Rapide et furieux, le tout nouvel épisode de la mythique série de jeux de tir réussit la prouesse de se montrer à la fois follement moderne et fidèle à l’esprit de ses glorieux ancêtres des années 1990. Et aussi : la réapparition du rare mais très bon « Doom 64″, le portage sur Switch et PC d' »Exit the Gungeon » et la grande aventure cérébrale et nerveuse de « La-Mulana 1 & 2 ».
A certains moments, on ne regarde même pas l’écran. Pas directement en tout cas, plutôt de biais, du coin de l’œil, suffisamment pour recueillir les informations nécessaires à la poursuite de l’action, mais pas plus, pas trop. Il faut reconnaître que nous sommes ce qu’on appelle couramment une chochotte et que, niveau sang qui gicle, démembrements et mutilations débridées, Doom Eternal fait très (très) fort. Et pourtant, on en redemande – de l’action, c’est-à-dire : pas forcément des têtes arrachées et des bras coupés.
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Fast-FPS
Le mot-clé est : intensité. Avec mouvement juste après, disons pour ouvrir la deuxième porte si un coup d’épaule brutal de notre musculeux marine de l’espace n’a pas suffi à la faire céder. Pour désigner la branche du jeu de tir en vue subjective à laquelle appartient la saga Doom, on a coutume de parler de fast-FPS, et l’expression semble avoir été forgée pour cette suite du magistral reboot de 2016 du jeu fondateur de 1993 – il faut suivre, pardon. Car Doom Eternal va vite, très vite, et même en optant pour le niveau de difficulté le plus accessible (soit « bleusaille » plutôt que « fais-moi mal », « ultraviolent » ou « cauchemar »), il est impossible de s’en sortir en attendant dans un coin que les démons daignent s’approcher. Non, il faudra courir, sauter, se déplacer sans cesse même quand on ne sait pas avec certitude où on va. Les monstres surgissent de partout, se projettent, nous agressent. Alors on esquive, on se jette et, fébrile, on appuie sur la gâchette en visant tant bien que mal la tête. Ou le point faible du démon qui nous fait face si on est parvenu à l’identifier, car Doom Eternal n’attend pas de nous que de bons réflexes mais, aussi, une certaine sagacité. On n’ira pas jusqu’à affirmer que chaque ennemi du jeu est pensé comme un boss au sens vidéoludique du terme, c’est-à-dire comme une énigme à résoudre autant que comme un défi d’endurance, mais il y a quelque chose de cet ordre. La force brute ne fait pas tout.
Retrouvailles
On ne s’étendra pas sur l’intrigue, essentiellement utilitaire, de Doom Eternal, mais il y a quand même un élément qui mérite d’être souligné : cette fois, c’est la Terre elle-même que nos amis les démons ont conquise et qu’il va falloir libérer. Du point de vue du héros du jeu, il s’agit donc d’une sorte de retour à la maison. Pour qui a pratiqué l’un ou l’autre des précédents Doom, et en particulier les deux premiers parus dans les années 1990 (et réédités à notre plus grande satisfaction l’été dernier), l’affaire s’apparente justement aussi à des retrouvailles. C’est d’ailleurs ce qui se révèle le plus étonnant avec Doom Eternal : ce sentiment d’avoir affaire à un jeu éminemment contemporain (et techniquement très impressionnant) et pourtant d’y retrouver, en version XXL, les sensations mêmes que procuraient des titres produits il y a plus d’un quart de siècle. Et, soit dit en passant, peut-être plus quand on les pratiquait à plusieurs en se pourchassant dans ses couloirs et ses arènes qu’en solo, car on reconnaît ici certaines logiques des FPS compétitifs – que Doom a sans doute inventées, d’ailleurs.
Cache-cache
Le secret de Doom Eternal, c’est sa fidélité à une certaine idée du jeu, et on ne parle pas ici seulement de jeu vidéo. Doom Eternal ne cherche pas à se faire passer pour un film ou pour une leçon d’histoire. Sa base à lui, son alpha et son omega, c’est la partie de cache-cache, tu vas voir ce que tu vas voir, attrape-moi si tu peux. Jeu de poursuite et d’évitement, Doom Eternal se révèle aussi un sport de contact car il se joue idéalement en deux temps. D’abord, tirer sur le monstre. Ensuite, quand on l’a suffisamment affaibli, se précipiter pour l’achever et gagner du même coup des bonus de « santé ». C’est à ce moment, celui des « glory kills » ou des « frappes sanglantes », qu’on détourne un peu le regard. C’est celui où tout s’inverse, où la proie devient chasseur, ou le fuyard se change en agresseur.
Au fil des niveaux, on complète notre arsenal et on perfectionne nos armes. On gagne des runes, des points d’armes, des modules à greffer sur notre fusil à pompe ou à plasma pour gagner en puissance de tir ou en précision. On augmente aussi les capacités de notre personnage. On examine les plans des lieux, les zones en vert ou en rouge, on navigue dans les menus. On s’enivre de toutes ces possibilités sophistiquées. Et puis on repart à l’assaut et rien de tout cela n’a plus vraiment d’importance. On dit « à l’assaut », mais on pourrait aussi bien dire qu’on va au stade de foot ou qu’on s’élance sur le dance-floor. L’enjeu est le même : c’est une affaire de vitesse et d’habileté, de sens de l’improvisation et de grandes idées, de puissance et, oui, de beauté. De mouvement et d’intensité. Parfois, c’est vrai, on regarde à peine l’écran, l’extérieur. Pas la peine : Doom, ça se passe dedans, en profondeur.
Doom Eternal (id Software / Bethesda Softworks), sur PS4, Xbox One, Windows et Stadia, environ 60€. A paraître sur Switch.
Et aussi :
« Doom 64 »
Ceci n’est pas le 64e jeu de la saga Doom mais l’un de ses épisodes les plus rares, conçu en exclusivité pour la Nintendo 64 en 1997 et jamais réédité depuis. A l’époque, Doom 64 faisait figure de bouquet final pour le Doom ancienne manière qui avait bouleversé le monde vidéoludique à partir de 1993 et allait être supplanté commercialement par une vague de FPS plus narratifs – Half-Life sortira l’année suivante. Plus beau – on se comprends – que les précédents, plus riche et ouvert aussi, Doom 64 tenait alors de l’aboutissement. Le retrouver dans une version HD superbement remasterisée pour accompagner la sortie de Doom Eternal est réjouissant.
Sur Switch, PS4, Xbox One et Windows, Nightdive Studios / id Software / Bethesda, environ 5€
« Exit the Gungeon »
Après avoir été l’un des titres de lancement les plus remarqués du service Apple Arcade à l’automne dernier, Exit the Gungeon (contraction de « gun » et « dungeon ») vient rejoindre sur Switch et PC le jeu dont il est la suite directe, Enter the Gungeon. Entre les deux, la différence ne tient pas qu’au rapport entrée / sortie, mais aussi au parti pris de verticalité d’Exit…, où la seule possibilité de progression est l’ascension. Tendu au possible, le jeu est de ceux qui ne se pratiquent qu’en mouvement (parce que le danger vient de partout) et dans lesquels il faut aller au contact (faire des roulades ou des sauts en direction des projectiles est curieusement la meilleure façon de les éviter). Un peu comme un certain Doom Eternal, donc, mais dans un style joyeusement rétro.
Sur Switch et Windows, Dodge Roll / Devolver Digital, environ 10€
« La-Mulana 1 & 2 »
Dilettantes, s’abstenir. Dans les deux volets fraîchement réunis sur consoles de La-Mulana qui appartiennent au genre à la mode du « Metroidvania« , la moindre mini-avancée doit se mériter car, pour les explorateurs à fouets qu’on y dirige, non seulement le danger est partout – les plus anciens se souviendront peut-être du cruel Rick Dangerous – mais, en plus, le monde est une énigme. Pour qui parviendra à mener au bout de leurs fascinantes aventures respectives l’archéologue Lemeza Kosugi (dans le premier jeu) et sa fille Lumisa (dans le second), la victoire n’en sera que plus gratifiante.
Sur Switch, PS4 et Xbox One, Nigoro / NIS America, de 45 à 60€
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