Taille des lèvres, position, couleur : toutes les vulves sont différentes. C’est ce que l’artiste Hilde Atalanta illustre en publiant sur Instagram les témoignages et dessins d’organes génitaux externes de personnes qui la contactent. Nous lui avons posé quelques questions.
“J’avais 12 ans lorsque je me suis aperçue que ma vulve était différente. J’étais en train de feuilleter le dictionnaire et j’ai trouvé une illustration du corps féminin. (…) À 16 ans, j’avais l’habitude de pleurer à ce sujet, la tête dans mon oreiller. J’ai pris la décision de tirer une croix sur ma vie sexuelle. Je me traitais de monstre et pensais être la seule au monde à avoir de larges lèvres. Quelques années plus tard, j’ai fait des recherches en ligne. Les résultats m’ont redonné confiance et permis d’être nue en face de quelqu’un pour la première fois.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Voici ce que raconte anonymement une internaute sur la page Instagram The Vulva Gallery, en légende d’une illustration représentant ses propres organes génitaux externes. Comme elle, près de 700 personnes ont contacté Hilde Atalanta, à l’origine du projet, en lui demandant de partager leurs témoignages et de dessiner leurs sexes à partir de photos.
“Avec The Vulva Gallery, je veux célébrer la diversité, offrir un large éventail de représentations de vulves facilement accessible, et encourager la discussion autour de nos corps et de notre sexualité”, renseigne la peintre et illustratrice Hilde Atalanta. Lèvres plus ou moins longues, plus ou moins larges, pilosité développée ou non, couleurs diverses, présence de piercing parfois, asymétries souvent : le moins que l’on puisse dire, c’est que la Néerlandaise de 29 ans a réussi son pari de mettre en lumière la singularité de chaque vulve. Il faut préciser qu’en créant cette galerie en 2016, elle touche à des thématiques qui ne lui sont pas étrangères : “Mon travail gravite depuis longtemps autour de la recherche de l’identité et des différentes formes de relations amoureuses, de sexualité et d’identités de genre.”
Depuis l’été 2017, la jeune femme développe d’ailleurs en parallèle le You’re Welcome Club, une page également axée body positive, sur laquelle elle s’applique à imaginer “toutes formes, tailles, couleurs” de corps – entiers cette fois-ci – nus et très colorés. Avec ses 28 000 followers, ce compte est encore loin d’atteindre le succès du premier projet d’Hilde Atalanta, suivi par plus de 181 000 personnes sur Instagram.
Si certain·e·s d’entre vous souhaitent rejoindre The Vulva Gallery, il vous suffit de contacter l’artiste et de lui envoyer une photo de vos parties génitales externes. Pour les autres, il vous est possible de soutenir sa démarche en achetant pin’s, tote bags, calendriers, cartes postales, mugs, et autres goodies décorés de vulves et disponibles sur son site. Nous avons posé quelques questions à celle qui se bat avec sa page au vocabulaire inclusif – elle le rappelle d’ailleurs, “avoir une vulve ne définit pas le genre d’une personne” – pour que le regard porté sur notre intimité évolue.
Comment t’est venue l’idée de créer The Vulva Gallery?
Hilde Atalanta : Tout a débuté il y a deux ans à l’université d’Amsterdam dans laquelle je suivais une formation en psychologie clinique. Des professeurs ont évoqué l’augmentation significative du nombre de labioplasties chez les femmes. J’ai commencé à m’intéresser à la représentation des vulves dans les médias et dans les cours d’éducation sexuelle dispensés auprès des enfants et ados. La diversité génitale n’y était presque jamais représentée. L’idée de The Vulva Gallery a commencé à prendre forme et j’ai décidé de peindre une “mini vulva gallery” pour l’anniversaire d’une amie. Lorsque je lui ai offert le tableau, il s’est produit quelque chose de très intéressant. Toutes les personnes présentes dans la pièce ont commencé à échanger à propos de la diversité des corps, d’éducation sexuelle et d’opérations chirurgicales. Tous et toutes avaient l’air soulagé·e·s de pouvoir aborder ces sujets. J’ai alors réalisé que ces dessins pourtant très simples pouvaient certainement venir en aide à une plus large audience et je me suis lancée sur Instagram.
“J’ai envie de montrer que les différences entre êtres humains, même au niveau de nos organes génitaux, sont de bonnes choses, naturelles et superbes.”
Comment le projet s’est-il développé ?
Ça a commencé doucement. J’ai d’abord dessiné des vulves à partir de mon imagination, d’images dégotées en ligne et de mes connaissances en anatomie. Les réactions ne se sont pas fait attendre et mes illustrations ont été repérées par des utilisateurs des quatre coins du monde. Rapidement, la galerie s’est élargie. Aujourd’hui, plus de 180 000 personnes suivent le compte. Un bon nombre d’entre elles m’ont d’ailleurs envoyé des messages de remerciement.
Justement, quels sont les retours de tes followers ?
Ils et elles me racontent comment The Vulva Gallery a changé leur manière de voir leur vulve et celle de leurs partenaires. Pour beaucoup, les dessins ont permis d’intégrer l’idée que leurs organes étaient normaux, qu’importe leurs formes. Certain·e·s ont même annulé leur labioplastie!
Concrètement, quel message veux-tu faire passer ?
J’ai envie de montrer que les différences entre êtres humains, même au niveau de nos organes génitaux, sont de bonnes choses, naturelles et superbes. Je veux inciter au débat sur la diversité, l’acceptation de soi, et toutes sortes de thématiques reliées aux vulves. J’ai pu constater au travers des témoignages que j’ai reçus qu’ouvrir un débat est plus que nécessaire. Avoir honte de cette partie de son corps peut faire perdre confiance en soi et provoquer de l’anxiété. Certain·e·s la cachent pendant leurs rapports sexuels. D’autres choisissent l’abstinence.
Comment changer le regard négatif généralement porté sur les vulves ?
Il faut que l’éducation sexuelle évolue, qu’on parle d’autre chose que des risques de grossesse ou des méthodes de protection face aux infections sexuellement transmissibles. La sexualité et la manière dont nous envisageons nos corps joue un rôle très important dans nos vies. Mais aujourd’hui, le tabou est tel que beaucoup ignorent que la forme de leurs parties génitales externes est tout à fait normale. Et avoir une conversation avec un proche à ce sujet leur paraît impossible. En tant qu’êtres naturellement curieux, sexualisés, qui ont tendance à se comparer aux autres, on se doit d’en parler.
Quel est le profil des personnes qui te contactent pour partager leurs histoires ?
C’est très divers. J’ai eu des témoignages du monde entier, de personnes qui ont entre 18 et 60 ans.
Sais-tu comment ces personnes réagissent une fois le texte et l’illustration en ligne ?
Oui, je les recontacte après publication. Jusqu’ici, les réactions ont toutes été positives. Elles ressentent une sensation de pouvoir et sont touchées par le soutien et les commentaires positifs postés sous leurs témoignages.
Envisages-tu de faire une déclinaison de The Vulva Gallery pour les pénis ?
Pourquoi pas ! J’ai l’impression qu’il existe beaucoup de pression autour de ce à quoi “devrait” ressembler un pénis. Pour le moment, je n’en ai pas le temps, mais il est évident que beaucoup de personnes tireraient des bénéfices d’une meilleure visibilisation des organes génitaux, quel que soit leur genre.
Propos recueillis par Margot Cherrid
{"type":"Banniere-Basse"}