22 ans après son ouverture, le bar de Bastille est en fermeture administrative. On est allé discuter avec Denis Quélard, patron des lieux, pour comprendre les raisons de ce bras de fer avec la Préfecture.
L’annonce a fait l’effet d’une petite bombe : jeudi dernier, Denis Quélard, le patron du Pop In, a annoncé que son bar était tombé sous le coup d’une fermeture administrative de 9 jours. Après plus d’un an de bataille avec la Préfecture, de lettres et d’appels souvent restés sans réponses, l’endroit pourrait donc véritablement être menacé. On est allé discuter un peu avec Denis pour comprendre ce qui se passait, et pour tenter d’entrevoir des solutions aux soucis rencontrés par les bars parisiens. Mais avant tout, des présentations s’imposent :
« On a débuté le Pop In avec deux amis, il y a 22 ans. C’était l’époque de la brit-pop et aucun bar de Paris ne passait ce genre de musique, donc on a lâché nos boulots (de mon côté, je travaillais dans la finance internationale) et on s’est lancés. Au début ce n’était pas un bar et il nous a fallu tout refaire, tout remettre aux normes. Après ça, les journalistes de Magic ont découvert l’endroit, ont passé le mot à pas mal de personnes ; et très vite, on s’est retrouvés à accueillir Etienne Daho les Pet Shop Boys, le premier aftershow des défilés Dior Homme, avec Hedi Slimane… C’est comme ça que tout a commencé. »
Des normes de sécurité de plus en plus dures
Voilà en gros comment a débuté l’histoire de cet endroit, bien connu du petit peuple rock – entre autres – de la Capitale. Comme beaucoup, le bar est aujourd’hui victime d’un durcissement des normes de sécurité, faisant suite au drame survenu en 2016 à Rouen, dans le bar le Cuba Libre : « Michel Delpuech était à la préfecture de Normandie au moment de cet incendie, qui a fait 14 victimes. Il a ensuite été nommé à Paris et, à son arrivée, il s’est évidemment penché sur le cas des salles. Il a envoyé des commissions de sécurité et les normes ont changé : c’est pour ça que beaucoup, nous compris, ont du arrêter les concerts en sous-sol. Il fallait notamment créer de nouvelles issues de secours et les travaux – quand ils sont possibles – sont hors de prix. »
Aux côtés de La Mécanique Ondulatoire ou encore de l’Espace B, le Pop In finit donc par annoncer l’arrêt des lives amplifiés. Pour remédier à la perte de clientèle entraînée par cette décision, Denis organise des concerts acoustiques à l’étage, afin de ne pas dépasser la limite de décibels (très basse) fixée par la Préfecture. En octobre, après une autre visite de la commission, le bar est sommé de cesser « toute activité de concerts au sein de l’établissement« . Las, il ne se laisse pas démonter, et se met aux DJ sets :
« C’était un peu compliqué au départ, vu que ce n’est pas trop mon créneau. Dans l’esprit des gens, qui dit arrêt des concerts dit fermeture des bars, et on a donc perdu énormément de monde. Mais au bout d’un moment ça a fini par prendre, on a joué de la musique électronique etc, des choses neuves et très intéressantes qui venaient par exemple de La Station, et le public est revenu danser à l’étage, en écoutant des disques. »
Les plaintes du voisinage, et les subventions
Alors que les soirées recommencent donc à battre leur plein au Pop In, l’équipe reçoit la visite des forces de l’ordre en juillet, puis le 6 décembre. Les agents annoncent à Denis qu’un voisin se plaint du bruit, et lui donnent un dernier avertissement : « En gros, ils m’ont dit que la prochaine fois, ce serait à la Préfecture de décider de la fermeture du bar, ou non. Le voisin dont émanent les plaintes habite ici depuis 10 ans, mais il n’avait rien dit avant, donc je n’ai pas trop compris ce qui se passait. » Le 15 décembre, la police revient à la suite d’une nouvelle plainte, et annonce que le dossier du Pop In a été remis à la Préfecture. Denis baisse le son des DJ sets, fait appel à un acousticien et continue son activité en pensant que toute cette histoire est derrière lui. Seulement, le 27 mars, il reçoit un courrier de la Préfecture :
« C’est là que j’ai appris notre fermeture administrative. Les policiers m’avaient dit que ça n’arriverait sûrement pas, mais avec le changement de préfet de police (Didier Lallement a récemment remplacé Michel Delpuech à ce poste), les règles sont appliquées de façon très, très strictes. Après toutes ces histoires, j’ai quelques contacts à la Préfecture donc je vais essayer de me battre, et on verra bien. »
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Reste la solution des subventions, désormais accordées par la Mairie de Paris et le CNV (Centre national de la Variété). Mais prenons l’exemple de la Mécanique Ondulatoire : cette dernière a reçu, d’après Denis, une enveloppe d’environ 60 000 euros, tout en devant faire des travaux à hauteur de 140 000 euros. On imagine aisément le souci et le creux budgétaire engendré pour ces lieux alternatifs. D’autant plus que « ces subventions ont été lancées l’année dernière, mais le souci, c’est qu’elles ne s’adressent qu’à des lieux avec billetterie. Ce qui n’est pas mon cas. L’enveloppe de la Mairie pour cette année est cependant plus importante que l’an dernier ; donc… »
Il demeure également un souci de classification : un endroit où de la musique est jouée est classifié de type « L » par la Préfecture. Et les mêmes normes sont donc appliquées dans tous les endroits où de la musique live est jouée ; qu’il s’agisse de bars comme le Pop In ou de grandes salles comme l’Olympia. Denis fait par ailleurs partie d’une association appelée Culture Bar-Bars, qui défend l’idée suivante : « Un bar est un lieu où tu bois, évidemment, mais pas que. C’est aussi voire surtout un lieu de vie, un lieu qui se trouve entre le garage et la grosse salle de concert, qui permet à des petites formations de jouer leur musique librement. On essaie de défendre cette idée, et même si on conçoit bien sûr toutes ces notions de sécurité, d’avoir un statut différent des grosses salles de concert. »
Vous pouvez également soutenir le Pop In sur le Leetchi qui se trouve à cette adresse.