Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un.e artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, c’est promo : huit pour le prix d’un. Nous étions au festival By:larm à Oslo pour y découvrir les groupes scandinaves qui feront demain.
Entre le 28 février et le 2 mars, Oslo s’est transformé une nouvelle fois en capitale de la musique de demain. Tous les ans se tient dans la capitale norvégienne le festival By:Larm, sorte de Transmusicales du nord de l’Europe. Entre curiosités en tous genres – l’électro mi-PC Music mi-peepshow de Cobrah ou MachoMayne et son rap prépubère au sujet des Pokémon et du handspiner, méritent d’être cités – et déceptions (les Londoniens tête à claques de Black Midi, pourtant annoncés comme la sensation des prochains mois) nous avons ramené huit groupes scandinaves qui feront demain. A consommer dès à présent.
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Girl in Red
« Ça te fera quelque chose à raconter », plaisante Marie. On discute avec elle depuis une dizaine de minutes, quand Girls, une des chansons qu’elle a sorties sous le nom de Girl in Red, passe dans la sono du café. Merci du conseil mais on avait de toute manière déjà beaucoup à dire sur la jeune chanteuse de 20 ans. Rejeton d’une génération qui ne fait aucune différence entre Taylor Swift et les Smiths, Girl in Red est une déjà une artiste saisissante, intronisée « idole queer » dès sa première grande interview dans un média international. Marie aime les filles et ne s’en cache pas – dans ses chansons il n’y en a que pour elles. « Je veux bien être l’icône queer de quelqu’un, c’est cool ! Mais je ne veux pas être résumée à cela. » Car ses désarmantes histoires d’amours adolescentes ont ce truc en plus d’universel qui mêle envies refoulées, frustration et désirs éperdus.
https://youtu.be/R6JTyM7ZhG4
Depuis qu’elle a publié ses premiers morceaux sur YouTube dans sa chambre de gosse, il y a un peu plus d’un an, tout est d’ailleurs allé très vite pour Marie. Plusieurs de ses chansons dépassent aujourd’hui le million de vues. Dans un mois, pour sa première tournée européenne, elle passera par la Boule Noire, qui affiche complet depuis un bail. Et de ce qu’on a vu à Oslo, lors d’un concert qu’elle terminera dans les bras de la foule et qui n’a pas fini de nous hanter, elle ne devrait pas s’arrêter là.
Pom Poko
Les musiciens ne sont pas toujours les mieux placés pour analyser leur propre musique. Prenez Pom Poko, par exemple. Ces Norvégiens, qui viennent de sortir Birthday leur premier album chez l’illustre label anglais Bella Union, jouent de la pop bien plus forte que n’importe quel Reb Bull. « Pourtant je pensais, au départ, que notre musique était très expérimentale, comme de la noise », rigole Ola, le batteur de la joyeuse bande. « Sauf que le public a commencé à aimer, ce qui n’est pas très commun pour de la musique noise ! »
L’histoire du quatuor débute à Trondheim, troisième ville du royaume, sur les bancs de l’école de jazz locale. « Notre bassiste voulait créer un groupe de punk et voila comment tout a commencé », se remémore Ragnhild, chanteuse bondissante. Du jazz, les chansons de Pom Poko ont gardé un goût pour l’exploration au-delà des limites bien définies du rock indé. « Et puis d’un point de vue technique, les trois musiciens sont très doués, poursuit-elle. Il n’y a aucune limite à ce qu’ils peuvent jouer. » Le résultat est un tourbillon d’où on ne sait pas qui de nos pieds ou notre coeur lâchera en premier.
Bonus : ils passent en France en avril.
Shikoswe
« J’espère ne pas trop en avoir dit », s’excuse-t-elle dans un sourire timide, de peur de rompre le charme. Que Nora Shikoswe Hougsnæs se rassure, elle pourrait nous raconter n’importe quoi, sa dernière chanson, Two Heads in a Room, publiée au milieu du mois de février, restera l’un des chocs réconfortants de l’hiver. Dans cette bluette de trois minutes, on rencontre Bradford Cox et d’autres mais surtout une artiste singulière. Il y a des morceaux à l’immédiateté violente, comme si une partie du corps qui avait toujours été là sans qu’on y fasse attention se détachait tout à coup.
« Je l’ai écrite après une rupture un peu nulle, explique la jeune norvégienne. A présent je réalise que le sujet est aussi de ne pas faire assez attention à soi. » C’est-à-dire que jusque-là, Nora avait du mal à s’assumer. Après une adolescence passée sur les bancs d’un lycée où on lui enseigne la musique classique, elle qui préfère les Beatles et Cocteau Twins – avec ces derniers, la filiation devient évidente sur scène – compose ses premiers morceaux en se mettant une certaine pression. « J’étais assez complexée par la musique que j’écrivais. J’avais peur qu’elle soit trop simpliste, pas assez bonne », raconte-t-elle au sujet d’un premier ep, vieux de trois ans et pas encore tout à fait accompli qu’elle ne joue plus.
Depuis, elle a recherché l’épure. « Ce que j’écris maintenant est relativement simple, mais j’espère que ce n’est pas simpliste. » En plus de Two Heads in a Room, Nora a publié deux autres singles ces derniers mois, avant un premier album déjà prêt. On a hâte de le découvrir.
Linn Koch-Emmery
Dans le plus grand secret, la Suède est devenue la patrie du rock indé depuis une dizaine d’années. Partant de Göteborg, la fièvre s’est peu à peu étendue aux autres grandes villes du royaume. Linn Koch-Emmery appartient à cette seconde vague. Comme beaucoup, la musicienne de 26 ans a commencé la musique au lycée. « Avec ma soeur et ma meilleure amie, on avait un groupe de punk. Et puis elles deux sont parties s’installer à Londres. » De son côté, la jeune femme quitte la campagne pour Stockholm.
Orpheline de ses acolytes, Linn Koch-Emmery continue dans son coin. « Tout ce temps, je n’ai pas cessé d’écrire de la musique, confirme-t-elle. Jusqu’à ce que j’aie suffisamment de chansons satisfaisantes. D’autant plus que je voulais rejouer en live. » Elle sort alors Boys, un premier ep remarqué quoique farouche. Inspirée autant par les Pixies que la pop internationale, la jeune femme écrit des chansons pop mais n’a pas encore les moyens de leur donner l’écrin mérité. Ce sera chose faite fin 2018 avec Waves, son second ep, collection de singles efficaces et étayés. « Le rock indé et la pop, c’est exactement la même chose, plaide-t-elle. Ce sont les mêmes chansons. La différence c’est le package. Mes morceaux sont des pop-songs, mais avec des guitares et de la distorsion par-dessus. »
Mall Girl
Dès leur arrivée sur scène, on avait compris que les quatre jeunes gens repousseraient l’ironie un peu plus loin à chaque chanson. D’abord ce nom – surtout que malgré lui, le drôle de quatuor n’est pas uniquement féminin. D’autant que bien évidemment pour correspondre au stéréotype charrié par cette appellation, ce petit monde se présente dans un rose bonbon tout droit sorti de La Revanche d’une Blonde. Et puis cette musique, sorte de Grease version punk, de Sonic Youth chanté par Cyndi Lauper. Mais heureusement, Mall Girl va un peu plus loin que la simple blague.
https://youtu.be/kuxPVkRnNJk
La force des quatre Norvégiens : prendre deux genres de musique plutôt relous et pas forcément très conciliables (à ma gauche le math-rock et à ma droite la pop commerciale qui tâche) et réussir à tirer quelque chose de cette rencontre entre indésirables. Du premier, Mall Girl a gardé l’ahurissante vitesse mais en dégonflant la virtuosité tête à claque. Grâce au second, le groupe se repose sur de vraies chansons et surtout une voix, celle puissante de l’énergique Bethany Forseth-Reichberg. Si le premier album de Foals passait dans les bals de fin d’année, sûr que cette dernière en serait prom queen.
Communions
Quand ils étaient gosses Martin et Mads, les deux frères à l’origine de Communions, ont passé une dizaine d’années à Seattle, mais c’est un leurre. Tout laisse à penser, en effet, que l’avion qui les ramena dans leur ville natale de Copenhague s’est abîmé quelque part dans le nord de l’Angleterre. A l’instar de DIIV, les quatre Danois réactualisent la pop britannique des années 1980/90 avec force reverb’. Aussi blonds mais plus corbeaux que leurs cousins new-yorkais, le groupe fait la synthèse inattendue des Cure, de Ride et d’Oasis.
Les Danois ont sorti en février un nouvel EP, deux ans après un premier album très très pop. “Ce disque fut une étape importante, mais je ne me sens pas lié à lui, explique aujourd’hui Martin, chanteur du quatuor et principal compositeur. Les chansons sont très naïves, des chansons d’amour. Aujourd’hui il y a de nouvelles émotions dans notre musique, comme la rage, la confusion. Elle vient davantage de l’intérieur.” Plus abrasifs que dans le passé, les morceaux de Communions tapent comme rarement avant. Martin a à présent 26 ans et est prêt à passer aux choses sérieuses.
BRENN.
Des branleurs, certes, il y en a des tas. Mais ce n’est jamais une raison pour bouder notre plaisir quand certains traînent leur je-m’en-foutisme avec drôlerie et talent. On ne comprend pas trop ce que racontent les petits gars de BRENN. dans leurs chansons, et pour cause c’est en norvégien. Ce n’est ni grave ni gênant tant ils mettent de coeur à l’ouvrage. Résultat : le garage façon bubble-gum de ces deux-là est terriblement attachant.
Konradsen
Originaires de Tromso, par-delà le cercle polaire, Jenny et Eirik ont passé une bonne partie de leur vie à ne pas voir le jour. Dans ce cas, deux solutions : rester seul et boire pour oublier – mais contre cela les autorités ont mis en place une taxation prohibitive de l’alcool – ou se réfugier en famille et en ami pour attendre, enfin, qu’arrive l’aube. Âgés de 23 et 25 ans, les deux ont heureusement choisi la seconde option, et cela s’entend dans leur musique.
D’abord projet solo de la jeune femme, les chansons de Kondrasen ont pris un tournant plus électronique avec l’arrivée d’Eirik. « Ensemble, on a commencé à explorer la production sonore en ajoutant des bruits, des voix, des samples », explique d’ailleurs ce dernier. De leurs journées passées dans le noir complet, les deux jeunes Norvégiens ont ramené ce besoin d’intimité, qui irrigue leurs morceaux. Ainsi, ils samplent leurs proches, ouvrant une porte singulière sur leur vie.
Aucun voyeurisme ici, seulement l’esprit de la communauté. Les deux musiciens ont fait leurs gammes dans des églises et cela s’entend. Les chansons de Konradsen puisent dans le gospel autant que chez Bon Iver.
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