Cette année, les Inrocks Festival ont pris l’avenir pour thème fédérateur. Rendez-vous le samedi 7 mars avec une table ronde consacrée aux imaginaires pluriels face à la crise, avec les artistes Matthias Garcia, Salomé Chatriot & Samuel Fasse et le philosophe Mark Alizart. Entrée libre à la Gaîté Lyrique, à Paris !
Le bouleversement climatique est l’horizon insurpassable de l’art des années 2020. Non pas forcément parce qu’il s’agirait d’un sujet explicite, mais parce que sa présence infiltre la conscience d’une époque : ses yeux, ses synapses, ses concepts et ses affects. L’époque est dos au mur, acculée au changement, forcée de se défaire de ses anciennes habitudes et de sa tranquille perpétuation de l’histoire. La crise, elle, n’en est une que si l’on décide de la considérer comme telle, au sens où catastrophisme sclérosant n’entraîne souvent rien d’autre qu’une complaisance dans un imaginaire postapocalyptique de la fin.
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Ni utopie, ni dystopie : pluraliser les imaginaires
Comment renverser alors les termes, et faire du changement inéluctable déjà en cours, le point de départ d’une nouvelle ère ? Cela passe, en grande partie, par un renouvellement de la faculté d’imagination, celle-là même qu’on a si longtemps déclarée en panne, face à l’impossibilité d’inventer des alternatives à la pesanteur du donné. Cela passe alors aussi, logiquement, par une confiance renouvelée accordée aux artistes, à leur faculté d’inventer des univers alternatifs. Si l’on constate, dans le champ de la fiction, l’essor de la « climate fiction », l’art contemporain semble à nouveau rentré dans une phase d’ébullition – ou peut-être est-ce simplement que l’on se décide désormais à lui accorder une attention plus fine.
Chez les jeunes artistes les plus finement en phase avec leur époque, la création de mondes alternatifs se distingue des utopies ou des dystopies de leurs aînés. Plutôt que de tenter d’imprimer une coloration positive ou négative, de se lancer dans un commentaire de ce qui est là, ils prennent tout simplement la tangente, et délimitent de manière convaincante un autre possible. Non pas parce qu’ils pensent que ce serait là l’unique, le probable ou le certain, l’évolution ou l’avenir du monde actuel. Mais plutôt parce que face à l’incertitude radicale, toutes les alternatives sont possibles, la seule certitude étant l’horizon du changement.
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Brosser les contours d’univers alternatifs
Alors, les artistes créent des univers imaginaires, développent des matériaux mutants, dépeignent des vivants hybrides. Les émotions qu’ils traduisent sont ambiguës, puisqu’il faut à nouveau réapprendre à s’orienter, sans réflexes préalables. Ainsi, les peintures et dessins de Matthias Garcia mêlent l’univers naïf de l’enfance et des contes de fées à une constante menace de cauchemar. Ses paysages sont à la fois luxuriants et contaminés, peuplés de filles-fleurs délétères et de sirènes-naïades toxiques. Etudiant en cinquième année aux Beaux-Arts de Paris, il expose actuellement dans le cadre de l’exposition Abbieannian Novlangue à la Galerie Sultana, à Paris.
De leur côté, le duo Salomé Chatriot & Samuel Fasse imaginent un monde total au fil d’installations et de performances. Souvent interactives, réagissant à la présence du spectateur, leurs œuvres reflètent des corps vulnérables façonnés, et surtout modelés, par leur alliance inextricable avec la technologie. Ces “corps synthétiques” fournissaient d’ailleurs le point de départ de leur collaboration avec la performance Synthetic Bodies présente à l’été 2018 à la galerie Charraudeau, à Paris, dans le cadre de l’exposition Spaced in Lost. L’ambition de créer un monde total, un écosystème physique et numérique ouvert à l’inclusion de collaborations, se poursuit désormais au fil de leurs expositions, conçues comme autant d’étapes du projet nommé Big World.
La rhétorique de la crise, gagnants et perdants
Faire confiance à l’imagination, cependant, ne va pas de soi. Déjà la crise climatique est devenue un sujet d’expositions et de publications, dont la plupart, cependant, traduisent le refus d’abandonner les certitudes. Plutôt que d’envisager une refonte de la société dans son ensemble, la solution la plus facile à court terme, tout autant qu’elle se révèle stérile à long terme, consiste à s’engouffrer dans la rhétorique de la fin déjà évoquée : s’y complaire certes, mais également déplorer la perte d’une nature éternelle ou d’un âge d’or révolu. D’un point de vue esthétique, cela se traduit alors par des écosytèmes organiques en putréfaction, par des ruines technofuturistes ou encore le retour de techniques artisanales, caressant la chimère d’une époque où la révolution industrielle ne serait pas encore advenue.
Or cette rhétorique n’est pas seulement inutile face au bouleversement qu’elle refuse de regarder en face, elle ignore également une manipulation politique plus sournoise. “Il n’y a pas de crise climatique. Il y a une volonté politique que le climat soit en crise”, déclare ainsi le philosophe Mark Alizart dans son dernier livre Le Coup d’état climatique, paru fin février. Ancien programmateur culturel du Centre Pompidou (2001-2006) puis co-directeur du Palais de Tokyo (2006-2011), il est l’auteur d’une oeuvre éclectique où se rencontrent et s’allient les différentes facettes du monde contemporain, proche des penseurs de ce que l’on appelle parfois la « pop philosophie ».
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Après Pop théologie (2015), Informatique Céleste (2017), Chiens (2018) ou Cryptocommunisme (2019), Le Coup d’état climatique dénonce les positions collapsologues et les théories d’effondrement intéressées des gouvernements et tente au contraire d’envisager les conditions d’une révolution qu’il nomme alors “écosocialiste”.
Talk “Quels paysages visuels face à la crise climatique ?”, avec Matthias Garcia, Salomé Chatriot & Samuel Fasse et Mark Alizart, le 7 mars à 20h15 à la Gaîté Lyrique, dans le cadre des Inrocks Festival 2020, entrée libre. Pour réserver, c’est ICI !
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