Avec les prenantes Black Badge et Mind MGMT, Matt Kindt renouvelle le récit d’espionnage en le nourrissant de l’époque.
Willy est un scout modèle qui n’a qu’un rêve : obtenir par son mérite tous les insignes possibles. Mais sa plus grande épreuve va consister, à l’occasion d’un voyage en Corée du Sud, à s’intégrer à un groupe à l’alchimie trouble. Les autres membres se montrent d’autant plus hostiles avec lui qu’ils sont concentrés sur un objectif mystérieux et, en tout cas, dangereux : une opération de sauvetage en Corée du Nord.
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Comme le proclame une fausse affiche de propagande, si les Black Badge sont “toujours prêts”, c’est pour “le sabotage, les démolitions, les assassinats et les soulèvements mondiaux”. Passant de la Russie à l’Afghanistan, les premiers chapitres de la nouvelle série de Matt Kindt et Tyler Jenkins, après GrassKings, donnent vite du crédit à cette idée audacieuse d’ados accomplissant des missions secrètes.
Et si cette histoire de dangereux scouts était vraie ?
Riche en fausses pistes, le scénario de Black Badge dose habilement l’action tout en divulguant au compte-gouttes les infos qui font dérailler la trame générale. Le dessin sec et anguleux de Jenkins, mis en lumière par les couleurs de son épouse Hilary, sert le suspense, apportant de la clarté là où les choses sont, forcément, plus embrouillées qu’elles n’y paraissent. Disséminés dans le livre, les rapports caviardés ou les extraits de manuels, avec la liste d’infos à ne pas dévoiler, créent une petite musique paranoïaque et entêtante : et si cette histoire de dangereux scouts était vraie ? Le jeu consiste à y croire le temps de la lecture…
Ce qui se révèle encore plus facile avec Mind MGMT créée, par Kindt seul. Alors que des instructions sont cachées partout dans le livre, la couverture prévient : “Merci de porter des gants de protection psychique.” Cette saga d’espionnage aborde la manipulation mentale par le biais du paranormal.
L’écrivaine Meru Marlow, en enquêtant sur l’amnésie des passagers du vol 815 et la disparition d’un certain Henry Lyme, met à jour un univers de faux-semblants où des publicités conçues par un médium aident à contrôler les masses. Là encore, Kindt excelle dans le rôle de l’architecte vicieux d’une histoire qui se referme sur nous comme un piège sournois. Totalement bluffant et addictif, ce premier volume – deux autres sont prévus d’ici janvier prochain – est un divertissement haut de gamme qui pousse à la réflexion en ces temps de fake news institutionnalisées.
Black Badge de Matt Kindt, Tyler Jenkins et Hilary Jenkins (Futuropolis), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sidonie Van Der Dries, 336p., 29€
Mind MGMT Rapport d’opérations 1/3 de Matt Kindt (Monsieur Toussaint Louverture), traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Thomas de Châteaubourg, 352p., 24,50€,
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