Dix disques pour découvrir et redécouvrir les artistes africains, qui seront nombreux dans les jours qui viennent à enflammer les scènes parisiennes.
Bassekou Kouyaté, Ba Power
Deux ans après la sortie de Jama Ko, chef-d’œuvre qui a imposé son N’goni Ba comme l’une des formations les plus excitantes de la planète, Bassekou Kouyaté revient avec un concentré de rock toujours plus puissant et un son plus étoffé, conséquence de sa signature sur le label Glitterbeat. Passé au filtre de la wah wah, saturé, parfois soutenu par des cuivres et une batterie, le n’goni, heureusement, n’a rien perdu de sa vitalité et ne cesse plus d’exulter. Titre après titre, les jaillissements mélodiques se succèdent dans une euphorie permanente. Aujourd’hui comme hier, Bassekou demeure unique. Pour le concert du 20 mai au New Morning, un seul mot d’ordre, donc : Ba power !
Tal National, Zoy Zoy
Très populaire au Niger, qu’il a sillonné en tous sens pour d’innombrables concerts, Tal National unit dans une même énergie plusieurs traditions de l’immensité sahélienne. Enregistré à Niamey, Zoy Zoy capte à la source son incroyable puissance de cet orchestre au line-up mouvant, le tremblement croisé des guitares, le chant propulsé dans les airs par les chœurs, la batterie frappée comme à la forge, la lumière blanche des rues surchauffées et ce mystère de l’électricité ensorceleuse qui rapproche les corps pour les entrechoquer dans d’inextricables frénésies. Un disque étourdissant, chargé comme une liqueur trop forte prise cul-sec en plein midi africain, mais dont l’ivresse se goûte avec un ravissement prolongé.
Mbongwana Star, From Kinshasa
En direct de Kinshasa la chaude, imprévisible capitale du Congo, redoutable surtout la nuit, quand l’infirmité conduit à la misère et la misère au désespoir, sauf à se bricoler coûte que coûte des instruments de fortune – et c’est ainsi que Coco Yakala Ngambali et Théo Nzonza se sont retrouvés au cœur de l’aventure du Staff Benda Bilili. Le groupe n’est plus, mais les deux compères se sont trouvés de nouveaux lieutenants et un associé, le producteur Doctor L, pour expérimenter sous le nom de Mbongwana Star une musique sans attache, épileptique et givrée, guidée par une tension nerveuse jamais résolue et qui se révèle furieusement contagieuse. Impossible à manquer, le 25 mai au Cabaret Sauvage.
Bamba Wassoulou Groove, Farima
Fondé par le percussionniste Bamba Diabaté, ancien membre du Super Djata Band, fantastique machine à groover du Mali des années 80, le Bamba Wassoulou Groove poursuit dans la même veine en croisant funk sorcier et pulsation bambara dans un album tout de chaleur et de souplesse, enlacé de superbes parties de guitare et soulevé par le chant généreux d’Ousmane Diakité. Dans son registre, festif et dansant, mais qui ne sacrifie rien à la subtilité, Farima frôle la perfection. Autant dire qu’on attend beaucoup du concert au Cabaret Sauvage, le 25 mai.
https://www.youtube.com/watch?v=kBmeyrklpFk
King Ayisoba, Wicked Leaders
Au premier abord, la musique de King Ayisoba peut inspirer cette sorte de frayeur que communiquent les albums de free jazz les plus débridés. La voix grince et nasille au milieu d’une étrange cohue de percussions et cordes trouée par les appels discordants d’une trompe de chasse, d’une clarinette en roue libre ou d’une flûte suraiguë. Ce chaos apparent s’apprivoise pourtant, et l’on ressent alors le pouvoir fascinant des diatribes du punk-sorcier ghanéen en rébellion contre les élites corrompues et leurs politiques assassines.
Terakaft, Ténéré (Alone)
Pour le meilleur et parfois pour le pire, les musiciens touaregs sont avides de collaborations avec les producteurs anglo-saxons. En confiant leurs mélopées à Justin Adams, guitariste de Robert Plant, membre fondateur de Juju et amoureux authentique de la musique saharienne, Terakaft a vu juste. Cette seconde collaboration en studio met l’accent sur la circularité métrique qui appelle à la danse et sur les magnifiques guitares lourdes d’orages contenus de Liya ag Ablil et Sanou ag Ahmed. La mélancolie du blues des dunes s’évapore alors au bénéfice d’un rock musculeux qui atteste d’une résistance inamovible.
Pat Thomas, Kwashibu Area band
Vétéran du highlife ghanéen des années 70 et 80, complice de longue date de pointures comme Ebo Taylor et Tony Allen, toujours à ses côtés dans ce nouvel album, Pat Thomas n’a jamais renoncé à son genre de prédilection, quand bien même beaucoup le croyaient définitivement supplanté par l’afrobeat nigérian. Le temps lui a donné raison, comme le démontre ce disque impeccable, enregistré à l’ancienne pour imprimer le plus fidèlement possible le moelleux de la voix, la finesse des polyrythmies et ce balancement irrésolu entre joie et nostalgie si caractéristique du highlife. A paraître le 16 juin.
Alune Wade & Harold López-Nussa, Havana – Paris – Dakar
Entre l’Afrique de l’Ouest et Cuba s’est institué au fil des décennies un flirt au long cours à l’origine d’une infinité de métissages musicaux. En partant à la rencontre du pianiste Harold López-Nussa, le chanteur et bassiste sénégalais Alune Wade a souhaité rendre hommage à cette histoire d’amour pudique et passionnelle, il s’est plu à chanter “Inch Allah” sur un rythme de guajira, à tourner en rumba le tube de châabi Yarahya et en salsa le Sénégal d’Ouza Diallo sans jamais perdre en route ses manières africaines. Havana – Paris – Dakar évoque ainsi un continent afro-latin mythique, comme un mirage enchanteur planté au beau milieu de l’Atlantique. A retrouver en concert, le 26 mai au New Morning.
Ballou Canta, Boboto
Récemment aperçu aux côtés de Fredy Massamba et Ray Lema dans Nzimbu ou parmi les ambianceurs de Black Bazar, Ballou Canta est l’une des grandes voix de la rumba congolaise. Une voix en or, donc, dont la suavité et l’élégance supportent un art de vivre que l’on nomme “boboto” en lingala, terme qui donne son titre à cet album solo. Bénéficiant des arrangements et de la touche caraïbe apportés par le pianiste martiniquais Hervé Celcal, les chansons de Ballou sont marquées d’une légèreté que rien n’altère, pas même leur désuétude passagère. En toute modestie, elles touchent à l’essentiel : le bonheur de vivre. A goûter sans retenue, le 27 mai au New Morning.
Les Frères Smith, Free to Go
Si l’Afrique vibre au cœur de Paris, c’est grâce à des formations aussi captivantes que les Frères Smith, collectif qui s’est voué corps et âme à l’afrobeat pour sortir la capitale de sa torpeur et l’entraîner dans des déluges de cuivres, percussions et orgues 70’s. Loin d’être scolaire, l’afro-funk survitaminé de ces frères en musique percute les estomacs dans un album parfaitement huilé qui envoie gentiment promener les clichés surannés sur la nécessité, pour qui veut groover, d’appartenir à tel ou tel terroir : Paris, c’est encore l’Afrique, et voilà tout.
https://www.youtube.com/watch?v=9rFGguIgJpE