Bojina Panayotova tourne un documentaire en Bulgarie pour en apprendre davantage sur le passé de ses parents sous le communisme. Un premier film brillant et ludique qui questionne l’image et la vérité.
Rouge comme la couleur d’un passé qui ne veut pas disparaître. Celui de la Bulgarie communiste, dont l’héritage politique n’aurait pas totalement quitté le pouvoir actuel, et celui de l’enfance heureuse vécue là-bas par la jeune Bojina et qu’elle se remémore au début du film.
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Près de vingt ans après le passage à l’ouest avec ses parents suite à la chute du Mur, Bojina retourne à Sofia avec une idée en tête : comprendre l’implication de sa famille pendant le régime soviétique. Ont-ils été surveillés par ce dernier ou au contraire en ont-ils été les complices ?
https://www.youtube.com/watch?v=Apkaf1z9Vn8&t=17s
Caméra au poing, multipliant les sources d’images (iPhone, « écrans splittés » de Skype, caméra de sécurité), la jeune femme se lance dans une enquête familiale paranoïaque. Mais très vite, les parents et les grands-parents de Bojina l’encouragent à stopper ses recherches. Y a-t-il un secret qu’ils ne veulent pas lui avouer ou est-ce un fantasme que la jeune femme se construit à force de jouer les détectives ?
Rouge, comme la couleur du voyant qui scintille sur la caméra lorsque Bojina Panayotova se met à enregistrer. Dans une scène, sa mère lui demande de l’éteindre. Sa fille acquiesce, fait mine d’arrêter l’appareil mais poursuit l’enregistrement à son insu. Après quelques secondes, la mère réalise en voyant la lumière rouge sur la caméra que sa fille est en train de la piéger.
Rouge comme la couleur de l’inscription « top secret » sur la première page d’un dossier retrouvé aux archives de la police en Bulgarie. C’est celui de la mère de Bojina qui prouve que cette dernière a été espionnée par les services secrets de l’époque par l’intermédiaire d’un proche qu’elle croyait son ami.
Entre téléréalité et film d’espionnage lo-fi
Premier métrage de Bojina Panayotova, Je vois rouge séduit par son ampleur théorique, sa capacité à s’écrire au présent, à improviser et à réfléchir pendant qu’il bricole sa matière.
Entre téléréalité et film d’espionnage lo-fi, le film mêle une réflexion passionnante sur les limites humaines d’un dispositif (la cinéaste est-elle prête à sacrifier ses relations familiales au profit de l’achèvement du projet ?) et un questionnement éthique sur la vérité (peut-on aller jusqu’à reproduire les méthodes du passé pour la révéler ?) et l’image (à partir de quand n’est-on plus acteur mais un objet d’étude, une victime ?).
Je vois rouge est surtout, et c’est son versant le plus poignant, la confrontation de deux générations. Les enfants du postcommunisme, affamés de vérité, d’images, de transparence et de justice face aux témoins du régime, tiraillés entre l’oubli et les réminiscences du passé.
Je vois rouge de Bojina Panayotova (Fr., 2017, 1h23)
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