Sur son quatrième album, “Ricky Music”, Aaron Maine poursuit son exploration intimiste de la pop music tout en se reconnectant à ses racines lo-fi. Entretien apaisé avec la tête pensante de Porches.
Sur Ricky Music, tu opères un retour à la musique lo-fi. L’album donne presque une impression de mixtape.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Aaron Maine – Je ne dirais pas que j’ai opté pour une approche « mixtape » mais chaque chanson a, en quelque sorte, son propre monde. Mais j’espère que dans ce processus de création, ces morceaux créent un contexte, un commentaire, un sens et qu’elles marchent ensemble dans cette œuvre singulière qu’est l’album.
Malgré cet aspect, tu as pris beaucoup de temps dans la confection de ce nouvel album ?
Ouais. Je voulais vraiment prendre du temps, de mettre autant de cœur et d’amour que possible dans ce disque. Il n’y avait aucune raison de se presser. J’ai énormément écrit, quelque chose comme 70 chansons. Pour la plupart c’était seulement des expériences qui n’ont pas fonctionné mais qui nourrissaient le reste du disque.
>> A lire aussi : « Pour l’album “Ricky Music”, Porches navigue entre lo-fi et r’n’b »
Ricky Music est un disque très court et de facture très simple. Est-ce que tu avais pour ambition de simplifier ta formule de création ?
Pas vraiment. Mais, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été intéressé par l’approche minimaliste, les productions tordues ou des morceaux très courts qui ne se répètent pas. Certaines personnes me disaient : « Ces chansons sont trop courtes, on a l’impression qu’elles ne sont pas finies », mais pour moi, cette idée d’une chanson linéaire, me fait ressentir une certaine urgence.
A quoi ressemblait ta vie pendant cette période ?
J’étais dans une belle relation amoureuse et cette relation s’est terminée. Et dans cette période, tu as le sentiment de tomber amoureux et une fois que ça s’arrête tu tombes au plus bas. Beaucoup plus littéralement. Après ça et après la tournée, j’étais beaucoup à New York, j’ai eu beaucoup de temps pour moi, pour me socialiser à nouveau hors du carcan de la relation amoureuse. Ça m’a permis de beaucoup travailler sur moi.
Durant ce moment, tu avais l’impression que la musique était une sorte de compagnon pour toi ?
Ouais. En fait, la seule chose que je fais vraiment c’est créer de la musique (rires). Des heures et des heures chaque jour.
Faire de la musique pendant cette période, t’as-t-il permis de prendre du recul sur toi et ton expérience ?
J’ai certainement pris un peu de recul en faisant ces morceaux, mais je ne pense pas que je travaille dans ce but. Il s’agissait plutôt de capturer un moment. Si tu veux vraiment travailler à l’émotion, il faut parler aux gens, se poser des questions. Ecrire des chansons, c’est plus une manière de réagir aux choses qu’une façon de les traiter, les synthétiser dans mon esprit. Peut-être, qu’en fin de compte, j’ai obtenu une certaine clarté à regarder en arrière sur certaines idées, sur ce à quoi ressemblait ma vie à ce moment, à apprendre de cela. Mais au moment de créer, c’est vraiment une réaction.
D’ailleurs l’album témoigne de cette ambivalence entre la clarté et la confusion de cette période.
Ouais. J’ai eu beaucoup de temps pour réécouter l’album, de repenser à la manière dont je l’ai consciemment mis en place. Et il y a ces moments de clarté et ces moments où tu es complètement aveuglé par les situations dans lesquelles tu te retrouves. Je pense que c’est un reflet assez juste de ma vie à ce moment qui était une combinaison des deux. Je pense que c’est intéressant d’avoir ces deux côtés.
Pourquoi as-tu choisi de te mettre en scène dans cette ambivalence ?
Ce sont juste deux côtés de ma personnalité qui ont eu beaucoup d’importance dans ma vie à ce moment-là. Il y a évidemment une version idéale de moi qui est sociable, amicale, calme et confiante et il y a forcément l’autre qui est colérique, timide. Et j’ai l’impression que se sont ces choses que j’avais besoin de sortir.
Do U Wanna Dance repose beaucoup sur ça. C’était important de rapprocher ces deux idées antagonistes ?
Ces idées sont liées entre elles. Au départ, il y avait cette idée d’avoir un morceau très sarcastique comme Do U Wanna Dance qui montre la meilleure version de moi-même en train de chahuter la version de l’ermite que je peux aussi incarner dans ma vie. La première souhaite que la seconde puisse trouver l’énergie de faire quelque chose et ne pas être frustré si elle ne le faisait pas. Je pense que le morceau d’ouverture, Patience, est celle qui résume le mieux l’ADN du disque. Mais Do U Wanna Dance était un bon premier aperçu de cette idée.
Malgré ces idées parfois noires, l’humour tient un rôle assez important dans Ricky Music.
Ce n’était pas vraiment le but de rendre le ton plus léger, mais, simplement, l’humour et le rire sont des grandes parties de ma vie, dans la manière dont j’agis avec mes amis et mes proches. Rendre compte et dépeindre ça dans ma musique, c’est important d’une certaine manière. Si j’avais été hyper dramatique, ça n’aurait pas été un reflet très juste de mon expérience, de ma vie. Je pense qu’il y a de l’humour dans toute cette méchanceté humaine (il marque un temps). Peut-être pas dans toutes les situations, mais selon moi, en regardant mon expérience, ça m’a aidé de rire, simplement, et me dire « OK, Aaron, relax, chill (rires) ».
C’était important que la musique suive cette approche plus décomplexée ?
Ouais. Il s’agit de suivre où tes idées te mènent plutôt que d’essayer de les faire rentrer à tout prix dans ton idée globale, de forcer le trait. Je sens que toutes ces idées et tous les trucs qui me traversent l’esprit sont des représentations de mon monde. Donc j’essayais juste de laisser sortir ces trucs bizarres, ces idées étranges. Evidemment je veux toujours que la musique corresponde à mes sentiments mais je ne sais pas si c’est vraiment mon but. J’ai surtout l’impression de ne pas savoir écrire de la musique autrement (rires). Mon expérience est la seule chose que je possède vraiment donc je ne sais pas si je sentirai à l’aise de parler d’autre chose. Je voulais donc partager autant que je pouvais, comme une offrande. Et peut-être qu’elle trouvera une résonance de quelque manière que ce soit.
Par le passé, tu as aussi collaboré avec énormément de gens mais là c’est la première fois avec ta propre musique. Qu’est-ce qui t’as motivé à le faire ?
J’ai tellement d’amis talentueux et c’est tellement excitant d’entendre leurs voix sur mon disque. Je le ressens comme une autre manière d’ancrer cette image de ma vie. Ce sont les gens que je vois, avec qui je passe le plus clair de mon temps, ça semblait donc très organique d’entendre leurs voix surgir ça-et-là à travers le disque, de traîner avec eux, de travailler avec eux, de les entendre me proposer des idées sur certaines chansons. C’est plus rafraîchissant pour moi et j’imagine que pour l’auditeur c’est cool d’entendre d’autres voix que la mienne tout au long du disque.
Et pourquoi avoir choisi de les intégrer de cette manière, plutôt qu’avec des featurings plus traditionnels ?
J’ai toujours voulu faire des choses comme des duos ou une collaboration à proprement parler mais au moment où j’ai ouvert mon processus de création aux autres les morceaux étaient déjà plus ou moins dans leur forme finale et il n’y avait qu’une petite fenêtre pour des contre-mélodies ou des harmonies ou ce genre choses un peu furtives. C’est aussi simple que ça.
Pourquoi as-tu choisi de faire de ton disque le plus intime, ton album le plus ouvert vers l’extérieur ?
Je ne sais pas. Ça veut dire beaucoup pour moi. Je voulais vraiment faire quelque chose que les gens apprécieraient et partageraient plus que je ne pourrais jamais. Sans être intrusif (rires), j’aimais l’idée d’avoir ces fenêtres ouvertes vers les gens grâce à ma musique.
Propos recueillis par Théo Dubreuil
Album : Ricky Music (Domino Records)
{"type":"Banniere-Basse"}