Ce premier roman signé Charles Daubas nous plonge dans les eaux troubles d’une enquête où les secret-défense se heurtent aux histoires de famille.
Battus par les vents et baignés de brume, les ports invitent aux mystères. Ouverts sur l’inconnu, ils résonnent de drames venus d’ailleurs et de légendes de marins. Il est facile d’y imaginer des histoires bizarres, des disparitions.
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L’un des plus à l’ouest des nôtres, au milieu de la Manche, presque en Angleterre, Cherbourg « convoite l’horizon et la mer de ses deux membres immenses ». Deux digues pour une rade, comme « une parcelle volée à la mer », « une immense créature qui semble à tout moment pouvoir se détacher de la côte et emmener avec elle ce morceau de rivage. » Comme une menace.
L’intime, le politique et le social
Charles Daubas connaît bien les ports, il est né à Hong Kong. Il connaît bien les villes et les récits qu’elles racontent, il est urbaniste. Son premier roman est donc celui d’un initié : une enquête portuaire où Cherbourg fait office d’inquiétant personnage.
La langue de Charles Daubas est comme une bouée qui nous guide et nous maintient à flot de récit
Eté 2012, une explosion emporte une partie de la digue. Au milieu de l’eau flottent des gros blocs de pierre, « des angles entiers de façade, des murs percés de portes et d’autres portant encore le papier peint d’une chambre d’enfant ». C’est inédit, d’autant plus insolite que les débris rappellent les vestiges de vieux immeubles démolis récemment.
Comme si le passé qu’on avait voulu oublier émergeait à nouveau. Alors le malaise s’installe. Et quand un adolescent déclare à la police qu’un de ses camarades a disparu dans l’explosion, l’affaire est carrément classée « secret-défense ».
Car dans la rade de Cherbourg, on démantèle des sous-marins nucléaires. Le sujet est délicat. Une commissaire obstinée, malgré les ordres de sa hiérarchie, décide de persévérer dans son enquête, exhumant du passé des drames où se mêlent l’intime, le politique et le social.
Thriller tissé d’ombres et d’embruns, ce court roman étonnant est conçu comme un périple en eaux troubles. On y est baladé de flashs-back déroutants en excursions périurbaines : tout y est question d’ambiances. La pluie, le vent, les orages : tout y est liquide et insaisissable.
La langue de Charles Daubas est comme une bouée qui nous guide et nous maintient à flot de récit. Elle raconte les pouvoirs mystérieux des histoires : celles qu’on cache et qu’on invente, celles qu’on tronque et qu’on se raconte, celles surtout qu’on préférerait ne jamais voir remonter à la surface.
Cherbourg (Gallimard), 184 p., 18 €
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