Depuis son élection en 2013, le Pape François s’attire les foudres des ultra-conservateurs. Point d’orgue d’une guerre interne au sein du Vatican, une lettre adressée, dimanche 24 septembre, par une soixantaine de prêtres et d’universitaires.
Une guerre interne fait trembler le Vatican depuis l’arrivée du Pape François au pouvoir, en 2013. Mondialement populaire, c’est parmi les membres du clergé qu’il trouve ses plus farouches opposants. En cause, ses positions jugées trop progressistes sur le mariage, sa critique du capitalisme, son soutien aux migrants et sa volonté de ne pas condamner les homosexuels.
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Le Guardian, dans un long dossier intitulé »La guerre contre le Pape François » met en lumière l’opposition entre les conservateurs catholiques et le Pape. Scandalisés par les opinions du souverain pontife, 62 catholiques – dont un évêque à la retraite et un ancien chef de la banque du Vatican – lui ont adressé, le 24 septembre dernier, une lettre ouverte. Dans cette »correction filiale », ils l’accusent de propager des hérésies. Et détaillent, en sept points, les motifs de leur désaccord.
Cette lettre est une réponse à la »Joie de l’Amour » –Amoris Lætitia en latin- une exhortation apostolique rédigée par François. Il y résume les délibérations faites lors d’un synode, en 2015, sur le divorce. Dans la note de bas de page 351 du chapitre huit, il écrit qu’ »il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. » Traduction : les couples divorcés ou remariés peuvent désormais recevoir la communion. Un message qui n’est évidemment pas du goût de tous. La doctrine sur le mariage – considérée par l’Eglise catholique comme indissoluble et éternelle – n’a pas changé depuis près deux millénaires. Pourtant, elle demeure strictement théorique.
En remodelant publiquement les principes de l’Eglise, le pape déclenche néanmoins la colère des réactionnaires. Qui restent toutefois minoritaires, relativise le théologien américain Massimo Faggioli : »Cette ‘correction‘ envers François est très utile car elle montre le nombre très limité et marginal de ces théologiens, leurs vues extrêmes sur les soi-disant erreurs de François […] et leur total manque de compréhension ecclésiologique de l’Église. »
Le Vatican en crise
Les écrivains et journalistes conservateurs, ces dernières années, n’ont eu de cesse d’émettre la possibilité d’un schisme au sein de l’Eglise. Des articles comme »Le Pape François va-t-il détruire l’Eglise ? » de l’américain Ross Douthat alertent d’un divorce potentiel entre le Pape et ses fidèles. Mais qui sont, alors, ses principaux opposants ?
Le cardinal ghanéen Robert se pose comme l’un de ses détracteurs les plus virulents. En 2015, lors du synode sur la famille, il avait déclaré : »Ce que le nazisme et le communisme étaient au XXe siècle, l’homosexualité occidentale et les idéologies abortives et le fanatisme islamique le sont aujourd’hui », réunissant sur un même plan ce qu’il nomme »l’idéologie du genre » et l’Etat islamique.
Le cardinal Raymond Burke fait figure, lui, d’ennemi principal du Pape. En 2016, alors qu’il siégeait au conseil de surveillance des Chevaliers de Malte (un organisme de bienfaisance dirigé par l’aristocratie catholique européenne), il avait révoqué le chef de l’ordre, lui reprochant d’avoir permis à des religieuses de distribuer des préservatifs en Birmanie. Le Pape, pour montrer son désaccord quant à cette décision, avait alors renvoyé Burke.
Burke a, par la suite, été l’un des principaux responsable des accusations d’hérésie à l’encontre de François. Son ambition d’une Eglise hiératique et patriarcale, résolument réactionnaire reste en contradiction avec la ligne religieuse papale.
Le cardinal, dans une interview publiée le 10 novembre 2016 par le quotidien Il Giornale, avait salué l’élection de Donald Trump. En 2014, il avait également invité Steve Bannon, l’actuel conseiller stratégique du président, à exposer ses idées politiques, lors d’une vidéoconférence. Dans ce discours, Bannon avait parlé d’une »crise de notre église, une crise de notre foi, une crise de l’Ouest, une crise du capitalisme. » Les opinions de Burke, entre anticommunisme, fierté ethnique et antiféminisme influencent ainsi le milieu politique conservateur américain, démontre le Guardian.
De la nécessité d’une réforme de la Curie
Pour François, il est nécessaire de réformer le gouvernement du Vatican, en raison de ces conflits internes qui le gangrènent depuis 4 ans.
Dès octobre 2013, dans le journal italien La Repubblica, il déclarait : »Les chefs de l’Église ont souvent été narcissiques, flattés et comblés par leurs courtisans. La cour est la lèpre de la papauté. » En décembre 2015, dans ses vœux adressés aux membres de l’Eglise, il avait déploré le manque d’auto-critique de la Curie, incapable de se renouveler, gonflée d’orgueil et en proie à différents maux : »schizophrénie existentielle », »Alzheimer spirituel » ou encore »narcissisme faux » menaceraient son corps malade.
Difficile, aujourd’hui, de prédire l’avenir de l’Eglise. Si d’aucuns souhaitent passionnément la destitution du Pape, la plupart, plus discrets, semblent avoir adopté l’idée papale selon laquelle »En pensant que tout est noir et blanc, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance ».
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