Le retour en Paca d’un jeune intellectuel franco-marocain. Attachant mais inégal.
Rien sur le papier n’empêchait Retour à Bollène d’être, par exemple, un bon film de Philippe Faucon : un travail de regard en prise avec un sujet sociétal, suivant une panoplie de visages inconnus de nos services à travers la réinterprétation d’un petit fragment du fait migratoire, capté dans ses détails, ses enjeux humains, moraux, son arbre de conséquences. En l’occurrence : le retour dans sa petite ville de Paca d’un cerveau issu de l’immigration marocaine, ayant échappé à son sort d’Arabe prolétaire français en réussissant loin d’ici, à Abu Dhabi, où son nom n’effrayait pas les recruteurs et où il s’est trouvé une fiancée américaine.
Il y en avait des choses à dire et on ne peut pas reprocher à Saïd Hamich (c’est son premier film – il a sinon collaboré ces dernières années à plusieurs petits coups de poing, Much Loved en tête) de ne pas les dire, si ce n’est justement qu’il les dit un peu trop, un peu trop fort, un peu trop exclusivement. Enchaînant les scènes sur un air de “effectivement celle-là, il la fallait” (le choc culturel sur sa consommation d’alcool, la retrouvaille amère avec un vieux mentor devenu raciste…), Retour à Bollène s’embourbe dans un traitement beaucoup trop littéral.
Il y a des qualités indéniables : Hamich sait filmer, caster (petite découverte que cet Anas El Baz à gueule cassée), juste un peu moins aérer, faire vivre, alléger le propos, s’égarant même parfois dans de sidérantes lourdeurs (“Ah, tu vas à Toulouse… la ville de Mohamed Merah !”). Sur la fin, dont on redoutait la mièvrerie, reconnaissons qu’il arrive à surprendre par le texte, concluant moins sur une réconciliation attendue avec l’origine que sur un adieu ambigu, assez complexe. Mais c’est bien là tout le problème : Hamich a profondément pensé son sujet, un peu moins son film.
Retour à Bollène de Saïd Hamich (Fr., Mar., 2018, 1 h 07)