Pour Arte, l’auteur de Welcome signe un téléfilm mettant en scène le jeune comédien en aspirant écrivain de retour dans sa famille fortunée. Une belle distribution, mais un propos un peu trop appuyé.
Téléfilm inédit produit par Arte et libre adaptation d’un roman de Tanguy Viel, Paris-Brest est la première œuvre pour la télévision de Philippe Lioret. Si dans les années 2000, le réalisateur français avait enchaîné les films et les nominations aux César – L’Equipier (2003), Je vais bien, ne t’en fais pas (2006), Welcome (2009), il s’était fait plus discret dans la décennie suivante.
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Il faut dire que Lioret appartient, avec Pierre Jolivet notamment, à une génération de réalisateurs ayant dominé le genre du cinéma social français dans les années 2000 avant d’être éclipsé par l’affirmation dans les années 2010 de nouveaux spécialistes du genre, reconnus en festivals et appréciés du public, on pense à Thomas Lilti, à Stéphane Brizé ou à Philippe Faucon.
La preuve tangible de cette substitution étant le transfert de Vincent Lindon d’acteur fétiche de Jolivet (et il est aussi acteur principal du plus gros succès de Lioret, Welcome) à acteur fétiche chez Brizé.
Le nouveau visage du cinéma social français
Mais s’il faut reconnaître une qualité à Philippe Lioret, c’est d’avoir vu en Anthony Bajon, jeune acteur principal de Paris-Brest, l’héritier direct de Vincent Lindon. Malgré ses 25 ans, Anthony Bajon s’affirme déjà comme le nouveau visage du cinéma social français.
En plus d’un second rôle dans Médecin de campagne de Thomas Lilti (2016), dans Au nom de la terre d’Edouard Bergeon (2019) et de sa participation au prochain Stéphane Brizé, il avait été révélé dans La Prière de Cédric Kahn, (2018), autre membre de la petite famille du cinéma social français. Sa mine joufflue, sertie d’un regard mélancolique et d’un sourire désarmant, est ici de tous les plans.
Son interprétation et celles des autres jeunes comédien·nes du film – Daphné Patakia, qu’on retrouvera dans le prochain Verhoeven, Kevin Azaïs, qui peine à retrouver un rôle à sa mesure depuis Les Combattants, et Alexia Chardard de Mektoub My Love : Canto Uno, qui n’apparaît que dans trois scènes mais qu’on a plaisir à revoir, donnent à Paris-Brest un éclat candide et une vigueur qui apporte du relief à un scénario d’intentions figé et à une mise en scène trop fade.
Argent, famille et aspiration artistique
Le récit à la Edouard Louis est celui de Colin, un jeune aspirant écrivain, joué par Anthony Bajon donc, qui revient dans sa famille à Brest après cinq années d’études littéraires à Paris. Mais contrairement à la famille de l’auteur d‘Eddy Bellegueule, celle de Colin a de l’argent, et c’est bien le problème, puisqu’elle est rongée par des querelles financières. A partir de là, le film articule une triangulation entre argent, famille et aspiration artistique.
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Elle fonctionne lorsqu’elle passe par les regards des comédiens, les mouvements des corps et les sauts dans le temps de la narration, mais s’effondre lorsque son propos est asséné au discours direct. De l’argent on nous dit que « quand on en a il faut se méfier de tout le monde », de la famille on nous apprend que « toute grande histoire est une histoire de famille et de trahison » et enfin de la littérature on nous enseigne qu’il « faut écrire sur ce que l’on connaît ».
Cette façon de doubler le discours par des pensums aplatit toute équivoque et soustrait au film le projet qui aurait pu être le sien, dresser le portrait ambigu d’un jeune homme prêt à tout pour s’extraire de son milieu et devenir écrivain. C’est d’autant plus dommage que la dernière scène du film, la plus réussie, où on voit Colin dédicacer son premier roman à une file d’admirateur·ices, est malgré tout d’une ambivalence assez passionnante.
Paris-Brest de Philippe Lioret avec Anthony Bajon, Catherine Arditi, Valérie Karsenti (Fr., 2020, 1h30)
Le 27 mars sur Arte et jusqu’au 25 avril sur arte.tv
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