En 1994, une adolescente meurt après une séance d’exorcisme. Une journaliste plonge dans une enquête spirituelle doublée d’une introspection familiale.
Lou Syrah est un pseudo. Mais à part son nom, la narratrice ne cache rien des troubles et tremblements qui ont rythmé sa vie de trentenaire. C’est même le cœur de cette enquête qui mêle l’intime au spirituel, l’histoire au fait divers.
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Née à Roubaix d’une mère catholique et d’un père musulman, athée par conviction bien que baptisée “en arabe dans une église”, Lou Syrah se souvient d’avoir été dès son plus jeune âge victime de somnambulisme et de terreurs nocturnes.
Elle, qu’on disait possédée par un démon et qui est morte des suites d’une séance d’exorcisme pratiquée par un imam en 1994
C’est l’une des raisons qui expliquent que l’autrice devenue adulte mais toujours sujette au cauchemar se soit penchée sur la tragédie de Louisa – cette jeune femme originaire de Roubaix, comme elle, qu’on disait possédée par un démon et qui est morte des suites d’une séance d’exorcisme pratiquée par un imam en 1994. Une autre raison remonte à 2015 et à la révélation, au détour d’une conversation banale avec sa mère, de l’exorcisme dont son père avait fait l’objet. Un tabou familial enfoui pendant près de deux décennies.
De cette double effraction surnaturelle dans son quotidien somnambulique, l’autrice va tirer une enquête passionnante sur la médecine prophétique, et notamment l’exorcisme musulman, méconnu en France.
Faire d’un diable deux
De la roqya charia, pratique radicale venue d’Arabie saoudite, responsable de la mort de la jeune Louisa, jusqu’à la hijama, saignée religieuse interdite mais pourtant pratiquée, l’autrice nous précipite dans un monde de sheitan et d’amulettes protectrices, d’incantations et de transe, de danse et de sacrifices d’animaux.
Syrah réfléchit à ces immuables tensions entre tradition et modernité, entre laïcité et spiritualité
Au fil de chapitres courts et haletants, Lou Syrah s’applique aussi à raconter le procès qui s’ouvrit après la mort de l’adolescente. “Après trois jours d’audience, la cour a pris le parti de considérer l’existence du diable comme acquise”, écrit l’autrice citant un reportage de Libération de l’époque.
Comme un écho à ce qui se jouait alors dans la cour d’assises du Nord, l’enquête de Syrah réfléchit à ces immuables tensions entre tradition et modernité, entre laïcité et spiritualité, entre modèles d’intégration des cultures et des peuples.
Louisa de Lou Syrah (Editions Goutte d’Or), 256 p., 17 €
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