Après « The Bloom Of Division », Yann le Razavet sort un deuxième album bien plus pop, mais aux chansons toujours aussi élégantes, mélancoliques et racées.
En 2015, on découvrait Yann Le Razavet avec The Bloom Of Division, album entièrement conçu à la lumière d’une lampe de chevet. Sous le nom de Marble Arch, le jeune musicien s’envolait alors assez loin du shoegaze tapageur de son premier groupe, Maria False, et livrait une flopée de titres à la nostalgie brumeuse, au lyrisme crépusculaire.
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The Bloom Of Division : mélancolie de chambre
« A ce moment là, je commençais à bosser dans une boîte d’architecte, vers St Brieuc. J’étais assez isolé et loin de tout le monde ; et je venais d’avoir un MacBook avec Garage Band dessus. Mes premières démos datent de cette période. Et comme je ne comprenais rien au mix etc, j’ai fait ça avec mes écouteurs, sans casque. C’est de là que vient le son du disque, il n’y avait aucune volonté de le faire sonner lo-fi. C’est juste sorti comme ça. »
L’album paraît donc en digital sur Bandcamp avant d’être repéré par deux pointures de l’underground français : les labels le Turc Mécanique et Requiem Pour Un Twister. S’il est évidemment très loin de le renier, le musicien semble avoir un peu de mal à considérer The Bloom Of Division comme un véritable album : « Ce n’était pas vraiment la démarche. J’ai enregistré ces chansons sans me dire que je faisais un disque, et au bout d’un moment je me suis simplement dit qu’il fallait que je les sorte quelque part. J’ai choisi un nom et voilà, mais le processus n’avait pas grand chose à voir avec celui du nouvel album ».
Cinq ans après, Marble Arch est donc de retour avec un disque au nom évocateur (et très joli, en passant) : Children Of The Slump. Si le fond reste forcément assez semblable à ce qu’on trouvait auparavant dans la musique de Yann, mélodies pastels et nostalgie solaire à la clé, un vrai virage pop commence à se faire ressentir dans la production.
Le virage pop de Children of The Slump
Les guitares, beaucoup plus claires, flirtent parfois avec les Strokes (Instant Love) ou la B.O. de Twin Peaks (Children of The Slump), et elles s’autorisent même quelques solos (sur l’aqueuse et très réussie Moonstruck). De son coté, la basse est devenue bien plus ronde qu’auparavant, tandis que la voix, toujours brumeuse, est rehaussée dans le mix, rendant les paroles plus compréhensibles : « J’ai voulu faire un effort de ce coté là, et Racha Belmehdi – ma copine – m’a beaucoup aidé, en écrivant une bonne moitié des paroles. The Bloom Of Division parlait principalement d’amour, et pour celui-ci, j’avais envie de quelque chose d’un peu plus…profond. D’où le titre, qui évoque les galères que connait notre génération. Sans pathos hein, mais pendant la conception du disque, la boîte d’archi dans laquelle je travaillais a dû se séparer de certaines personnes pour raisons économiques. Ça m’a forcément marqué ; c’était une période un peu bizarre parce que dans le même temps, Hedi Slimane me proposait des shootings pour Yves Saint Laurent… Bref, du coup les petits boulots que j’ai dû faire pour gagner ma vie ont forcément influencé ces chansons, et leurs ambiances ».
La crise économique et les petites galères, donc, mais aussi le 13e arrondissement parisien, où vit Yann. Souhaitant faire un clin d’oeil à l’endroit à travers la pochette du disque, et après des semaines de réflexion et de tentatives échouées au pied des buildings de son quartier, le musicien s’arrête un jour devant une voiture qu’il croise tous les matins en allant au boulot. La lumière d’un coucher de soleil se reflète sur la carrosserie de cette Mercedes rafistolée ; il pose un bouquet de fleurs dessus, prend des photos, et se rend compte qu’il tient enfin l’illustration du disque : « Je marche beaucoup avec les couleurs. J’ai toujours adoré les pastels de fin de journée, qui se reflètent sur les immeubles du 13e. Je sais que beaucoup d’albums ont des fleurs sur leurs pochettes mais là avec cette voiture, je ne sais pas, ça a tout de suite marché ».
Effectivement, ça marche. La transition entre la sincérité brute d’un premier album et la conception d’un deuxième disque plus abouti peut être assez compliquée à gérer ; et force est de constater que Marble Arch a réussi à sauter le pas d’une très jolie manière. Si les influences du musicien (Deerhunter, Toy, Porches…) se ressentent tout au long de l’album, celui-ci réussit à s’en extraire grâce à une personnalité assez marquée.
Racé, d’une élégance et d’une finesse plutôt rares en France, Children Of The Slump est définitivement un très bon disque, et même en creusant dans les tréfonds de notre esprit critique, on ne trouve pas grand-chose à lui reprocher. Ne nous reste donc plus qu’à attendre de voir comment résonneront ces morceaux en live (et, désormais, en groupe), lors de la release party du 26 mars au Point Ephémère ; ou bien au détour d’une tournée qui serait actuellement en préparation.
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