Le guide Spartacus des pays les plus accueillants et safe pour la communauté LGBT a classé la France à la 17e place cette année, alors que l’Hexagone occupait le 6e rang en 2018. Joël Deumier, président de l’association SOS Homophobie, a bien voulu analyser pour « Les Inrocks » ce résultat inquiétant.
Tous les ans, le guide Spartacus livre son classement annuel des pays les plus accueillants et safe pour la communauté LGBT. La France termine cette année 17e sur 197… Alors même qu’elle était classée 6e en 2018. Augmentation des agressions homophobes, report du projet de loi pour la PMA pour toutes promise par Emmanuel Macron… Joël Deumier, président de l’association SOS Homophobie, analyse cette rétrogradation de onze places.
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La France a perdu cette année 11 places au classement annuel des pays LGBT-friendly publié par le guide Spartacus, passant de la 6e à la 17e place. Comment expliquer cette rétrogradation ?
Joël Deumier – D’après les résultats de Spartacus, cette dégringolade de la France de onze places s’explique principalement par deux raisons. D’une part, le fait que la PMA n’ait pas encore été votée par le Parlement. Et, d’autre part, du fait du regain des violences et des agressions homophobes pendant toute l’année 2018.
Comme le montrait votre rapport annuel de 2018, les agressions physiques à caractère homophobe et transphobes avaient largement augmenté en France en 2017. En 2018, avez-vous continué à recevoir des témoignages inquiétants ?
Tout à fait. Les agressions LGBTphobes signalées à SOS homophobie ont augmenté de 5% environ en 2017, et nous avons aussi constaté une multiplication des agressions homophobes en 2018. Il y a deux chiffres à retenir : premièrement, par rapport à la même période en 2017, il y a eu une augmentation de près de 30% des appels de victimes d’actes ou de paroles homophobes sur la ligne de SOS homophobie à la fin de l’année 2018. Ensuite, le ministère de l’Intérieur a publié un rapport montrant que les plaintes pour agressions homophobes avaient augmenté de 15% en 2018.
SOS homophobie publiera son rapport 2019 le 17 mai prochain, journée mondiale de lutte contre les LGBTphobies. Les chiffres, que je ne peux pas encore vous dévoiler, sont en effet inquiétants : la multiplication des agressions constatées en 2018 – une agression physique tous les trois jours qui nous est signalée – est donc en train de se poursuivre.
Que dit cette hausse des agressions homophobes et transphobes sur notre société ?
Cela veut dire que les LGBTphobies et la haine LGBTphobe sont ancrées dans notre société et persistent. Et ce, malgré l’évolution des mentalités. Cela veut dire que nous devons redoubler d’efforts dans le domaine de l’éducation et de la prévention à la haine. Les actions de prévention doivent être multipliées dès le plus jeune âge afin de prévenir ces actes et ces agressions. ll faut aussi impérativement lutter contre la haine homophobe sur les réseaux sociaux : celle-ci est un vivier de haine absolument incroyable, qui légitime et encourage cette homophobie.
Certaines victimes d’actes homophobes ou transphobes postent aujourd’hui des photos de leurs corps et visages tuméfiés sur les réseaux sociaux après avoir subi une agression. Peut-on parler de libération de la parole et, si oui, celle-ci est-elle salvatrice ?
Les chiffres de l’augmentation des agressions illustrent en effet une libération de la parole des victimes. Cela montre que les victimes osent davantage parler quand elles subissent des coups ou des insultes au travail, dans les lieux publics, à l’école, dans le milieu de la santé… Mais aussi qu’elles sont de plus en plus écoutées et entendues par la société. C’est donc quelque chose de salutaire.
Une explication de cette rétrogradation est donc aussi le report du projet de loi sur la PMA pour toutes, pourtant maintes fois annoncé. Qu’attendez-vous des pouvoirs publics concernant les droits des personnes LGBT+ ?
Le classement Spartacus est une bonne illustration pour montrer en quoi le président de la République et cette majorité n’ont absolument rien fait pour l’égalité des droits depuis deux ans. Il y a une véritable faiblesse dans la politique menée par le gouvernement sur l’égalité des droits : force est de constater que la PMA pour toutes, qui est un engagement d’Emmanuel Macron sans cesse ré-affirmé depuis près de deux ans, n’est toujours pas votée. Or c’est une mesure d’égalité qui permettra de protéger toutes les familles, tous les projets parentaux. Ce que nous attendons donc du gouvernement à présent est qu’il présente, comme annoncé, un projet de loi en Conseil des ministres au mois de juin. Si tel n’était pas le cas, notre confiance dans les pouvoirs publics serait rompue : cela fait trop longtemps qu’on attend, l’attente est insupportable.
Les femmes lesbiennes, les personnes concernées par la PMA doivent se rendre à l’étranger pour mettre en oeuvre leur projet parental, et se retrouvent ainsi dans des situations d’insécurité sanitaire et juridique qui sont indignes de la France. Donc oui, les pouvoirs publics doivent agir rapidement, et le président doit tenir son engagement. C’est cela qui compte. Ce report du projet de loi est d’ailleurs très étonnant, car la société civile est favorable à plus de 60 % à la PMA, de même que toutes les instances de la République qui traitent de questions médico-éthiques ont rendu des avis favorables sur la question. Tous les feux sont donc au vert, et, aujourd’hui, ce que je déplore, c’est que les intérêts électoralistes et électoraux de la majorité présidentielle priment sur l’intérêt des familles et des personnes concernées par la PMA. Le classement Spartacus doit vraiment servir de piqûre de rappel au gouvernement, car on ne peut pas se proclamer progressiste si on ne démontre pas par des lois concrètes qu’on l’est vraiment.
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