En ces temps inquiets, les séries font plus que jamais figure de compagnons de voyage, dont les grandes affections et l’éclat familier aident à conjurer l’obscurité et la solitude. Des années 60 à aujourd’hui, retour sur quinze séries réconfortantes qui peuvent, chacune à leur manière, nous aider à vivre.
Doctor Who (1963 – 1989 et depuis 2005)
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En quarante et un ans de carrière, il a rencontré César ou Churchill, éprouvé la Guerre froide ou la menace terroriste, et cultivé une certaine idée de l’esprit anglais tout en portant un regard critique sur la politique de son pays. Le Docteur aux mille visages – il a connu une quinzaine d’incarnations, chaque « régénération » marquant l’occasion d’un passage de flambeau à un autre acteur (et dernièrement à une actrice) – est sans conteste un monument de la culture britannique. Cultivé, excentrique et adepte de la non-violence, cet extraterrestre à apparence humaine traverse l’espace et le temps pour protéger l’humanité des menaces qui la guettent, et a su concilier le respect d’une mythologie surannée (le vaisseau spatial en forme de cabine téléphonique vintage) à un progressisme sans cesse renouvelé.
Les Mystères de l’Ouest (1965 – 1969)
L’un est un homme d’action et un séducteur invétéré, l’autre un inventeur de génie expert en déguisement. Dans les années 1880, James West et Artemus Gordon, deux agents des services secrets américains aux ordres du Président Ulysses S. Grant, sillonnent l’Ouest américain à cheval ou en train privé pour administrer une justice énergique et high-tech. En insufflant à un genre en déclin – le western – les codes des récits d’espionnage alors en vogue (la franchise James Bond cartonnait au ciné), Les Mystères de l’Ouest conjugue une hybridation des genres propre aux années 60 à un homo érotisme latent, entre iconisation sexuelle de Robert Conrad et extravagance camp.
Batman (1966 – 1968)
https://youtu.be/RLZQ3OLEJWE
Raccord avec le souffle pop qui a agité l’industrie des comics des années 60 aux années 80, la série créée par William Dozier opte pour une approche kitsch et colorée du justicier créé par Bob Kane et Bill Finger. À rebours du détective chandlerien comme du vigilente tourmenté auquel on associe généralement le personnage, l’interprétation d’Adam West lorgne vers la parodie sautillante, toute en cascades improbables et punchlines savoureuses. Affrontant un quatuor de super-vilains d’opérette, Batman et son acolyte Robin ont fait rimer, le temps de trois saisons et d’un film, action débridée et costumes mal ajustés, goût de l’artifice et sens de la justice.
Monty Python’s Flying Circus (1969 – 1974)
Avant de projeter leur goût du burlesque et leur (non) sens de l’absurde dans le Moyen-Âge arthurien ou la Galilée pré-chétienne, la joyeuse troupe des Monty Python (Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle, Michael Palin, Terry Jones et Terry Gilliam) avaient affûté son humour à la télévision. En quarante-cinq épisodes de trente minutes aux formes variées (sketches, parodies d’émissions ou faux reportages), le Monty Python Flying Circus a opéré une radiographie corrosive de la société britannique du début des années 70, épinglant son conservatisme ambiant et ses institutions rouillées. D’une course d’obstacles pour rejetons de la haute à un ministère des marches stupides en passant par une inquisition espagnole en roue libre, la série, ouverte à toutes les audaces, fait figure d’incubateur à éclats de rire comme de laboratoire formel.
La Petite Maison dans la prairie (1974 – 1983)
À la fin du XIXème siècle, la famille Ingalls quitte son Wisconsin natal pour s’installer dans une ferme à l’Ouest. Voyage en chariot, vastes prairies et esprit pionnier : c’est tout un pan de l’imaginaire américain qui s’est déployé pendant près de dix ans, exaltant dans les foyers les valeurs familiales et le sens de la communauté. Si La Petite Maison dans la prairie incarne dans l’imaginaire collectif la quintessence de la série traditionnelle et pleine de bons sentiments, elle a su au fil des saisons s’ouvrir à des thèmes plus complexes, abordant dans le sillage de personnages devenus familiers les questions de l’alcoolisme, de la vieillesse, du handicap ou du viol. À réévaluer ?
Le Prince de Bel-Air (1990 – 1996)
On l’oublie souvent, mais Le Prince de Bel-Air ne symbolise pas tant la naissance de Will Smith à l’écran que son sauvetage inespéré. En situation de faillite financière et au bord du gouffre émotionnel, le jeune rappeur prometteur s’était vu offrir par le producteur Quincy Jones un rôle à haute teneur résiliente, celui d’un post-ado rebelle de Philadelphie envoyé par ses parents à Los Angeles, chez un oncle richissime. Tout en jouant avec délice de la collision entre l’énergie street du personnage et les codes de l’Amérique bourgeoise et reaganienne, la série a su aborder des problématiques contemporaines avec finesse, et a contribué à faire évoluer la représentation de la communauté afro-américaine à l’écran.
Friends (1994 – 2004)
A-t-on encore besoin de présenter Friends, la sitcom culte du tournant du millénaire attachée aux combinaisons amicales et amoureuses infinies d’un groupe d’ami.e.s new-yorkai.se.s ? Si la série, véritable rite de passage à l’âge adulte pour toute une génération, n’a pas forcément bien vieilli sur le plan sociétal (sa rediffusion récente sur Netflix a mis en lumière son humour hétéro beauf pas toujours très digeste), l’attachement éprouvé pour ses personnages et sa puissance comique restent intacts. Avec Monica, Phoebe, Ross, Chandler, Rachel et Joey, et malgré leurs défauts, c’est une certaine idée de la communauté, faite de désirs entrelacés et d’habitudes ritualisées, qui continue de palpiter avec autant de vigueur… et de s’offrir aux détournements de circonstance, comme en témoigne ce montage placé sous le signe du confinement.
Freaks and Geeks (1999 – 2000)
Rares sont les séries qui peuvent se targuer d’avoir eu autant d’influence sur une durée aussi réduite. En seulement deux saisons et dix-huit épisodes, la comédie adolescente créée par Paul Feig, annulée faute d’audiences suffisantes mais devenue depuis un objet culte pour de nombreux spectateurs, a lancé les carrières de Seth Rodgen et James Franco, assis la réputation de Judd Apatow comme pierre angulaire de la comédie américaine des années 2000 et revitalisé le genre de la comédie adolescente. En confrontant le groupe des freaks, des rebelles adeptes de l’école buissonnière, à celui des geeks, scolaires et passionnés de science-fiction, dans les couloirs d’un lycée du Michigan au début des années 80, le show a perpétué l’héritage de John Hughes avec tendresse tout en plaçant les nerds sur le devant d’une scène dont ils sont, vingt ans plus tard, toujours les rois.
Malcolm (2000 – 2006)
https://youtu.be/mFO1K_bM-Vs
Avant d’incarner le rôle trouble d’un professeur de chimie reconverti en dealer de méthamphétamine, Bryan Cranston tentait de tenir celui de père dans une famille beaucoup trop agitée pour lui. Avec sa mère aux habitudes étranges, son héros ado au QI de 165 et ses deux frères gaffeurs, ce soap brille d’une écriture comique à la limite du cartoon, érige l’excentricité au rang de norme et se moque des conventions associées au genre : prises de vues en caméra unique et sans public, expérimentations narratives audacieuses (dont un fameux épisode à hypothèses multiples) et adresses à la caméra, Malcolm embrasse ses personnages inadaptés avec une hauteur de vue réjouissante.
Six Feet Under (2001 – 2005)
https://youtu.be/VT6Fq1ENb8s
L’adjectif « réconfortant » n’est probablement pas le premier à venir à l’esprit lorsqu’on évoque la série culte d’Alan Ball, consacrée aux trajectoires heurtées des membres d’une famille de croque-morts endeuillée par la mort accidentelle du père. Pourtant, cette chronique douce-amère infusée d’humour noir a fait de la résilience son sujet profond, accompagnant avec une délicatesse et une justesse infinie la difficulté d’être au monde de ses personnages. Quinze ans après son final bouleversant (probablement la plus belle fin de série jamais écrite), Nate, David, Claire et Ruth continuent de nous accompagner en secret, compagnons de route fidèles à travers les joies et les tempêtes.
Friday Night Lights (2006 – 2011)
Chaque vendredi soir, la petite ville (fictive) de Dillon, Texas s’électrise à l’unisson des équipes de football américain du lycée. Eric Taylor, leur nouvel entraîneur, s’est donné une mission : mener les Panthers à la tête du championnat. On a coutume de qualifier Friday Night Lights, créée par Peter Berg et Brian Grazer, de plus grande série méconnue des années 2000, à juste titre. Saisis par la patine inimitable d’une pellicule 16 mm couleur, ses personnages dessinent une chronique mélancolique et amoureuse de l’Amérique middle class, entre déceptions amères et grands espoirs, frustrations secrètes et élans collectifs.
Glee (2009 – 2015)
Au sein du club de chant d’un lycée américain, des adolescents transcendent leur mal de vivre et leurs difficultés personnelles en reprenant collectivement des chansons cultes. Créée par le stakhanoviste Ryan Murphy (Nip / Tuck, American Horror Story…), Glee a immédiatement séduit le public en alliant le sens du show (chorégraphies scintillantes, guests prestigieux et énergie de chaque instant) à une approche inclusive, LGBT-friendly et féministe du récit. Si ses intrigues, parfois tirées par les cheveux, n’ont pas toujours échappé aux effets de répétition et d’exagération propres à l’œuvre du showrunner, le message de tolérance qu’elle a porté pendant six saisons continue de résonner avec insistance.
Parks and Recreation (2009 – 2015)
https://youtu.be/9djCOPHOvOw
Pensez à votre lieu de travail, votre bureau, vos collègues. Imaginez que ces derniers soient un peu cons – ça arrive partout, rassurez-vous. Imaginez qu’ils soient plus cons que la normale – c’est The Office. Imaginez qu’ils le soient encore plus, mais avec un tel panache, une telle flamboyance que leur bêtise touche au génie : bienvenue au département des parcs et des loisirs de la mairie de Pawnee, dans l’Indiana, dont la directrice adjointe (Leslie Knope) nourrit de grandes ambitions professionnelles et politiques. À mi-chemin entre la sitcom et le mockumentaire, Parks and Recreation ausculte l’Amérique rurale en plongeant dans une petite communauté aussi bordélique qu’attachante. Créée par les scénaristes de The Office, elle a progressivement dilué son acidité d’origine pour cultiver une bienveillance communicative.
Community (2009 – 2015)
Quelques années avant de défriser l’univers des séries d’animation avec Rick et Morty, Dan Harmon avait prouvé toute l’étendue de son talent comique dans Community, une sitcom attachée au quotidien d’un groupe d’étudiants d’âges, d’origines, de religions et de milieux sociaux variés dans un collège communautaire aux États-Unis. Travaillée par un humour méta et un goût pour l’absurde, cette comédie loufoque n’a eu de cesse de multiplier les audaces et les outrances pour appréhender par le rire une certaine idée du melting-pot à l’américaine.
This Is Us (depuis 2016)
C’est l’histoire d’une famille dont les trois enfants sont nés le même jour. Comme le suggère son titre à double sens, c’est à la fois leur histoire, la nôtre, et celle de l’Amérique d’aujourd’hui. En dépliant le tourbillon d’affects qui agite la famille Pearson en un feuilleté narratif et temporel aux ramifications infinies, Dan Fogelman a redonné au soap ses lettres de noblesse. Aussi virtuose que bouleversante, son arborescence romanesque hantée par le spectre de la disparition (du père, de l’enfance) nous transporte à travers les remous de l’existence de ses personnages avec une tendresse inouïe.
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