La chanteuse Brésilienne nous livre sa troisième odyssée musicale, « Encantações », entre folk-rock et psychédélisme. Rencontre, critique et écoute.
Le titre du troisième album de la Brésilienne Renata Rosa, Encantações, se traduit par “Enchantements”. Les non-lusophones que nous sommes avions cru qu’Encantações signifiait “Incantations”, et que le tilde sur le “o” était le meilleur moyen de résumer la voix par ailleurs indescriptible de Renata Rosa – une voix intense, légère, qui ondule et vole comme une braise dans la nuit.
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C’est une musique mystérieuse et pourtant familière, venue des campagnes du nord-est brésilien et du fond des temps. Des tourneries de violon et de percussions, les draperies cristallines d’une guitare à dix cordes, des polyphonies vocales complexes et fluides, qui s’élèvent en volutes comme les flammes d’un grand feu de joie, une forme de musique acoustique ésotérique ou pré-psychédélique, musique à se laisser danser dans une brèche spatio-temporelle élastique, initiée chez les indigènes du Brésil mais avec le souvenir de l’Occitanie ou des déserts nord-africains, et l’avenir devant elle.
Des rencontres chamaniques
Renata Rosa est pourtant une fille de la ville. Elle est née et a grandi à São Paulo. Mais à l’école, elle était la seule à savoir traire une vache et monter à cheval. Sa famille venait du Nord, de la province de Minas Gerais. Dans son quartier de São Paulo, où vivaient beaucoup d’Indiens venus du nord du pays, son père, avocat, poète et musicien, poursuivait la tradition nordestine de la poésie musicale improvisée.
Adolescente, Renata Rosa assiste, tourneboulée, à un rituel chamanique. Et elle est peut-être la seule à l’avoir vécu comme le début d’un chemin de vie.
“A 16 ans, j’ai rencontré des Indiens Kariri-Xocó à la campagne, et tous les ans en juillet je rejoignais leur tribu. J’ai appris à me glisser dans leurs chants polyphoniques. Pendant ces rencontres chamaniques, des choses très fortes se sont passées pour moi. La musique n’était qu’une partie de l’expérience, j’y allais aussi pour vivre, nager dans la rivière, me faire des amis.”
Plus tard, tout en étudiant la musique à l’université, elle se rend dans l’Etat de Pernambouc pour apprendre à jouer du rebec, un violon traditionnel né au Maghreb et arrivé au Brésil, il y a une poignée de siècles, avec les premiers colons portugais.
Mélanger la musique classique et la musique populaire
Encantações est donc son troisième album, et le premier à sortir sur un label français. Renata Rosa connaît bien la France, elle a écumé les festivals et collaboré avec Emily Loizeau et les Occitans de Lo Còr De La Plana. Sur scène, accoutrée comme une gitane romantique, comme sur la pochette du disque, Renata Rosa est de toute évidence adepte des odyssées musicales, à l’écart des routes trop fréquentées et balisées.
“Je précise qu’au Brésil la musique traditionnelle n’est pas figée, elle est en constante transformation. Tu me dis que ma musique est psychédélique, alors que je ne connais pas le folk-rock psychédélique, je suis incapable de citer un morceau. On m’a aussi dit, à ma grande surprise, que je mélangeais la musique classique et la musique populaire.… Chacun entend ce qu’il veut, avec ses références. Je suis aussi nourrie d’influences inconscientes. J’utilise beaucoup les formes poétiques et les bases rythmiques traditionnelles pour construire mes chansons, mais je suis aussi ouverte à tout ce qui peut arriver. J’écoute des musiques de beaucoup de pays, et aussi du jazz. J’ai aussi beaucoup écouté Queen. D’ailleurs, c’est amusant, à un moment, pendant l’enregistrement de l’album, l’ingénieur du son, qui ne connaît pas la musique traditionnelle brésilienne, m’a dit : ‘Mais ça, ça sonne comme Bohemian Rhapsody !”
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