Baignée de science-fiction et malgré quelques disparités, Love, Death & Robots impose son foisonnement artistique.
En 2003, les Wachowski lançaient dans le sillage des deux derniers opus de la saga “Matrix”, une série de courts métrages d’animation ayant pour ambition d’élargir les frontières fictionnelles de la trilogie canonique. Fruit d’une collaboration internationale entre des sociétés de production et d’animation américano-japonaises, The Animatrix investissait le terrain alors émergeant de la narration transmédia pour décliner en une forme mutante et composite (où chaque court métrage bénéficiait d’une direction artistique lui étant propre), les thèmes fourmillants défrichés par les films. Le résultat, passionnant quoique inégal, est certainement ce qui se rapproche le plus de Love, Death & Robots, ovni sériel fraîchement débarqué sur Netflix, imaginé par Tim Miller (Deadpool) et produit par David Fincher.https://youtu.be/7kQsA-jAJck
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A l’instar de son aînée, Love, Death & Robots est moins une série animée qu’un assemblage hétérogène de courts métrages aux techniques d’animation parfois diamétralement opposées, où l’on passe sans préavis d’images de synthèse photoréalistes à un dessin animé aux traits enfantins trompeurs. Mais là où les courts métrages de The Animatrix avaient pour socle commun l’univers à deux niveaux de réalité créé par les Wachowski, Love, Death & Robots – dont le titre nébuleux est néanmoins programmatique – envisage ses dix-huit épisodes comme autant de variations sur les thèmes protéiformes investis par la science-fiction, et le miroir à peine déformant qu’ils tendent sur notre époque mutagène.
De la science-fiction pour interroger le devenir
Intelligence artificielle, transhumanisme, robotique, dérives eugénistes, voyages temporels… Love, Death & Robots balaie tout le spectre thématique de la SF pour interroger le devenir (voire l’anéantissement) de notre humanité à l’aune des grands bouleversements ontologiques qui la guettent, et qu’entrevoie notre époque trouble. Cette profusion de thèmes épouse la forme hybride de la série, dont les dix-huit épisodes unitaires ont ceci de commun qu’ils sont parfaitement différents, tirant bénéfice du large éventail de techniques qu’offre l’animation.
Les six épisodes que nous avons pu voir, d’une durée de cinq à quinze minutes, donnent la mesure des grands écarts à l’œuvre. On passe ainsi d’un court métrage en images de synthèse hyperréalistes dans lequel l’équipage d’un vaisseau perdu dans l’espace est condamné à vivre dans un état de cryogénisation perpétuel, à une fable philosophique rigolarde racontant comment des yaourts doués de parole prennent le contrôle de la Terre. On découvre une application révolutionnaire permettant de simuler des mondes parallèles selon le destin qu’on réserve à Hitler, avant de partir dans une course-poursuite hallucinatoire dans les travées d’une mégalopole futuriste.
Bouillonnement artistique pour un public averti
Cette approche singulière, qui brasse des genres multiples, voire contraires, et qu’accompagne une direction artistique tout aussi versatile, constitue à la fois la force et la faiblesse de Love, Death & Robots. S’il est grisant de passer du sérieux papal d’un space opera schizophrène aux déambulations comiques de trois robots farceurs dans les décombres d’une Terre dépeuplée (l’un d’eux y prend des selfies avec les cadavres calcinés de nos malheureux congénères), le dispositif de la série occasionne quelques frustrations, un épisode pouvant nous apparaître terne à la faveur du précédent, et inversement. Mais le formidable bouillonnement artistique présidant à sa création fait de Love… une série fascinante, convoquant les talents conjugués de plusieurs studios d’animation à travers le globe. Et ce en dépit de la fortune inégale de ces six premiers épisodes.
Comme nous l’a martelé sa campagne promotionnelle un brin volontariste, Love… se destine à un public adulte, et se prévaut parfois de ce label ronflant pour mettre de la violence et du cul à toutes les sauces. Le premier épisode (le moins convaincant des six à notre disposition) est à cet égard franchement putassier, nous faisant passer d’un combat de créatures génétiquement modifiées dosé en hémoglobine, à une scène de sexe lesbien à l’enjeu dramatique fumeux. Au traitement licencieux et faussement subversif réservé à certains courts métrages (bénéficiant souvent d’images de synthèse photoréalistes), on préfère la veine conceptuelle d’épisodes plus légers (et souvent plus audacieux graphiquement) défrichant des manières retorses d’aborder les périls qui guettent l’humanité. A savoir de quel côté penchera la balance au terme des douze épisodes qu’il nous reste à voir. Quoi qu’il en soit, on les décortiquera avec intérêt.
Love, Death & Robots de Tim Miller. Sur Netflix
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