Après l’ataraxie de mise en 2015, Michelle Blades nous invite à s’émanciper du joug patriarcal et propose une musique aussi libre qu’improvisée sur les ruines de l’enfance.
Ataraxia, son album de 2015, se terminait dans la douceur d’un murmure polyphonique, tandis que Visitor commence de façon tonitruante avec Politic!, morceau d’introduction parfait en forme de tract enjoignant à l’émancipation du joug patriarcal toxique. “J’ai entendu la gratte dans ma tête, puis la batterie est venue.
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https://www.youtube.com/watch?v=MCC6GFqNZpI
J’étais super-excitée alors je suis allée trouver quelqu’un en lui disant : ‘Tiens, joue ça !’ en faisant la partie de basse en même temps. J’adore quand ce genre de chose arrive, que tu entends tout à la fois”, nous confie Michelle Blades, enthousiaste.
“Je ne vais en studio que lorsque je sais ce que je veux”
Prise pendant près de deux ans dans les mailles d’une tournée avec Fishbach qui devait l’emmener jusqu’au firmament d’une prestation inoubliable aux Victoires de la musique en 2018, Michelle trouve le temps, entre les balances et deux escales en bord de mer, de composer à la basse l’essentiel des chansons qui constituent Visitor : “Je ne te cache pas que je savais exactement ce que je voulais quand je suis entrée en studio, nous dit-elle. Je ne vais en studio que lorsque je sais ce que je veux et en sachant précisément ce que je ne veux pas.”
Sûre de son coup, elle emmène toute sa clique dans le sud de la France, à Carpentras, dans une maison transformée en studio à l’abri d’un énorme figuier. Un souvenir tenace, pour une parenthèse autarcique durant laquelle Michelle fera ce qu’elle appelle son “album de geek”, triturant ses bandes magnétiques, pour finir par s’affirmer comme une auteure accomplie, mais surtout comme une réalisatrice et productrice prometteuse.
“Des choses aquatiques et apocalyptiques”
Pierre angulaire de l’album, Dr. Psych sur la plage, corollaire nécessaire et manifeste antidaté d’un mysticisme qui touche au sublime dans sa façon d’exalter l’utopie un peu désuète de la libération des imaginaires par le trip chamanique, rappelle ainsi, dans son geste, le Pink Floyd de Zabriskie Point (l’explosion cacophonique finale en moins).
Dans sa composition, le titre témoigne surtout du chemin parcouru par Michelle depuis ses premières chansons jouées au ukulélé : “Il y a des parties improvisées, mais je donnais quand même des indices, se rappelle-t-elle. J’ai montré des vidéos à mes musiciens : des bombes nucléaires qui explosaient au batteur, des trucs plus érotiques à Alex, des images de surfeurs à Marius. Que des choses aquatiques et apocalyptiques, en gros.”
Le morceau sera ensuite enregistré un demi-ton au-dessus, pour être après ramené manuellement à la bonne tonalité. “Une idée de Bertrand Fresel » (qui coproduit le disque), rigole-t-elle.
Si Visitor est un pic atteint dans la jeune carrière de Michelle Blades, c’est aussi parce que le processus de création du disque se confond avec la voie initiatique empruntée par la chanteuse, qui se découvre ici une conscience politique construite sur les ruines des illusions de l’enfance : “C’est abstrait comme conception de la politique ; c’est la politique d’une enfant qui se rend compte que ses héros ne sont pas des héros.”
Une histoire de politesse aussi à l’égard du père et de ces figures déchues, politesse qui ne serait rien d’autre qu’un jeu politique dont il fallait se défier.
Michelle Blades Visitor (Midnight Special Records/L’Autre Distribution)
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