2000, en temple ultrapopulaire de la food locale. Dix ans plus tard, en s’y baladant, on trouve toujours ce qui a fait le succès du lieu : des produits italiens de qualité, de l’équipement pour la cuisine, un rayon livres, plusieurs restaurants et même un musée à l’étage. Et bien sûr, au comptoir à pizzas, la margherita n’affiche que 5,80 euros. Ça donne une idée de l’ensemble.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’enseigne Eataly, fondée par Oscar Farinetti en 2004, a depuis ouvert des magasins partout en Italie, mais aussi à New York, Dubaï, São Paulo, Tokyo, Séoul, Munich, Istanbul, Stockholm… et bientôt Paris. En quelques années seulement, un empire s’est constitué. “C’était impossible de ne pas imaginer ce succès, s’enthousiasme Matteo Ferrio, manager du magasin Eataly du Lingotto. Tout le monde aime les produits italiens. D’ailleurs, même les copies d’Eataly fonctionnent bien ! Mais notre réussite, c’est d’avoir exporté le concept partout dans le monde.” Et pas dans n’importe quelles conditions. A New York, par exemple, c’est près du célèbre Flatiron Building, sur la Cinquième Avenue, qu’Eataly s’est d’abord installée ; et à Paris, où l’ouverture du premier magasin français est prévue pour le printemps 2019, c’est en plein cœur du Marais que l’enseigne italienne s’apprête à élire domicile.
Un genre d’événement architectural
C’est le groupe Galeries Lafayette qui a signé l’accompagnement de la franchise en France. Maison mère du BHV et de son patrimoine immobilier, le groupe vient de terminer la première partie des travaux dans les deux immeubles voisins qui accueilleront le nouvel Eataly. L’entrée se fera au 37, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie mais proposera tout un parcours piéton entre le BHV et la fondation Lafayette Anticipations, dont l’espace, inauguré en mars dernier rue du Plâtre, restera la première signature de Rem Koolhaas à Paris.
Un genre d’événement architectural, d’autant que le Marais est protégé par un plan de sauvegarde dont la révision récente, encadrée par la Ville de Paris et les architectes des bâtiments de France, a permis d’inscrire le chantier Eataly dans le calendrier de transformation du quartier. Bref, comme le résume Romain Labbé, directeur de l’identité architecturale de Citynove (bureau du groupe Lafayette gérant ses projets immobiliers), le dossier Eataly n’est pas une mince affaire. “C’est difficile dans la mesure où c’est quasiment impossible, sourit-il en faisant visiter. C’est un travail de couture, du sur-mesure.”
>> A lire aussi : “On a testé La Felicità, nouveau restaurant Big Mamma de 4 500 m2” <<
Du sur-mesure étalé sur quelque 4 000 m² séparés en deux espaces qui se partageront notamment une épicerie, différents points de restauration et un café – la recette habituelle d’Eataly pour sublimer l’“expérience d’achat” de sa burrata ou de son huile d’olive à la truffe. A ce titre, Alessandra Pierini, patronne de l’adresse de référence RAP, dans le IXe arrondissement, et par ailleurs auteure de plusieurs livres sur la cuisine et les produits italiens, ne s’inquiète pas trop de la concurrence d’Eataly sur les petits commerces italiens à Paris. Elle estime qu’Eataly constituera “une destination de sortie”, où les clients iront “de temps en temps”, sans pour autant abandonner leurs commerces de quartier.
“C’est possible que ça fasse du mal aux épiceries alentour, poursuit-elle. Mais dans mon cas, je m’estime assez éloignée pour ne pas être impactée. Une grande partie de ma clientèle habite le quartier. Je vois mal les Parisiens du IXe aller faire leurs courses chez Eataly.” Alessandra Pierini y voit même un intérêt potentiel : “Les gens y découvriront peut-être des produits qu’ils voudront continuer d’acheter dans leur épicerie de quartier.”
“Promouvoir la diversité italienne”
L’arrivée d’Eataly dans le Marais survient dans un contexte d’explosion de la restauration italienne à Paris. Les ouvertures incessantes de nouvelles pizzerias estampillées Fooding ainsi que le succès de la chaîne de restaurants Big Mamma (East Mamma, Ober Mamma, Popolare, BigLove…) ont réajusté, ces dernières années, les habitudes de beaucoup de Parisiens autour de la cuisine italienne. Quitte à tomber “un peu trop dans le folklore”, selon Alessandra Pierini. “Nous, les Italiens, on n’a pas besoin d’aller au restaurant pour manger ce qu’on mange chez Big Mamma et Eataly”, s’amuse-t-elle. Ce qui ne remet pas en cause la marée humaine attendue rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie l’an prochain.
A Turin, on pourrait entrer chez Eataly sans savoir que l’enseigne a fait le tour du monde. Matteo Ferrio y défend une vision restée inchangée malgré les continents et les années traversés : “L’idée d’Oscar Farinetti était de réunir, en un seul lieu, des espaces pour manger, apprendre et acheter des produits de qualité à des prix convenables. Avant, ça n’existait pas. Eataly sert avant tout à promouvoir la diversité italienne, chose que personne ne pourra jamais copier.” Dans une logique d’expansion, cette nouvelle adresse parisienne est d’ailleurs loin de constituer un aboutissement.
Livre Eataly – La Cuisine italienne contemporaine (Phaidon), 512 p., 45 €
{"type":"Banniere-Basse"}