L’acteur suédois disparu ce lundi laisse une filmographie d’une diversité et d’une envergure inégalée, allant de Star Wars à Ingmar Bergman. Retour en 15 vidéos sur une carrière qui couvre 70 ans de cinéma.
Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman (1957)
https://www.youtube.com/watch?v=f4yXBIigZbg
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Dans son premier rôle majeur, le futur alter ego d’Ingmar Bergman est un chevalier de retour des croisades, qui croise la mort sur une plage suédoise et lui propose une partie d’échecs, pour gagner un peu de temps et répondre à quelques questions métaphysiques. Tromper la mort et le passage du temps : Sydow, dont la carrière couvre plus de six décennies et dont le père était né en 1878, était en effet taillé pour ce rôle de prétendant à l’immortalité.
La Plus Grande Histoire jamais contée de George Stevens (1965)
https://www.youtube.com/watch?v=7dGMpYq53dI
Dans son tout premier film hors de Suède, Sydow incarne le Christ. Un choix qui semble aujourd’hui presque improbable quand on connaît la suite de sa carrière (qui se placera plutôt du côté des prêtres exorcistes, des sorciers, des méchants, et même du Diable dans Le Bazaar de l’Épouvante), mais qui confère à cette vision très dispendieusement produite du Nouveau testament une noirceur étrange et inhabituelle, comme en atteste cette scène du temple.
L’Heure du loup d’Ingmar Bergman (1966)
https://www.youtube.com/watch?v=gYbQRPxI9Z0
Le premier film que Sydow refait avec Bergman après avoir entamé sa carrière internationale. C’est aussi un des plus beaux et des plus tendus du cinéaste, qui y engage une violente introspection en laissant un couple à forte composante autofictionnelle (comme à ce qui est entre-temps devenu son habitude, Sydow joue son relais dans la fiction, face à son épouse IRL Liv Ullmann) s’entre-déchirer dans une île détachée du monde, dévoré par leurs propres cauchemars et angoisses.
La Lettre du Kremlin de John Huston (1970)
https://www.youtube.com/watch?v=WPZuBphbgXQ
Un film tardif de John Huston, où Sydow n’est pas le seul transfuge bergmanien (Bibi Andersson tient le premier rôle) et qui joue avec un caractère assez fantasque dans le paysage de l’espionnage post-nazi, ses intérieurs dorés et ses personnages hauts en couleur. Parmi eux, un Orson Welles en pleine rodomontade, devant la légende duquel le suédois semblerait presque en plein flanchage si ce n’était pas induit par le rôle.
Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack (1975)
Un autre très beau film d’espionnage, emblématique d’une faste décennie pour ce genre de thriller politique (où il fait figure d’opus plus mélancolique et sensible). L’acteur engagé en second choix après un refus de Lino Ventura est alors en pleine conquête américaine et commence à répéter un rôle de méchant (ici, un tueur à gages engagé par la CIA pour traquer Robert Redford) qui lui collera à la peau, en passant évidemment par la case James Bond (Jamais plus jamais).
L’Exorciste de William Friedkin (1975)
Le rôle le plus célèbre de Max von Sydow l’associe déjà à la vieillesse et à la spiritualité, d’ailleurs au-delà de ce que l’acteur dégage alors réellement (il n’a que 44 ans et doit passer un temps long en maquillage chaque matin pour prendre l’apparence du père Merrel). Le tournage de neuf mois est particulièrement difficile, du fait d’un Friedkin autoritaire qui impose notamment un froid glacial aux scènes d’exorcisme au point de vouloir voir la buée sortir de la bouche des acteurs.
Flash Gordon de Mike Hodges (1980)
Sans doute le vêtement le plus extravagant jamais porté par l’acteur, qui prouve dans le costume du légendaire empereur Ming qu’il n’a évidemment pas froid aux yeux. Le film est certes moins passé à la postérité que la B.O. de Queen, mais il permet à Sydow de démarrer la décennie en annonçant qu’il ne ratera pas le coche de la pop culture eighties (Conan le barbare suivra deux ans plus tard).
Hannah et ses sœurs de Woody Allen (1986)
Symboliquement, le coup est énorme : le fan de Bergman qu’est Allen (il l’a même singé plusieurs fois, notamment dans Intérieurs) ne peut pas voir en Sydow autre chose qu’une relique absolue du maître suédois. Seul interprète à avoir joué chez les deux cinéastes, il joue pourtant ici une partition presque insolemment allenienne, en vieux professeur obsédé par la Shoah, engoncé dans une relation avec une ex-étudiante (jouée par Barbara Hershey) pour qui il est devenu moins une présence amoureuse qu’un encombrant substitut paternel.
Europa de Lars von Trier (1991)
Dans le troisième et dernier volet de la trilogie de l’Europe, qui lance la carrière du très prometteur Lars von Trier, Sydow endosse le rôle uniquement vocal du narrateur. Le film raconte une histoire d’amour dans l’Allemagne anéantie de l’après-Seconde guerre mondiale. L’acteur prouve qu’il est très à l’affût des avant-gardes du cinéma, mais aussi qu’il connaît la première de ses forces : la voix.
Minority Report de Steven Spielberg (2002)
Après une décennie 90 un peu en retrait, Sydow tombe pour sa première et dernière collaboration avec Steven Spielberg sur un des films les plus bizarres de l’auteur de Jurassic Park, croisant énucléations, ingestion de pourriture et vertiges métaphysiques. Interrompu par la mort de Kubrick (dont Spielberg a repris et terminé le A.I.), le film se trouve lui-même volontiers kubrickien et le personnage de Sydow, grand marionnettiste de toute l’intrigue, emprunte son nom à l’écrivain d’Orange mécanique.
Le Scaphandre et le Papillon de Julian Schnabel (2007)
Bien qu’il ait fait la majeure partie de sa carrière en anglais, Sydow était remarquablement polyglotte (suédois, anglais, français, italien), et vivait en France, où il s’était marié (avec la documentariste Catherine Brelet) et dont il avait même obtenu la nationalité en 2002. Sa carrière francophone est pourtant réduite mais chère à son cœur, en particulier cette adaptation des mémoires de Jean-Dominique Bauby où il joue le père de Mathieu Amalric et partage avec lui cette scène très tendre. Il nous confiait en 2012 son affection pour le film.
Skyrim de Todd Howard/Bethesda Softworks (2011)
Presque dix ans avant les rôles de Mads Mikkelsen et Léa Seydoux chez Hideo Kojima (Death Stranding, 2019), Sydow est un des premiers grands acteurs à prêter sa voix à une œuvre vidéoludique. Il ne s’y trompe d’ailleurs pas en officiant pour ce qui restera un des chefs-d’œuvre de la décennie : le cinquième épisode de la saga Elder Scrolls, où son timbre d’outre-tombe s’accorde à merveille au personnage de l’archiviste Esbern.
Les Simpsons de Matt Groening, saison 25, épisode 15 (La Guerre de l’art) (2014)
https://www.youtube.com/watch?v=6vNPoZvrHyw
Dans la tradition des guest appearance des Simpsons, Sydow se voit évidemment affublé de son habit de grand artiste européen, en peintre faussaire à accent allemand et décor italien, enseignant à Lisa la supériorité des vertus de l’art du pastiche (on reconnaît dans son atelier des contrefaçons du Baiser de Klimt, de Christina’s World de Wyeth…) sur les vanités spéculatives des tableaux de maîtres.
Game of Thrones de David Benioff et D. B. Weiss, saison 6, épisode 15 (The Door) (2015)
Brièvement interprété par l’acteur Struan Rodger dans une scène de la saison 4, le rôle clé de la corneille à trois yeux revient finalement à Sydow dans cette saison 6 qui lui offre donc, comme à son habitude, une position de vieux sage aux confins métaphysiques de l’intrigue, mais aussi un énorme retour sur le devant de la scène : en annonçant coup sur coup sa participation à Game of Thrones et à Star Wars, l’acteur de 85 ans est au sommet du bankable.
Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la force de J. J. Abrams (2015)
https://www.youtube.com/watch?v=nuf4BQwuhos
Dans l’héritage de quelques coups de casting réalisés pour les trilogies précédentes et ayant placé Star Wars sous le parrainage de doyens de l’art dramatique en fin d’œuvre (Alec Guinness, Christopher Lee), Max von Sydow fait dans le premier épisode de la postlogie Abrams une courte apparition, mais très significative et anti-passéiste : sa première réplique (« this will begin to make things right ») et aussi la première de toute la nouvelle ère. D’aucuns l’ont volontiers interprétée comme une pique envoyée à George Lucas, mais en tout cas, à 85 ans, Max était encore en avance.
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