Comme Liz Phair avant elle, Stella Donnelly a deux ou trois choses à dire aux porcs de tout poil. Mais fredonne sa colère sur un ton guilleret, presque insolent.
Ne vous fiez surtout pas à sa pop parfois sucrée, encore moins à son sourire : Stella Donnelly est en guerre. “Je déteste le patriarcat, explique-t-elle entre deux éclats de rire. Je déteste les hommes comme Harvey Weinstein, qui utilisent leur pouvoir pour exploiter des femmes plus jeunes, et parfois aussi d’autres hommes.” Ce côté effronté lui a valu quelques désagréments. Il y a deux ans, dans l’anonymat de la côte ouest australienne, elle publie une poignée de morceaux alors que le mouvement de libération de la parole des femmes explose.
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Boys Will Be Boys
Le monde se cherche un hymne, Stella Donnelly le lui offre avec Boys Will Be Boys. La chanson, violente charge contre la culture du viol, fera le tour du globe – draguant avec elle son lot d’insultes et de menaces de mort contre la jeune femme. “Sur les réseaux sociaux, des types m’envoient des photos de leur bite pour m’intimider. Mais cela ne fait que prouver que j’ai visé juste et me donne envie de continuer.”
Le premier album de l’Australienne ne donne, en effet, pas trop raison à la bande de pervers qui s’est mis en tête de la faire taire. Dès le titre inaugural Old Man, Stella Donnelly reprend le combat là où elle l’avait laissé.
Mais pour ce second round, la chanteuse s’est trouvé de nouvelles armes. Toujours aussi truculentes quand il s’agit de raconter des histoires de harcèlement plutôt glauques (“Ta personnalité ne compte plus quand tu mets ta bite sous le nez de quelqu’un d’autre”, lâche-t-elle sur Old Man, ou encore, au sujet de son ancien patron, du temps où elle était serveuse : “Tu te masturbes en regardant la caméra de surveillance pendant que je sers des pintes de bière”, sur U Owe Me), les chansons de la jeune femme de 26 ans se font plus variées.
Furieuse
Terminée, l’époque où son groupe se résumait à sa guitare Fender et une unique pédale d’effet. “Pour cet album, j’ai enfin pu payer mes amis pour qu’ils jouent avec moi”, plaisante-t-elle. Fan de l’épure de Jeff Buckley et Billy Bragg, Stella Donnelly s’offre un réjouissant détour par la pop britannique de The Sundays (Season’s Greetings, Tricks, Watching Telly) et de Cocteau Twins (Bistro, Die). “J’ai le sentiment que ce disque capture davantage ma personnalité, mon énergie. Je voulais me présenter au monde telle que je suis : une personne qui a de bonnes journées et d’autres moins bonnes. Des jours aussi où je suis furieuse.” Loin de diluer son propos, le résultat est plus insidieux – on fait moins attention au venin quand il a le goût d’un bonbon.
Beware of the Dogs est un bel album sur un monde en transition. “As-tu peur de moi, vieil homme ? De ce que je pourrais te faire ? Tu m’attrapes avec ta main, le monde t’attrape en retour”, chante-t-elle toujours sur Old Man, preuve que, depuis fin 2016, les choses ont commencé à changer. “Des gens qui n’avaient jusque-là jamais eu à réfléchir à leurs privilèges, leur pouvoir, en prennent dorénavant conscience, veut croire Stella Donnelly. Pourtant, j’ai souhaité remettre Boys Will Be Boys sur le disque parce que ce message a encore besoin de passer. Pas mal de gens connaissnt la chanson, mais encore plus ne l’ont jamais entendue. Peut-être que je la remettrai aussi sur mon prochain disque, et ce jusqu’à ce que je pense ne plus en avoir besoin.”
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