Véritable épopée aux confins des imaginaires, le projet mutant d’Adrien Durand et de ses prestigieux comparses nous entraîne à la lisière de l’avant-garde jazz électronique.
Dans un café du XVIIe arrondissement parisien, Adrien Durand, éminence grise de la société secrète Bon Voyage Organisation, se souvient d’un concert de Magma : “Merci aux musiciens de nous avoir aidés à accomplir cette musique aujourd’hui”, avait conclu Christian Vander ce soir-là.
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“Accomplir la musique, mais putain, mais bien sûr !”, s’exalte encore Adrien, un an après. Dans une interview accordée aux Inrocks lors de la sortie de son album Jungle ? Quelle Jungle ? (2018) – “J’avais tenté de faire des chansons avec un groupe de prog”, nous glisse-t-il au passage au sujet de ce disque –, il établissait ainsi les bases de son éthique de création : “Je n’aime pas quand on dépasse le cadre de l’esthétique qu’on s’est fixée” – façon de rappeler qu’en studio, comme dans une tour de contrôle, il faut un aiguilleur.
“Etre situationniste”
Tandis que sort dans une France confinée La Course, le nouveau document sonore de BVO, son démiurge prend acte de ses propos et pose un addenda allant dans le sens de l’accomplissement de la musique : il ne s’agit plus tant ici de définir une “esthétique” que de mettre en place les conditions de réalisation d’une œuvre.
Et la première de ces conditions aura été de réunir dans une même pièce les musiciens (et quels musiciens ! Adrien Soleiman, Julien Cavard ou encore Maxime Daoud d’Ojard), dans le but de voir ce qu’il adviendrait de la musique : “On poursuit tous un idéal, mais à un certain moment, il faut être situationniste : quand t’as un mec dans la pièce, un musicien, t’as envie qu’il joue.”
Longtemps estampillée “disco” ou “space-disco”, voire “post-disco”, la musique de BVO tient aujourd’hui davantage du contexte d’enregistrement des albums de l’avant-garde jazz électronique que des embardées clinquantes de Cerrone. La Course défile ainsi comme le générique de Star Wars dans l’immensité de l’univers, opposant à la démonstration de force ou même aux boursouflures virtuoses des techniciens de la musique la valeur du collectif et la puissance d’évocation sidérante d’un voyage aux confins des imaginaires.
Un film sans image
Le sax free et éraillé de Soleiman sur Chanson effleure l’idée d’une incantation mystique dans un paysage ressemblant à la pochette de l’album Sextant (1973) d’Herbie Hancock, tandis que celui de Julien Cavard, sur Un Américain à Tanger, semble revisiter le thème du Caravan de Duke Ellington, le tout dans un disque dont vous êtes le héros, véritable bande originale d’un film sans image. Une source d’émerveillement inépuisable. Musique accomplie.
Bon Voyage Organisation La Course (L’Invitation Musicale/Bigwax)
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