Jeune cinéaste passé par le documentaire, Ilan Klipper fait voler le réel en éclat en plongeant dans le cerveau et l’appartement d’un écrivain au bord de la folie. Une comédie loufoque et enlevée montrée à l’ACID en mai 2017.
Une façon de reconnaitre les bons cinéastes, ce peut être de voir leur rapport à la folie. Il y a ceux qui délirent avec les fous, qui les croient, et nous entrainent, spectateurs, dans leur croyance ; et puis il y a les autres, les mesquins, les réacs, ceux qui n’ont pas trouvé mieux pour occuper leur temps que de dénoncer la folie, de lui rabattre son clapet… Ilan Klipper appartient heureusement à la première catégorie. Le ciel étoilé au dessus de ma tête, son premier long-métrage de fiction, montré à l’ACID, fait suite, thématiquement et esthétiquement, à un beau court-métrage (Juke Box, avec Christophe) et à une poignée de documentaires (dont Sainte-Anne, sur l’institution psychiatrique ; et Commissariat, sur l’institution psycho-policière, coréalisé avec Virgil Vernier). On y passe une nuit et un jour avec un fou, mais pas n’importe lequel : un professionnel, un écrivain. Il est joué par Laurent Poitrenaux, prodigieusement drôle, qu’on avait déjà adoré en écrivain dans Victoria de Justine Triet.
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Une antre de la folie où le réel se plie aux injonctions de la fiction
Ici ses proches, amis, familles, débarquent chez lui pour lui imposer une « intervention » : c’est-à-dire le présenter à une psy (Camille Chamoux, très touchante), qui va estimer s’il faut l’interner de force ou non. La caméra de Klipper, à la fois bordélique et précise, ne sortira pratiquement pas de cet appartement, qui est aussi la matérialisation du cerveau en ébullition de son occupant : une antre de la folie, pour citer un autre film (de Carpenter) où le réel se pliait aux injonctions de l’écriture. En effet, peu à peu, on ne sait plus très bien ce qui retourne du présent, du passé, du futur, du réel, de la fiction… Ce schème vieux comme le monde (et comme la folie, et comme l’art), Klipper se l’approprie brillamment grâce à une écriture comique enlevée, et à son sens de la morale, faisant écho à la fameuse citation de Kant, qui lui a inspiré son titre : ”deux choses remplissent le coeur de crainte et d’admiration, le ciel étoilé au-dessus de moi, et la loi morale en moi”.
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Le ciel étoile au dessus de ma tête d’Ilan Klipper, (1h17), en salle le 23 mai 2018
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