Il faut une sacrée dose d’assurance pour sortir son premier album le même jour que le nouveau PNL. Avec « Cicatrices », produit par le grand DJ Kore, Zola n’est clairement pas venu là pour déconner. Entre fascination pour le jeu GTA, pour les motos, histoires d’argent sales et rapport au quartier, portrait d’un rappeur planté là pour grandir. Et vite.
Sur cet album, Cicatrices, tu collabores avec DJ Kore, une sommité dans le milieu (Rohff, Booba, Kery James, Dadoo, Don Choa, Mister You, Kool Shen, Lacrim…). Tu n’as que 19 ans et lui est un briscard du rap, est-ce qu’il t’a fait prendre une autre dimension ?
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Zola : Pour être honnête, je connaissais son nom, mais je ne savais pas vraiment ce qu’il faisait. Quand je suis arrivé, j’ai juste vu un homme, pas le grand DJ Kore que tout le monde connait. Ca n’est pas un manque de respect, c’est juste que ça m’a permis d’aborder les choses très naturellement. Il a d’abord tenté de me cerner, ça a été compliqué. Je lui ai donné la référence d’un son en lui disant que j’aimerais faire quelque chose dans cette vibe, avec le même rythme. C’est là qu’on a fait notre premier titre, Baby Boy. Quand j’ai terminé de poser, il me conseille. Il sait structurer un morceau, il apporte une touche indispensable. Mais quand il me donne une instru, je travaille d’abord tout seul.
Vous ne travaillez pas ensemble en studio ?
Pas tellement. Je n’interviens presque pas dans le processus de composition. Je n’arrive pas à me poser avec un beatmaker pour concevoir une instru, il faut qu’elle soit faite sur-mesure, mais que j’aie tout de suite le feeling avec le son, sans l’avoir entendu avant. Sinon je me lasse, je réfléchis trop, et l’inspiration s’en va. Je préfère être mis devant le fait accompli. Sur une cinquantaine d’instrus qu’on me propose, je peux très bien n’en garder que deux. C’est très instinctif. J’écris en studio directement sur l’instru. Je ne suis pas du genre à écrire chez moi, j’ai l’impression de faire mes devoirs.
Il y a des thèmes récurrents dans ta musique, notamment celui des motos. D’où est-ce que ça te vient ?
C’est surtout présent dans mes clips. Ca fait partie de mon quotidien, c’est une passion au même titre que la musique. Depuis mes huit ans, je suis dedans. Mais les roues arrière et les acrobaties, c’est surtout depuis l’année dernière. Je me suis fait arrêter une fois, mais ça n’était pas du flagrant délit. Il y a eu une course-poursuite, et je suis allé cacher la moto. J’ai changé de tenue, mais il m’ont quand même embarqué, ils savaient que c’était moi. Là, j’ai un jugement qui arrive à la fin de l’année. C’est pour ça que j’aime tant en faire, pour l’adrénaline. A chaque fois que je sors la moto, je croise la police. La dernière sortie, je l’ai faite hier, j’ai fait des roues arrière devant eux (rires). Ils étaient dégoûtés, ils ne pouvaient rien faire du tout. Ils sont en voiture, mais même si ils font demi-tour, j’ai le temps de les semer.
Mais ils ne savent pas que c’est toi au bout d’un moment ?
Je cache mon visage, il y a souvent des caméras dans les rues. Je pense qu’ils se doutent que c’est moi, mais ils n’ont pas de preuve.
Dans le clip de Manger, vous avez réussi à mettre une moto dans le Transilien. C’est assez dingue, comment avez-vous réussi à le faire ?
Ah, ça, c’était mon idée. Je savais que ça allait faire la différence. On est partis avec la moto dans le train depuis la gare d’Evry jusqu’à celle de Viry-Châtillon. Le trajet a duré treize minutes, on a joué le son trois fois et on est sortis. C’était un dimanche à 20h, il n’y avait personne.
Il y a beaucoup de choses qui ont changé dans ta musique depuis tes premiers sons. On voit des instrus et des structures plus complexes, plus réfléchies…
Peut-être, mais c’est surtout dû à ma façon de travailler avec Kore. Avant, je voulais seulement faire du rap, je ne voulais pas chanter. Si je veux que ma musique prenne de l’ampleur, il faut qu’elle se diversifie, grâce à l’auto-tune par exemple.
Dans « Manger », tu dis que tu ne sais pas combien tes showcases rapportent. Est-ce que ça veut dire que tu te désintéresses de l’aspect financier de ta musique ?
Non. En fait, il y a trop de gens curieux, qui ont de mauvaises intentions. C’était un message pour eux : « Je ne vous dirai pas combien je gagne« . Ni dans la rue ni dans la musique. Ces personnes, je les ai éloignées, je ne traîne plus avec eux. Dès que tu commences à faire parler de toi, il faut faire un tri dans tes connaissances et garder les vrais potes.
Kalash Criminel disait que les gens les plus jaloux sont ceux de ton propre quartier. Tu le penses aussi ?
Je ne ressens pas de jalousie dans mon quartier, mais plutôt une gêne. Ça marche pour moi, mais j’ai des fréros qui ne gagnent rien dans la vie. Quand je suis au quartier, je ne me mets pas en avant. Je ne dis pas ce que je gagne, ce que je fais de mon argent. Quand je leur parle de ça, c’est qu’il y a quelque chose à gratter pour eux. Je ne vais pas arriver avec la dernière location pour montrer la caisse à mes potes. Quand on était petits, on avait tous la même chose, c’est-à-dire rien. Donc il faut faire attention.
Sur le morceua Club, on sent une influence très West Coast, très G-Funk…
Kore m’a fait écouter le son, j’ai tout de suite senti qu’il y avait quelque chose à faire. D’habitude, je ne travaille qu’avec des boucles, avec la prod qui tourne en rond. Et à la base, il n’y avait pas tous ces éléments West Coast. Quand Kore les a rajoutés, ça a tout changé. Je n’écoute pas vraiment de G-Funk, mais quand j’étais à Los Angeles, on en mettait à fond dans la décapotable en traversant le ghetto. Je recommande à tout le monde de faire ça une fois dans sa vie.
Tu viens de la résidence du Parc aux Biches à Evry… C’est quel type de quartier ?
Ça se trouve dans Evry, mais c’est très tranquille, pas un quartier chaud du tout. Il y a beaucoup de retraités, des travailleurs, des couples avec des enfants… C’est très résidentiel. Ma mère m’a toujours laissé sortir dans le quartiers sans que ce soit un problème. Il y a d’autres endroits bien plus durs à Evry.
Pourtant, tu as aussi vécu en Haute-Saône…
On a déménagé avec ma mère quand j’avais 11 ans, et elle vit toujours là-bas. Mais je suis revenu tout seul il y a peu.
Tes débuts dans le rap se sont fait là-bas ?
Oui, mais au début, c’était très compliqué de se financer. Avant que je ne signe en label, je n’utilisais que de l’argent sale. J’ai payé mon premier clip avec une escroquerie. Je n’ai pas dealé toute ma vie, et quand je ne le faisais pas, on devait vendre nos chaussures pour se payer le bus et aller au studio, à Strasbourg. On partait en bus à 6h et on revenait en covoiturage. C’était épuisant, les heures de studio étaient chères. Je ne sais pas si c’était une belle période. J’avais un duo il y a encore deux ans, mais on s’est séparés. Un jour, on devait aller au studio, je me suis levé, et personne ne répondait au téléphone alors que j’avais tout calé. J’y suis allé seul, je suis retourné sur Paris et j’ai fait le clip. On me disait : « Ton poto, il est pas mauvais, mais il faut que tu continues tout seul« .
Tu dis que ça n’était pas une belle période, mais est-ce qu’il n’y a pas eu des points positifs à quitter Evry ?
Je sais que si j’étais resté à Evry, je serais parti en sucette, je ne ferais sûrement pas de musique. J’ai pu faire mon école comme il fallait, éviter les soucis. Mais quand tu es né en banlieue et que tu débarques en Haute-Saône, il y a un énorme décalage, tu reviens des années en arrière. Je ne dis pas ça pour les gens qui y vivent, mais je ne me suis pas vraiment de potes. C’était des grands moments de solitudes, personne ne m’appelait. J’y suis resté sept ans, mais c’était dur, je faisais beaucoup d’aller-retour vers Evry.
Sur Ouais Ouais, tu dis : « J’prends le rôle de mon papa depuis tout petit déjà« .
Oui, je me suis rendu compte de ça le jour de la fête des pères. Mon petit frère devait faire un dessin à l’école pour l’occasion, et c’est moi qu’il a dessiné. Ça m’a marqué. Un jour j’y ai repensé, et j’en ai fait ce refrain.
Tu parles beaucoup de drogue et de deal dans ta musique, c’est même quasiment le thème le plus récurrent. Est-ce que tu te vois écrire encore longtemps là-dessus, où est-ce que c’est un réflexe lié à ta jeunesse ?
C’est une question compliquée, mais je vais y répondre… (long silence) Je crois que c’est surtout un thème récurrent du rap, même certains rappeurs qui n’ont jamais mis un pied dedans se permettent d’en parler. Si à l’avenir j’aborde le sujet alors que je ne suis plus dans ce délire, j’en parlerai au passé. Mais pour le moment, je peux encore me permettre d’en parler au présent.
Propos recueillis par Brice Miclet
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