[Le monde de demain] Autrice et auteur de Nino dans la nuit, ils évoquent notre gouvernement de « bras cassés », font l’éloge des « peties gens » et appellent à un plus grand respect de la nature et de la vie sauvage.
Avez-vous l’impression de vivre un moment tout à fait inédit ?
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Capucine et Simon Johannin – Visiblement, ça n’est pas juste une impression.
Etes-vous confiants quant à la façon dont les pouvoirs publics gèrent la crise ?
En temps normal, on n’accorde déjà aucune de confiance à ce gouvernement. Alors quand on voit que les premiers cas de coronavirus sont apparus il y a plus de trois mois, que le premier tour des élections a quand même été maintenu, que rien n’a été organisé pour qu’il y ait des masques – ne serait-ce que pour les soignants, les caissier.ères, les policier·ères et tous ceux et celles qui sont en première ligne -, on se dit que le seul espoir pour que ça ne se passe pas trop mal c’est que les gens obéissent aux consignes et restent chez eux.
Avez-vous peur de la maladie sur laquelle on entend des choses très contradictoires ?
Bien sûr, on sait qu’ayant moins de 30 ans nous ne sommes pas dans la tranche d’âge qui sera la plus touchée. Après, personne n’est à l’abri. Capucine a une maladie chronique donc elle peut faire partie de la population à risque. De toute façon on peut toujours être porteur sain et contaminer des proches, des personnes plus fragiles. Pour éviter tout risque, on fait ce que le personnel soignant demande, on reste chez nous.
Retrouvez les précédents épisodes de la série :
Stanislas Nordey : “Changer le regard des pouvoirs publics sur le monde de la santé”
Daniel Cohen : “Cette crise peut être un accélérateur du capitalisme numérique”
Aurélien Bellanger en confinement : “Je m’emmerde atrocement”
Corine Pelluchon : “Il faut avoir le courage d’avoir peur”
Vincent Macaigne : “La crise du coronavirus pose la question de l’individuel et du collectif”
Miossec et le monde d’après le virus : “Le néolibéralisme s’écroule complètement”
Est-ce que la nouvelle disposition de temporalité qu’impose le confinement ouvre pour vous des possibilités nouvelles ? Que faites-vous de ce temps de confinement ?
Franchement, les écrivains sont probablement le corps de métier dont le quotidien sera le moins bouleversé par tout ce qui se passe. On continue donc à travailler depuis chez nous, comme d’habitude. La plus grosse différence jusqu’ici ce sont les courses qui deviennent de plus en plus compliquées, entre étagères vides, livraisons annulées, et internet qui commence à faire des siennes.
Pensez-vous que cette crise soit un marqueur historique ? Qu’on ne reviendra pas au monde avant ? Qu’on entre dans une nouvelle séquence ?
Selon l’ONU, il risque d’y avoir des millions de morts dans le monde. Donc oui, il y aura forcément un avant et un après. On croise juste les doigts pour qu’à la prochaine pandémie on ait au moins le matériel de base pour y faire face, et que les gens évitent de s’agglutiner dans les parcs, bars et marchés alors qu’au même moment dans certaines villes d’Italie on ne sait déjà plus quoi faire des cercueils.
Y a-t-il des enseignements positifs à tirer de cette crise ?
Juste la confirmation que le pays est administré par une belle bande de bras cassés, d’ailleurs on leur conseille de faire bien attention à ne pas tomber malades, parce qu’on n’aimerait pas être à leur place si un médecin épuisé dont on a cassé l’hôpital et supprimé les lits (100 000 en vingt ans !) doit choisir entre les intuber eux ou le quidam du lit d’à côté.
Comment imaginez-vous le monde d’après ?
Impossible à dire, on se pose des tas de questions, notamment sur la façon dont les pays pauvres vont faire face à la situation quand on voit comment la France, et les autres superpuissances y sont elles-mêmes si mal préparées. On craint l’hécatombe en espérant se tromper. La bonne nouvelle est que ça servira de piqûre de rappel à nos dirigeants et à une certaine partie de la population si prompts à regarder de haut les petites gens, alors que ce sont grâce à ceux-là, les caissier·ères, les livreurs, les routiers, les soignant·es, les éboueurs, etc., que le pays ne s’est pas effondré. On espère fort qu’ils s’en souviendront.
Qu’en espérez-vous ?
Que le temps passé en quarantaine nous aide à revoir nos priorités, notre mode de vie, à prendre conscience de la chance que l’on peut avoir d’être en bonne santé – pour ceux et celles qui le sont. Que l’on revoit aussi notre rapport à la nature – la nôtre et celle qui nous entoure -, car si cette maladie est apparue c’est aussi parce que nous empiétons salement sur la vie sauvage. La Terre n’appartient pas aux hommes, elle était là avant nous et continuera à exister sans nous. A nous de choisir entre l’avidité, le besoin de domination et la bêtise, ou une prolongation de séjour.
Dernier livre paru : Nino dans la nuit (Allia)
>> Lire aussi : Capucine et Simon Johannin le couple qui dynamite la littérature française
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