Dans un cabaret napolitain des années 1930, travestis et divas gouailleuses se disputent la tête d’affiche. Avec Eden Teatro, Alfredo Arias rend à nouveau hommage au dramaturge Raffaele Viviani.
La condition d’auteur populaire n’a rien d’une sinécure, si l’on en croit le prologue d’Eden Teatro où Alfredo Arias commence par donner la parole à son dramaturge, le Napolitain Raffaele Viviani (1888-1950). C’est en 1935 que celui-ci se fend d’un billet d’humeur pour épingler l’hystérie de ses rapports avec une troupe qui le presse de se renouveler pour continuer d’alimenter les désirs d’un public toujours avide de nouveauté.
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En témoigne cet extrait du morceau de bravoure qui lance avec humour la pièce sur ses rails : “L’écrivain se rebelle, le directeur de troupe le saisit par les cheveux, pousse sa tête contre la table et crie : ‘Ecris, car si tu n’écris pas, l’entreprise fait faillite, ton répertoire le public le sait par cœur ! De toi, on attend du beau et du neuf ! Si tu n’écris pas de belles choses, les caisses se vident !”
Bijou du théâtre napolitain
S’identifiant à la situation de son auteur placé dos au mur, c’est dans la plus jubilatoire des urgences qu’Alfredo Arias remet sur le métier ce petit bijou fantasque du patrimoine théâtral napolitain pour nous entraîner avec maestria dans les coulisses d’un café-concert hors d’âge où la cruauté d’exister devient un prétexte à toutes les fantaisies.
“Le music-hall raconté par Viviani est la corde raide où s’exprime la fragilité de l’être humain, précise le metteur en scène argentin. Rien n’est plus captivant que le monde de ces divas de l’Eden Teatro au bord du gouffre, qui se disputent une misérable survie sur l’affiche et sur les planches d’un théâtre qui est le dernier espoir d’un monde ou carrément l’expression de la fin d’un monde. Viviani surprend ses créatures dans les difficultés les plus absurdes, les plus dérisoires de leur existence, réveillant en nous, spectateurs, un amour pour un art qui s’évapore, consumé par sa propre légèreté.”
Chansons lestes pour travestis extravagants
Alfredo Arias a choisit de s’entourer des meilleurs. Collaboratrice de Deborah Warner et de Peter Brook pour Le Mahabharata, c’est Chloé Obolensky qui signe les décors. Quand aux costumes, somptueux, ils sont l’œuvre de Maurizio Millenotti, le costumier de Federico Fellini pour E la nave va et La Voce della luna.
Tous impeccables, les acteurs de la troupe du Teatro Stabile de Naples témoignent avec un plaisir communicatif de cette partition qui fait d’eux des artistes prêts à tout et des travestis extravagants. Chansons lestes et numéros dansés rendent compte d’un paradis perdu qui s’arrange de ses allures d’enfer voué au stupre et à la fornication dans une débauche de strass. Le grand retour des plaisirs oubliés d’un “charme apache” à la sauce napolitaine.
Eden Teatro de Raffaele Viviani, mise en scène Alfredo Arias, avec la troupe du Teatro Stabile di Napoli-Teatro Nazionale, en italien surtitré. Du 24 au 29 mai , Théâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet, Paris IXe
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