Cette série documentaire au storytelling maîtrisé célèbre la lose sportive et dresse le portrait de huit athlètes qui ont su rebondir après des épreuves singulières.
L’Histoire, dit-on, est écrite par les vainqueurs. Mais aux vainqueurs sans éclat, l’histoire du sport oppose bien souvent ses losers magnifiques. Ses presque champions et ses éternels seconds, leurs mauvaises fortunes et leurs bons cœurs, leurs breloques bronzées ou argentées qui jamais ne se voient plaquées d’or. Au podium du panache, le premier est bien souvent second, et la défaite triomphale, une bien plus belle victoire encore.https://youtu.be/909qosDbalU
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C’est du moins l’impression que nous laisse la bien nommée Losers, série documentaire Netflix qui radiographie en huit épisodes autant de déconvenues sportives. Il y a bien sûr les larmes et la colère, l’amertume foudroyante d’être passé tout près et le tutoiement des étoiles pour mieux se cramer les ailes. Mais comme l’inculquait l’avisé Alfred au jeune Bruce Wayne : “Si nous tombons, c’est pour mieux nous relever.”
L’extraordinaire dramaturgie du sport
Pas d’homme chauve-souris dans Losers ni de citations tirées d’un manuel de développement personnel, mais, entre autres, un boxeur repenti (Michael Bentt), devenu malgré lui champion du monde poids lourds, qu’un combat de trop écarte tragiquement du ring. Au terme d’une carrière qu’il n’a jamais voulue, et qu’un père violent lui a imposée, Bentt trouve dans l’écriture d’un livre en forme d’autoanalyse un salut inespéré, et devient le second couteau récurrent de films de boxe hollywoodiens. Il y a aussi Surya Bonaly, patineuse artistique franco-américaine à la technique inégalée, ayant contre elle le fait d’être noire dans une discipline terriblement normative, où la favorite du jury est une poupée gracile, invariablement caucasienne. Il y a encore Jack Ryan, basketteur prolo champion des terrains de bitume de Brooklyn, qu’une hygiène de vie déplorable et un tempérament incandescent empêchent de passer pro.
Mais le sel véritable de Losers réside dans la façon dont la série s’approprie l’extraordinaire dramaturgie du sport à la faveur d’échecs retentissants. L’épopée rocambolesque de Torquay United, petit club de foot anglais de cinquième division qui joue chaque saison sa survie devant un parterre de supporteurs en fusion, n’a d’égale que le match de curling, aux allures de fresque homérique sur glace, qui oppose deux provinces canadiennes dans une finale paroxystique.
Rendre une partie de curling – dont le joueur type y est décrit comme un amateur de bière ventripotent et moustachu – aussi palpitante que le climax d’un blockbuster hollywoodien est l’une des forces de Losers, dont les huit épisodes, bien qu’inégaux, bénéficient d’un storytelling ultra efficace, où se mêlent images d’archives, interviews face caméra et reconstitutions d’épreuves sportives en dessins animés à la ligne claire réussie. Perdre n’a jamais été aussi savoureux.
Losers de Mickey Duzyj. Sur Netflix
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