Cette semaine, une cinquantaine de députés LaREM ont plaidé pour la “PMA pour toutes”. Jusqu’ici, l’éxécutif s’est montré prudent sur le sujet, éveillant des doutes sur sa volonté réelle de légaliser la PMA. Pour y voir plus clair, nous avons interviewé Jean-Louis Touraine, député LaREM farouchement engagé pour la PMA.
Mardi 29 mai, 47 députés de La République en marche (LaREM) ont signé une tribune dans Libération appelant à légaliser la PMA (procréation médicale assistée) pour les femmes célibataires et en couple homosexuel. Assurant que la PMA pour toutes est un “acte d’égalité”, ces parlementaires veulent “surtout reconnaître à égalité de droit et de dignité les différentes façons de devenir [parent], écrivent-ils. L’extension à toutes de la PMA n’enlèvera aucun droit à personne”.
Alors que de nombreuses femmes célibataires et en couple homosexuel vont à l’étranger pour avoir recours à la PMA “pour 30 000 euros environ hors frais médicaux préalables aux injections et suivi postnatal”, ces élus déclarent qu’ils “ne [peuvent] plus fermer les yeux”. Face aux “inégalités socio-économiques” que la PMA fait ressortir et aux “risques encourus” par ces femmes se rendant à l’étranger, ils refusent “que la PMA soit instrumentalisée comme l’a été la loi autorisant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe il y a cinq ans”. Et concluent leur tribune avec élégance : “l’égalité de droits ne nuit pas à notre société, au contraire, elle l’élève”.
Pour publier ce manifeste, ces élus ont choisi une date clef. 2018 est une année décisive pour les lois de la bioéthique. Cette année, comme tous les sept ans, la législation sur la bioéthique doit être revue. A cette occasion, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a organisé les États généraux de la bioéthique de janvier à avril 2018, sous la forme d’une consultation des citoyens sur les sujets de bioéthique. L’opinion des Français a été recueillie en ligne, via 250 rencontres-débats en région, et en auditionnant 150 organisations intéressées par ces questions. A la suite de ces consultations, un rapport de synthèse sur les États généraux de la bioéthique sera rendu début juin. Surtout, à l’automne, un projet de loi sera présenté.
Si la PMA pour toutes est un engagement de campagne d’Emmanuel Macron, le président avait aussi plaidé pour “construire un consensus le plus large possible” et avoir un “débat apaisé” avant de légiférer. Pourtant, la “Manif pour tous” et ses groupes satellites sont mobilisés en masse contre la PMA. De quoi se demander si Emmanuel Macron honorera finalement sa promesse de campagne. La France comblera-t-elle finalement son retard, alors que la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires est déjà autorisée dans dix pays européens (Belgique, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Luxembourg, Royaume-Uni, Irlande, Croatie, Finlande et Danemark – pour les femmes homosexuelles mariées uniquement) ?
Pour répondre à nos questions, nous avons interviewé Jean-Louis Touraine, député LaREM du Rhône, et ex-élu PS. Signataire de la tribune pour la PMA pour toutes, il est connu dans l’hémicycle pour plaider avec vigueur pour la PMA et pour l’euthanasie. Ce professeur de médecine et immunologue lyonnais est aussi vice-président de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée, et engagé dans le “pôle social” des députés LaREM.
La tribune de Libération n’a été signée que par 47 députés LaREM, sur 309. Tous vos collègues députés LaREM sont-ils pour la PMA ?
Jean-Louis Touraine – L’important n’est pas de savoir combien de députés ont signé cette tribune. Nous savons que la grande majorité des députés de LaREM sont favorables à la PMA pour toutes, pour deux raisons. D’une part, cette proposition était un engagement présidentiel et, d’autre part, les députés de LaREM ont été élus sur ce même programme présidentiel. Énormément de députés de gauche sont aussi pour la PMA, et même quelques députés de droite.
Quand est-ce que la PMA pour toutes sera mise à l’agenda parlementaire ?
C’est une question de stratégie. Le président a pris l’engagement d’instaurer la PMA pour toutes. Il aura à cœur de respecter cette parole, dans les cinq ans de son mandat – et pas forcément immédiatement. Il choisira le meilleur calendrier, le moment qui lui paraîtra le plus opportun.
Le désir d’Emmanuel Macron, comme celui des députés pour la PMA pour toutes, c’est que le débat parlementaire se passe dans la plus grande des sérénités. Nous souhaitons qu’il n’y ait pas les manifestations hystériques qui avaient accompagné le vote du mariage pour tous.
La “Manif pour tous” et ses groupuscules sont minoritaires, mais pour autant ils ne parlent pas moins fort que les autres. Cette année, ces groupes intégristes se sont manifestés pendant les États généraux de la bioéthique. Ils ont fait beaucoup d’entrisme sur le sujet de la procréation. C’est la question qu’ils ont privilégiée pour y semer le trouble.
Est-il possible d’avoir un “débat apaisé” avec la “Manif pour tous” et ses organisations satellites ?
J’ai assisté à plusieurs débats citoyens, organisés lors des États généraux de la bioéthique pour recueillir l’avis de la population. Pendant ces réunions, le débat a été totalement impossible. Les militants contre la PMA étaient présents en grande majorité, et ils intimidaient physiquement et verbalement les autres. Ils entouraient chaque intervenant de façon menaçante, en filmant, ou en hurlant, ou encore en tapant avec les chaises par terre, pour couvrir les propos des participants. Ils se comportaient comme des non-démocrates, voulant imposer leur point de vue sectaire.
Beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, ne veulent pas seulement empêcher l’application de la PMA aux couples de femmes homosexuelles ou aux femmes seules. Ils veulent aussi revenir sur l’autorisation de la PMA dans les couples hétérosexuels, et prohiber totalement la PMA. Certains d’entre eux veulent même revenir sur l’autorisation de l’avortement.
Ce sont des personnes réactionnaires dans le sens où ils veulent revenir à l’état des lois du milieu du XXe siècle, avant tous ces progrès. Tous ces groupuscules gravitant autour de la “Manif pour tous” ne se réunissent que pour hurler ensemble contre le progrès humain et médical.
Peut-on dialoguer avec ces organisations ultraconservatrices ?
Ce n’est pas fréquent, car en général ces groupuscules n’aiment pas écouter. Les rares fois où on peut arriver à se faire entendre, c’est quand nous leur disons : “si un couple homosexuel a le droit de se marier et d’adopter des enfants, sur quel argument pourrait-on interdire la PMA ?” Et là, ils n’ont pas de réponse.
À partir du moment où vous acceptez le principe du mariage homosexuel, et la possibilité pour un couple de femmes ou d’hommes homosexuels d’adopter des enfants, comment pouvez-vous priver les femmes de recourir à la PMA ? Il n’y a aucun argument éthique supplémentaire. Autoriser la PMA, ce n’est pas du tout un avancée, ou une question éthique nouvelle : la question éthique est déjà résolue à partir du moment où on permet à des couples homosexuels d’élever des enfants. Il n’y a rien de nouveau.
Que faudrait-il dire aux mouvements anti-PMA ?
Parfois, des personnes nous disent : “la PMA ne devrait être utilisée que pour des stérilités médicales”. Mais ce discours est faux. Aujourd’hui, dans un couple hétérosexuel, la PMA n’est pas faite seulement quand il y a une stérilité prouvée, de nature médicale et irréversible. La PMA est utilisée à chaque fois qu’un couple hétérosexuel ne parvient pas à avoir des enfants pendant un certain temps, et demande à avoir recours à la PMA pour améliorer ses chances de concevoir.
Je connais plusieurs couples qui ont recouru à la PMA et qui, après, ont eu des enfants dans des conditions naturelles, prouvant par là que leur stérilité n’était que psychologique, et n’était pas de nature organique ou médicale.
J’ai de la peine à comprendre la démarche de ces extrémistes, d’autant plus qu’ils ne sont pas respectueux de points de vue différents. Je conçois tout à fait qu’ils ne recourent pas à la PMA eux-mêmes s’ils ne le veulent pas. C’est la même attitude avec l’IVG, il n’y a naturellement aucune obligation pour quiconque. Mais pourquoi voudraient-ils interdire à leurs voisins, aux couples de femmes homosexuelles, d’avoir des enfants ? Sous quel prétexte voudraient-ils l’interdire ?
Que pensez-vous de ces groupes intégristes, qui en 2012 et 2013 avaient manifesté avec leurs enfants contre le mariage homosexuel ?
Souvent, ils éduquent aussi leurs enfants à avoir le même point de vue qu’eux, mais ça, ça me contrarie. Il y a cinq ans, à l’époque de la “Manif pour tous”, j’avais fait remarquer à des manifestants à quel point je respectais leur droit légitime de se mobiliser et de dire leur point de vue différent du notre. Ce que je ne comprenais pas, c’est qu’ils puissent être accompagnés par leurs enfants. Dans la “Manif pour tous”, il y a avait beaucoup de parents avec des enfants, avec des poussettes ou les tenant par la main.
A ces parents, je leur avais alors fait noter quelque chose, qui les a laissés sans voix. Je leur ai dit :
« Vous manifestez avec vos enfants, qui ne sont pas encore en âge d’avoir une orientation sexuelle . Mais dès qu’ils atteindront la puberté, vous allez constater que 5 à 10 % d’entre eux n’ont pas l’orientation sexuelle que vous souhaitez et vont être attirés par quelqu’un du même sexe qu’eux. Ils n’y peuvent rien, puisque l’orientation sexuelle ne se choisit pas. Qu’est-ce que vous allez faire alors ? Vous leur avez appris à manifester contre les couples homosexuels, vous avez diabolisé l’homosexualité, vous vous laissez même parfois entraîner à des paroles homophobes. »
Ces enfants, que vont-ils avoir comme choix ? Se suicider, ou aller dans l’association Le Refuge, celle où vont tous les jeunes rejetés par leur famille car ils sont homosexuels ? C’est terrible, les parents doivent garder leur amour pour leurs enfants, quelle que soit leur vie sexuelle ; cela n’a pas de sens.
Ce n’est pas facile d’avoir une argumentation rationnelle avec des personnes si peu tolérantes. Pour avoir un dialogue, il faut être en face de quelqu’un qui accepte de discuter. J’essaye parfois de me mettre à leur place, même si cela m’est très difficile. Mais eux n’essayent jamais de se mettre à la place des couples homosexuels, jamais. Et donc ils ne comprennent pas, et n’imaginent pas que leurs enfants puissent être homosexuels. Alors que même dans des familles ultra-religieuses, intégristes, il y a des enfants homosexuels, comme partout ailleurs.
Comment réussir à avoir un climat calme et serein en France, quand ces groupuscules extrémistes sont prêts à se mobiliser contre la PMA ?
Nous nous posons la même question, et c’est pourquoi notre tribune est prudente. Nous n’avons pas dit qu’il fallait tout de suite instaurer la PMA, mais nous avons laissé une certaine marge de manœuvre. Nous allons bien sûr aller de concert avec le Président de la République, le Premier ministre, les ministres.
Nous voulons rassurer les citoyens qui s’opposent à la PMA pour toutes, en leur expliquant qu’ils ne sont pas obligés à quoi que ce soit, mais qu’ils ne peuvent pas imposer leur point de vue minoritaire à la majorité des Français. Dans tous les sondages d’opinion, les opposants à la PMA représentent entre 30 et 40 % de la population. Mais je ne crois pas que le dialogue est possible avec eux. Ce qu’il faut, c’est un apaisement, c’est tout.
Les groupes opposés à la PMA sont persuadés qu’on ne peut pas priver les enfants de père. Qu’en pensez-vous ?
La difficulté sur ce sujet, c’est la confusion entre les croyances et le savoir. Le savoir scientifique, c’est une chose qu’on ne devrait pas pouvoir discuter avec des a priori subjectifs, nous devons tous le partager et l’avoir en commun. Après, chacun a le droit d’avoir des croyances de toute nature, qu’elles soient religieuses, philosophiques, ou humanistes. Ces croyances appartiennent à chacun, alors que le savoir est commun à tout le monde.
Quand les opposants à la PMA disent que “pour les enfants, c’est une catastrophe de permettre à des femmes homosexuelles de recourir à la PMA”, ils font une confusion entre leurs croyances subjectives et le savoir scientifique. Or, nous avons des études sur les enfants élevés par des couples homosexuels. Ces études ont été menées dans les pays anglo-saxons, qui ont légalisé adoption et PMA pour les couples homosexuels il y a relativement longtemps. Elles ont duré plus de vingt ans, et ont suivi les enfants jusqu’à l’âge adulte.
Ces recherches ont montré qu’il n’y a strictement aucun inconvénient à être élevé par un couple homosexuel, pour un enfant. Dans quelques études, les enfants élevés par un couple homosexuel ont même eu un petit avantage par rapport aux autres quand ils sont petits, au niveau de leur éveil intellectuel. Ils ont été tellement désirés par les parents qu’ils s’éveillent plus vite. Les enfants ont besoin d’amour et d’attention, que leurs parents soient hétérosexuels ou homosexuels.
D’ailleurs, les familles ne sont pas composées uniquement des parents. Il y a toujours des oncles, des tantes, des grands-parents, etc. Les enfants élevés par un couple homosexuel ont beaucoup de schémas parentaux différents autour d’eux. Le fait d’avoir deux parents homosexuels ou deux parents hétérosexuels ne fait aucune différence, ni pour leur niveau intellectuel, ni pour leur avenir professionnel, ni pour leur orientation sexuelle. Chez eux comme chez les autres, plus de 90 % des enfants seront hétérosexuels, et 5 à 10 % seront homosexuels.
Emmanuel Macron va-t-il tenir compte de l’opinion des groupes ultraconservateurs contre la PMA ?
Après l’été 2018, il y aura plus de concertation sur ce sujet. En ce moment, nous, parlementaires, avons encore beaucoup de dossiers sur la table. À la rentrée, tous les rapports sur la PMA auront été remis à l’exécutif, ils serviront de base à tout dialogue. En septembre, le Comité d’éthique aura aussi rendu son avis sur les pistes d’évolution de la loi de bioéthique. Entre le parlement et l’exécutif, nous déciderons alors ensemble le calendrier de la réforme et la stratégie à adopter.
Nous essayerons de dialoguer avec les représentants des groupes intégristes, pour tous ceux qui acceptent d’écouter. Nous essayerons de voir avec eux quelles sont leurs préoccupations, comment nous pouvons les rassurer, car certaines de leurs inquiétudes peuvent être légitimes.Nous montrons de la bonne volonté, de la bienveillance, même à ceux qui sont intolérants. Et ensuite, il faut avancer, et la loi démocratique de la majorité doit décider. Ce sujet n’est pas différent des autres réformes que nous conduisons en ce moment : il y a un moment où il faut aller de l’avant.
Dans son livre Les Leçons du pouvoir (Stock, avril 2018), François Hollande consacre plusieurs pages à la PMA. Il y a écrit qu’aujourd’hui, il regrette de ne pas avoir autorisé la PMA pour les couples homosexuels. Selon ses mots, il aurait dû l’autoriser dans la foulée du mariage homosexuel ; de même qu’il regrette de ne pas avoir légiféré sur l’aide à la fin de vie. Il se rend compte qu’il n’aurait pas dû être trop frileux pendant son quinquennat, par peur d’avoir des manifestations.
L’avis du gouvernement sur la PMA va-t-il être conditionné au rapport de synthèse sur la grande consultation citoyenne des États généraux de la bioéthique, remis en juin ?
Nous pouvons dire par avance les résultats de cette consultation citoyenne. Elle a été l’objet d’un entrisme insensé par tous les groupes extrémistes contre la PMA, et par les religieux les plus intégristes. Certains prêtres ont demandé à leurs fidèles d’aller participer à la consultation citoyenne en ligne.
Évidemment, cette consultation ne sera pas le reflet de la population, elle n’a pas de valeur comme un sondage. C’est simplement une opportunité pour les plus extrémistes de pouvoir donner leurs arguments, et nous pourrons en tenir compte. De très nombreux Français sont d’accord pour avancer, mais ne s’expriment pas non plus violemment dans des consultations en ligne.
Le rapport sera-t-il donc plutôt négatif pour la PMA ?
Je ne sais pas comment ce rapport sera présenté. Le Comité d’éthique a toujours dit qu’ils n’était pas là pour faire un sondage d’opinion. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de personnes qui vitupèrent la PMA que pour autant, le Comité d’éthique va conclure qu’il ne faut pas instaurer la PMA. En juin 2017, le Comité d’éthique a donné un avis favorable à la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes homosexuelles. Je pense que son point de vue ne changera pas.
Avant de rendre un avis favorable en 2017, il avait pris le pouls de la population dans son ensemble, fait réfléchir philosophes, responsables de l’éthique biomédicale, juristes, anthropologues, médecins, chercheurs. Toutefois, dans le rapport qu’il remettra début juin, le Comité d’éthique pourra dire qu’il y a, dans la population française, des groupements engagés contre la PMA, minoritaires mais virulents.
Au niveau du timing, la PMA est-elle une priorité pour le président ?
Je ne suis pas sûr. Si, à la rentrée 2018, Emmanuel Macron considère que le moment aboutirait à des manifestations inopportunes, il choisira un autre timing. Tout dépendra de la situation après l’été, du climat de sérénité, et peut-être de quelques échanges avec les leaders des mouvements contre la PMA.
Est-ce certain que la PMA sera autorisée en France à la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron ?
Bien sûr, il le faut. C’est un engagement de campagne. Le président s’est fait élire d’une façon assez remarquable, sans avoir de soutiens de partis politiques. Il voulait renouveler la pratique politique et mettre l’écoute des Français au premier plan, comme nous l’avons fait lors de la “grande marche”, de mai à juillet 2016. Des “marcheurs” sont partis auditionner des centaines de milliers de citoyens, à leur domicile. À partir de là, un programme a été élaboré, avec l’idée que ce qui était annoncé serait fait. Il reste la liberté de savoir comment le faire pour que les réformes se passent le mieux possible. Mais l’objectif à atteindre est bien que, dans les cinq ans, nous ayons réalisé l’ensemble des propositions.
Le Premier ministre Édouard Philippe s’est opposé à la PMA à l’époque de la loi Taubira, lorsqu’il était député Les Républicains. Est-ce mauvais signe pour l’adoption de la PMA ?
Édouard Philippe a changé. A cette époque, il ne croyait absolument pas dans les chances d’Emmanuel Macron, il était dans un parti très différent, il était ailleurs. Ce n’est pas du tout une critique, puisque la plupart des femmes et hommes politiques de LaREM ont évolué à partir d’un autre parti, ou d’une autre pratique antérieure. Les déclarations d’avant sont obsolètes. Ce qui m’importe, c’est ce que le Premier ministre dit maintenant et aujourd’hui il est d’accord pour avancer.
Aucun des ministres n’est opposé à la PMA, bien qu’il y ait des nuances dans la position de chacun. Des ministres pensent que la PMA est une priorité, comme Marlène Schiappa. D’autres considèrent que c’est un engagement qu’il faut tenir dès que possible. D’autres enfin estiment que la PMA pour toutes n’est pas la réforme la plus importante de la politique que nous devons conduire. Ces derniers perçoivent moins fortement que les autres l’attente de la population sur ce sujet.
Percevez-vous l’attente de la population à propos de la PMA pour toutes ?
À cause de ma profession de médecin, j’entends un certain nombre de femmes qui souffrent de ne pas trouver de solutions à leur impossibilité d’avoir des enfants. C’est assez légitime d’entendre la réflexion de ces personnes, et de ne pas repousser éternellement leur demande d’instaurer la PMA pour toutes. Même si le désir d’enfant n’est pas aussi important que l’épanouissement des enfants, nous savons d’expérience que ces personnes qui ont un fort désir d’enfant les élèvent bien, leur donnent beaucoup d’attention, beaucoup d’amour.
Nous ne prenons pas de risque particulier en permettant à des femmes d’avoir des enfants via la PMA, qu’elles soient homosexuelles ou seules. Aujourd’hui, c’est extrêmement banal que des femmes seules aient des enfants. Je connais plusieurs femmes qui ont utilisé des hommes comme “étalons transitoires” le temps de tomber enceintes, sans avoir de projet de couple avec eux, mais en ayant plutôt un projet d’enfantement. Qu’elles que soient les modalités dans lesquelles les enfants sont conçus, il est important que l’on se préoccupe de leur épanouissement. Si les enfants sont arrivés par une volonté farouche de la mère d’avoir un enfant, alors nous pouvons être rassurés sur leur avenir.
Les femmes homosexuelles ou célibataires voulant aujourd’hui avoir des enfants en ont sûrement assez d’attendre l’instauration de la PMA. Que leur répondez-vous ?
Dans les débats auxquels j’ai assisté lors de la consultation citoyenne, j’ai plutôt été surpris de la grande sérénité de ces femmes, qui comprennent qu’il faut que la PMA soit instaurée dans un climat serein, à cause du clivage de la société sur ces thèmes. Elles sont souvent, non pas dans le militantisme combattant, mais plutôt dans l’explication de leur demande.
Certaines d’entre elles sont allées dans des pays étrangers pour avoir des enfants, comme en Belgique ou en Espagne. Pour elles, ces démarches ont été onéreuses et compliquées. Il a fallu aller vivre à l’étranger pour quelques jours, et parfois quelques semaines. Elles aspirent à ce que cela puisse se faire en France.
Que dire aux femmes n’ayant pas les moyens d’aller faire une PMA à l’étranger ?
C’est ce qu’il y a de terrible. Cette sélection par l’argent est très injuste. Ne pas autoriser la PMA en France donne une inégalité qui n’est pas acceptable. Dans l’Hexagone, certains médecins transgressent l’interdit de la PMA pour toutes en catimini, et anticipent sur l’évolution de la loi. Mais ces docteurs prennent des risques, puisque tant que la loi n’est pas passée, le Conseil de l’ordre des médecins peut les poursuivre.
C’était pareil pour l’avortement. Jusqu’en 1975, à chaque fois que le Conseil de l’ordre trouvait un médecin qui disait clairement qu’il faisait des IVG, il était poursuivi. Les femmes qui n’étaient pas assez fortunées pour avorter à l’étranger remettaient leur sort entre les mains des “faiseuses d’anges”, qui à l’époque tuaient chaque année plusieurs centaines de femmes. Les complications des IVG clandestines étaient effrayantes.
La société est-elle prête à progresser sur la PMA ?
Dans les faits, aujourd’hui, la société est prête à progresser, et à autoriser la PMA. Nous n’aurions pas pu le dire à l’époque du mariage pour tous, où les Français étaient plus partagés. Désormais, une majorité du pays est favorable à la PMA pour toutes, y compris des personnes qui n’y auraient pas recours pour elles-mêmes. Comme un couple homosexuel a le droit de se marier et d’adopter des enfants, il n’y a plus de raisons rationnelles pour s’opposer à la PMA.
Propos recueillis par Gaëlle Lebourg