Il était un mur porteur de la musique française, un pont depuis Brel jusqu’au rap. Le mari de Juliette Gréco, Gérard Jouannest est mort. Il avait 85 ans.Il était un mur porteur de la musique française, un pont depuis Brel jusqu’au rap. Le mari de Juliette Gréco, Gérard Jouannest est mort. Il avait 85 ans.
Juliette Gréco en parlait avec des étoiles dans les yeux. Ils avaient plus de 80 ans et elle le citait toujours en entretien par son nom : Jouannest, en souriant. Le prénom, ce devait être pour l’intimité. Qui sait. Gérard Jouannest. Son Complice, son compagnon d’aventure, puis son époux avec lequel elle avait repris goût à la chanson, la composition, l’interprétation. Jouannest, l’homme liane qui établissait le lien musical entre la chanson française et le rap quand l’hypothèse d’une rencontre entre Ab-Al Malik et Greco avait envie de voir le jour. On connaît la suite.
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Gérard Jouannest, c’était la légende cachée de la chanson française : le pianiste bien sûr, mais aussi le silencieux arrangeur, celui qui savait travailler dans l’ombre de Jacques Brel dès 1959 ; puis comme caresseur d’ivoire sur Ne me quitte pas quand il donna toute sa dramaturgie au titre que Brel n’avait composé qu’à la guitare. A l’époque, il n’avait même pas d’existence sociale. Absent des fichiers du Droit D’auteur, il voyageait en solitaire, avec les autres. Il était fils d’ouvrier, petit fils de facteur de piano. Et puis, c’était un mec de gauche, qui avait trouvé dans le conservatoire une lumière poétique.
Avec Brel, il a passé une dizaine années, en posant sa patte sur de « petites chansons » : Ces gens-là, Madeleine, Mathilde, Les vieux … et plus d’une trentaine de titres. La série s’était arrêtée d’un coup quand le grand Jacques, surmené, avait décidé de tirer sa révérence de la scène. Barbara le voulait. Comme sideman, au piano. Le coup de téléphone avait tourné court. Problème de réseau, certainement. La tournée sera annulée. Le même jour, Jouannest acceptera de partir avec Juliette Gréco au Canada. Conjonction stellaire. Ils seront partis pour quelques jours, ils resteront ensemble pour toute une vie.
Gérard Jouannest refusait la nostalgie. La lumière était devant, vers le futur, l’aventure, le défi, quitte à modifier sa manière de composer, en s’en remettant au secret d’un piano et d’un désir. Il savait aussi partir dans le désert, échancrer les registres pour s’aventurer dans les saloons belges avec Ronny Couteure et illustrer « Les contes d’un buveur de bière… », avec Jean-Claude Brialy pour deux télétfilms (La dame au aux camélias, et George Dandin). Son talent, il le donnera à Henri Tachan – pour une sorte de classicisme français – puis à Christophe Miossec, Benjamin Biolay et Abd al Malik pour rester vivant dans la modernité. Côté privé, il a nourri la résurgence de sa muse Gréco dans le monde de la pop : Aimez vous les uns les autres ou disparaissez, Mon fils chante, Vivre, les années d’autrefois, un jour d’été, c’était un train de nuit. Même fort de 260 créations, il devait avoir encore mille projets. Il faudra qu’il les remette au lendemain.
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