Classique et prenant, le deuxième roman du Britannique Patrick McGuinness est aussi une contre-enquête brillante sur la fureur parfois assassine des fameux réseaux sociaux.
Dans la banlieue de Londres, une jeune femme est assassinée. Deux flics enquêtent : Ander, le narrateur, réputé intello, et de fait surnommé “Prof” par son collègue Garry qui, lui, surjoue l’idiot. M. Wolphram, voisin de la victime, professeur à la retraite, est soupçonné justement parce qu’il est insoupçonnable, seulement “coupable” d’être “un bizarre” qui aime la musique classique, les films de Bergman et certains poèmes de Rilke.
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Radiographie de l’époque
La rumeur de sa culpabilité va enfler au gré des réseaux sociaux et de leurs relais dans la presse à sensation et les chaînes d’info en continu. Autant dire que sous la couverture d’une intrigue policière classique et efficace, Jetez-moi aux chiens, deuxième roman de Patrick McGuinness après Les Cent Derniers Jours, file une autre piste : celle de notre épique époque opaque, où le système de la délation anonyme fait rage à grand renfort de Twitter, Instagram et autres Facebook.
Une fureur de la communication assassine, résumée par le flic Gary, champion de la formule choc et moins bas de plafond que ce qu’il laisse présumer : “Pourquoi est-ce qu’il faut que je regarde sur mon téléphone pour savoir ce qui se passe dans ma propre vie ?”
Coup d’éclat littéraire, cette charge des réseaux sociaux, d’une férocité méticuleuse, est elle-même écrite en réseaux et arborescences où s’entrechoquent les réminiscences chaotiques du flic Ander qui fut autrefois élève du professeur Wolphram. Saveur supplémentaire : Patrick McGuinness est lui-même professeur de littérature française à Oxford…
Le jeu d’actrice de Catherine Deneuve
Pessimisme carabiné et sinistrose aiguë. N’était l’humour comme contrepoison permanent. Exemple quand Gary, fouillant l’appartement du meurtrier présumé, tombe sur un DVD : “Catherine Deneuve, dit-il en brandissant Belle de jour de Buñuel. Voilà un cas intéressant : une nana sublime et pourtant je n’ai jamais réussi à finir une branlette en pensant à elle.”
Et Ander de répondre : “Je te remercie pour ce commentaire rafraîchissant et nuancé, qui met en lumière un aspect de son jeu dont on ne parle pas assez souvent.”
Jetez-moi aux chiens (Grasset), traduit de l’anglais par Karine Laéchère, 384 p., 22 €
Disponible en version numérique
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