Investi depuis le premier jour aux côtés d’Assa Traoré, le rappeur Mokobé est de tous les rassemblements depuis deux ans. Rencontre avec un homme qui n’appelle pas à la violence, mais à la justice.
“Dans les rassemblements, ça m’arrive souvent de regarder Assa. Je l’observe de loin et j’ai l’impression de voir la reine des dragons dans Game of Thrones ou une militante à la Afeni Shakur, la mère de 2Pac. C’est une femme qui n’a pas besoin d’être violente dans ses propos pour capter l’attention. Son charisme, ses mots et son énergie suffisent amplement.” A l’évidence, Mokobé ne manque pas d’enthousiasme lorsqu’il s’agit d’évoquer le combat mené par la sœur d’Adama Traoré depuis bientôt trois ans.
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A chacune de ses prises de parole, on sent chez lui la fierté de connaître celle qu’il considère comme sa “petite sœur”, celle aussi qu’il soutient ouvertement depuis le premier jour. Parce qu’il porte lui aussi le nom Traoré, parce qu’il est originaire de la même région du Mali et parce que ça lui a toujours paru important de défendre les injustices. “Sans même avoir vu Assa, ça me semblait essentiel d’être présent dès le début,” argumente-t-il, posé au fond d’un barber shop parisien du côté de République.
C’est là, dans l’arrière-boutique de ce commerce tenu par des proches qu’il revient sur l’affaire Traoré et sur les raisons de son investissement auprès d’Assa et de sa famille : “C’est bien beau de manifester son soutien via les réseaux sociaux, mais je ne suis pas un révolutionnaire de salon. Ce qui m’importe, c’est d’être sur le terrain, de partager cette souffrance avec des gens.”
Humains, avant tout
Des moments humains, Mokobé en a au moins deux tête. Le premier, c’est cette fois où un policier en civil est venu l’interpeller lors d’une marche pour lui signifier qu’il comprenait le combat, qu’il souhaitait que justice soit faite et qu’il n’était pas le seul membre des forces de l’ordre à penser ainsi. Le second, c’est Mokobé qui le raconte : “Depuis le début, une fille de 15-16 ans me suit sur les réseaux et participe à tous les rassemblements. Elle est en fauteuil roulant, elle habite en banlieue, dans le 77, mais elle est systématiquement présente aux côtés de sa mère. L’avoir avec nous, ça donne de la force.”
“Assa ne lâchera rien tant que justice ne sera pas rendue”
Toutes ces rencontres, à entendre Mokobé, donnent de l’espoir. Il sent que les gens sont de plus en plus impliqués dans l’affaire, qu’ils “comprennent qu’il y a anguille sous roche”. Il sait que le cas Adama Traoré n’est malheureusement pas isolé, que “c’est une histoire qui se répète, en France comme aux États-Unis ou en Angleterre”. Il constate surtout que toutes ces marches sont un cas unique en France, et qu’Assa Traoré y est pour beaucoup. “Elle aurait pu baisser les bras plusieurs fois, mais elle continue, déterminée. C’est une femme qui ne pourra pas trouver la paix intérieure et qui ne lâchera rien tant que justice ne sera pas rendue.”
Celui qui, avec 113, en 1999, refusait de se rendre face à la police dans un des titres emblématiques de Princes de la ville veut croire que le cas Adama Traoré dépasse largement le cadre des banlieues françaises. Les rappeurs se sont mobilisés, certes, mais le propos est plus large. “Tout le monde est concerné, affirme-t-il. C’est un fait de société qui implique de nombreuses personnes et qui dépasse largement les mobilisations lors des marches organisées. Si ça se limitait à une marche de quatre heures un dimanche aprèm, ça n’aurait aucun sens. Là, il y a une vraie détermination, la volonté de ne pas vouloir se résigner.”
Le combat continue
Pendant l’heure passée à ses côtés, le sujet central reste d’ailleurs le combat d’Assa Traoré. On tente bien d’en savoir plus sur un éventuel nouvel album (“il sortira cette année, si Dieu veut”), sur les possibles rééditions ou concerts à l’occasion du vingtième anniversaire des Princes de la ville (“là, ce sont des discussions que je dois avoir avec AP et Rim’k”) ou de sa nouvelle vie de businessman avec la franchise TacoShake (“on va bientôt ouvrir le dixième restaurant, sur les Champs-Élysées cette fois”), mais Mokobé reste plus concis sur ses sujets. Seule l’évocation du nom de 2Pac semble le sortir du thème du jour. C’est “le boss”, et il ne comprend toujours pas pourquoi son pote a affiché un immense portrait de Biggie dans la pièce principale de son Barber…
Qu’importe, Mokobé continue de divaguer autour du hip-hop, mais finit inévitablement par revenir au sujet initial. Et avance cette conclusion : “Ce qu’on fait tous ensemble, ce n’est pas prôner un message anti-flic, on ne fait que demander justice. On n’appelle pas à la violence, et ça il faut bien le souligner.”
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