Après une pause de trois ans, Bloc Party revient avec un quatrième album furieux, sombre et complexe sur lequel les Anglais se réinventent à coups de metal. Rencontre avec l’énigmatique chanteur Kele Okereke.
Vous êtes de retour après une période de séparation. Que s’est-il passé ?
Kele Okereke – En 2009, on s’est pris une année off. On n’avait pas arrêté pendant huit ans, passant notre temps les uns sur les autres. On avait donc besoin de vivre nos vies. Pour moi, la vie ne consiste pas à se sentir comme un poulet en batterie.
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Comment s’est passé l’enregistrement de l’album ?
On devait l’enregistrer à Los Angeles mais personne n’était partant, du coup on l’a fait à New York, où je m’étais installé six mois plus tôt pour écrire un recueil de nouvelles. Au départ, je trouvais l’écriture thérapeutique, puis je me suis rendu compte que ça avait quelque chose d’attirant. On doit savoir guider le lecteur en douceur à travers un ensemble d’idées, stade que je n’ai jamais atteint avec la musique. L’écriture de fiction pourrait être une nouvelle voie pour moi… J’aime le fait de produire quelque chose, que ça soit une histoire ou une chanson. Ça demande la même énergie. Mais le plaisir que je ressens avec le groupe vient du fait de faire de la musique et non de me produire sur scène. Je pourrais rester assis dans un studio à coucher mes idées sur papier.
En parlant de littérature, le morceau Valis est-il une référence à Philip K. Dick ?
J’ai lu ce bouquin l’année dernière et l’ai trouvé très visionnaire. Le narrateur explique qu’il est en contact avec Dieu mais, en tant que lecteurs, nous ne sommes pas certains de pouvoir le croire parce qu’on découvre qu’il est défoncé et dingue. C’est l’idée du simulacre, qu’on retrouve dans le film Donnie Darko : comme on le regarde à travers les yeux d’un adolescent mentalement perturbé, on ne sait jamais si ce qu’on voit relève de son imagination ou de la réalité.
Valis est un livre très spirituel. Tu es croyant ?
J’avais cette conversation l’autre jour avec Gordon Moakes, notre bassiste. Lui ne croit en rien, il pense que quand nous mourons, nous cessons d’être. Moi je crois en quelque chose. Les sensations que j’éprouve quand je fais de la musique ne peuvent s’expliquer de façon tangible, il y a quelque chose de divin qui se produit. Mes parents étaient très religieux, et même si j’ai tout fait pour me tenir éloigné de leur foi, je m’aperçois maintenant qu’il y a des similitudes entre ce que je ressens lorsque je fais de la musique et ce qu’éprouve ma mère lorsqu’elle est à l’église.
Les Etats-Unis ont-ils été une source d’inspiration ?
Je regardais beaucoup de téléréalité aux Etats-Unis et notre chanson So He Begins to Lie s’en inspire. Les gens qui participent aux émissions de téléréalité savent qu’on les regarde et ils finissent par se détacher d’eux-mêmes. C’est quelque chose que j’expérimente quand je réponds à des interviews : je parle de moi, je me mets en scène. Je me demande parfois si cette séparation entre ce que je ressens et ce que je partage avec les gens est saine. Sinon, je ne pense pas que l’album sonne américain, même si les rencontres que j’ai faites à New York, où j’ai vécu seul pendant six mois, sont à l’origine du disque. C’est une ville très dure où vous devez travailler sept jours sur sept et cumuler deux boulots pour survivre. J’ai trouvé les gens que je rencontrais très anxieux.
L’album est très sombre…
Certaines des paroles sont probablement les plus sombres que j’ai écrites. Pourtant je ne broyais pas du noir, au contraire, je méditais.
Plusieurs morceaux sonnent metal.
On a toujours écouté du metal, c’est une musique qui a un côté romantique : les fans l’aiment avec une telle intensité qu’elle ne sera jamais hype ou cool. Je n’ai jamais aimé la musique indé et n’ai jamais voulu la représenter. S’inspirer du metal pour cet album nous permet de montrer une autre facette du groupe et donc de remettre notre image en question, comme on l’a fait avec les précédents albums. Ce nouvel album est le seul de Bloc Party à me procurer une sensation d’apesanteur. S’il s’avère être notre dernier album, je serai juste heureux de l’avoir fait.
album Four (Frenchkiss Records/Cooperative/Pias)
concert le 24 août à Saint-Cloud (Rock en Seine)
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