À l’occasion de la sortie du film Dark Waters de Todd Haynes, retour sur ces longs-métrages qui nous ont permis de prendre conscience des périls qui menacent notre planète.
Cela fait quelques années déjà que le cinéma s’est attelé à la cause environnementale, entre le documentaire militant et la fiction inspirée de faits réels, il semblerait que les outils nécessaires pour éviter une crise écologique planétaire soient entre nos mains. Et pourtant, très souvent dans le registre de l’alerte et de la catastrophe (2012, Le Jour d’après…), ces blockbusters américains n’ont su ni soulever les bonnes questions, ni proposer quelconques solutions – car très souvent, la scène finale se résume à une Terre engloutie par les océans ou les flammes. Par ailleurs, lors d’un Ted Talk, un psychologue a démontré que le ton du catastrophisme et l’utilisation constante de la peur dans les discours environnementaux provoquaient une fatigue, voire une lassitude du concept même de l’apocalypse.
Alors voici une sélection de cinq (très beaux) films qui, sans créer le découragement ou le malaise civilisationnel, ont réussi à éveiller les consciences en matière d’enjeux écologiques.
>> A lire aussi: “Dark Waters”, captivant film-enquête de Todd Haynes
Okja de Bong Joon-ho (2017)
Mija, une jeune fille coréenne se lie d’amitié avec Okja, un cochon génétiquement fabriqué, censé nourrir la planète affamée. Lorsque ce dernier est capturé par une firme multinationale (calquée sur Monsanto), puis transporté jusqu’à New York, Mija va se lancer dans une mission de sauvetage. Sur son chemin, elle fera la rencontre de capitalistes et de consommateurs, déterminés à s’emparer du destin d’Okja. Au-delà du conte coloré, Okja évite avec justesse le côté moralisateur et manichéisme du sujet. La condition animale dans les abattoirs, semblable à un camp d’extermination, résonne sous forme de plaidoyer vegan. Sous des airs de divertissement familial, Bong Joon-ho nous livre une satire politique anticapitaliste convaincante : la preuve, après sa sortie, le taux de véganisme et végétarisme a augmenté. Le message a été entendu : trop de viande tue la viande !
>> A lire aussi : « Okja » : un grand film sous forme de plaidoyer vegan
Erin Brockovich, seule contre tous de Steven Soderbergh (2000)
A la suite d’un accident de voiture, une jeune mère célibataire, avec trois enfants sur les bras et sans travail se voit dans l’obligation de trouver un boulot afin de couvrir ses frais médicaux. Erin va dénicher un job d’archiviste dans un cabinet d’avocat, et c’est en classant des documents qu’elle va déterrer l’un des plus gros scandales écologiques de notre époque. Munie d’une grande gueule, elle va venger les pauvres gens en rétablissant la vérité. Si le film tient beaucoup à son scénario impeccable et à son actrice Julia Roberts – triplement récompensée – qui passe du statut de white trash anonyme à celui de juriste crainte et respectée, l’excellence réside surtout dans le sujet. Erin Brockovich en contant le récit d’un désastre sanitaire dû à la pollution du chlore dénonce les erreurs industrielles mondiales. Comme quoi, même les plus gros combats de notre planète peuvent être menés “seul.e contre tous”.
Night Moves de Kelly Reichardt (2014)
Le soir, Josh (Jesse Einsenberg), un jeune travailleur d’une ferme bio de l’Oregon, retrouve des activistes pour discuter de la planète, regarder des documentaires et parler des moyens de protestation qui s’offrent à eux. A mesure de côtoyer ces rassemblements, Josh va voir ses convictions écologiques devenir plus radicales. Motivé, il va s’allier à deux écologistes extrêmes: Dena, une jeune militante et Harmon, un marginal, afin de réaliser une opération ambitieuse : faire exploser un barrage hydroélectrique. En plus de livrer un récit esthétique et poétique dans la manière de filmer la nature et la nuit, la réalisatrice Kelly Reichardt soulève une interrogation sur comment nous, citoyens, devons mener nos combats. Jusqu’où pouvons nous aller pour défendre nos causes ? Devons nous choquer ou sensibiliser ? Si la violence noire et le pessimisme de Night Moves ne nous donnent pas la réponse, une graine est tout de même plantée dans notre cerveau, ouvrant ainsi à une réflexion, et qui sait, une conscience écologique.
>> A lire aussi : « Night Moves » : en vert et contre tous
Promised Land de Gus Van Sant (2007)
Steve Butler (Matt Damon) et Sue Thomason (Frances McDormand), représentants d’une grosse société énergétique et expert en négociations, débarquent dans un village de campagne afin de convaincre les fermiers de faire forer leurs terres contre une compensation financière. Mais la mission va être entravée lorsqu’un activiste écolo s’y oppose. La finesse du film – qui pourrait presque frôler un documentaire de Michael Moore – réside aussi dans les marges et les non-dits. Gus Van Sant, en posant des questions légitimes et très controversées sur l’extraction du gaz de schiste, dessine l’état actuel de l’Amérique – et du monde -, grignotée par les monstres de l’industrie. Avec modestie et calme, Promised Land élève le débat.
Wall-E d’Andrew Stanton (2008)
Après avoir puisé toutes les ressources naturelles, l’humanité entière a quitté la planète à bord de vaisseaux spatiaux gigantesques. Devenue une décharge à ciel ouvert, la Terre est nettoyée par des milliers de petits robots compacteurs d’ordures, désormais tous usés, sauf un : Wall-E ; jusqu’au jour où un robot, EVE, débarque, ayant pour mission de trouver une quelconque forme de vie terrestre. Malgré une représentation de la Terre, sombre, vide, en destruction, le film dépeint un réalisme subversif dans le plus grand des silences. Stanton avec beaucoup d’ingéniosité image les conséquences destructrices de la surconsommation et montre l’Homme les yeux rivés sur des écrans, les jambes coupées par l’inactivité et l’obésité, le cerveau ramolli, le tout en apesanteur.
>> A lire aussi: Après “Parasite”, dix thrillers coréens à découvrir d’urgence