Très peu documentée jusqu’à présent, l’œuvre de Rhys Chatham, dans le courant des années 70, est pourtant d’une singularité extrêmement touchante, abordant tout à la fois les domaines du minimalisme savant et ceux du rock désarticulé tel que l’ont pratiqué les meilleurs groupes no-wave du début des années 80, de DNA et Mars jusqu’à Sonic […]
Très peu documentée jusqu’à présent, l’œuvre de Rhys Chatham, dans le courant des années 70, est pourtant d’une singularité extrêmement touchante, abordant tout à la fois les domaines du minimalisme savant et ceux du rock désarticulé tel que l’ont pratiqué les meilleurs groupes no-wave du début des années 80, de DNA et Mars jusqu’à Sonic Youth. Là où La Monte Young et ses acolytes avaient organisé l’essentiel de leur musique autour d’instruments comme le violon, le saxophone, l’orgue, le synthétiseur de laboratoire ou la voix, Chatham, lui, s’est résolument emparé des mêmes préceptes de composition mais en a détourné la destination instrumentale et les moyens de production : ses motifs répétitifs sont d’abord conçus pour des guitares, des basses, des batteries, c’est-à-dire l’essentiel des instruments du rock.
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Sa musique, du coup, tout en s’organisant sur les mêmes élongations temporelles que celles des premiers minimalistes, n’en a pas les mêmes dynamiques joliment anesthésiantes et comme psychotropes. Au contraire, elle dégage une sorte de douce euphorie, directement née de la répétition inlassable des mêmes motifs et des interactions de groupe entre les instruments. Soutenues par des sections rythmiques métronomiques, les guitares de Chatham virevoltent, vrillent l’espace, s’entrechoquent et n’hésitent pas à adopter une esthétique saturée, frôlant à chaque moment la perte de souffle, le trébuchement presque, comme au milieu d’un marathon qui manquerait à chaque instant de se casser collectivement la gueule.
Sur An Angel Moves too Fast to See, trois CD témoignent de l’étendue du travail de Chatham, qui n’avait jamais bénéficié d’une discographie représentative. Le coffret regroupe ainsi des compositions s’étalant de 1971 à 1989. Il débute par une composition hypnotique sous influence, intitulée Two Gongs, et faisant ainsi écho à Four Organs ou Six Pianos de Steve Reich, sans oublier les enregistrements au gong de La Monte Young. Le second CD, au contraire, est constitué de cinq morceaux aux influences rock, dont trois sont essentiellement bâtis autour de guitares tranchantes : Die Donnergötter, Drastic Classicism et Guitar Trio. Le troisième disque, enfin, est une symphonie pour cent guitares électriques, une basse et une batterie, qui, malgré son instrumentation impressionnante, demeure d’une délicatesse souveraine, faite d’un entrelacs permanent et démultiplié de guitares réverbérées.
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