Autoportrait de l’auteur en serial killer particulièrement cynique et froid dans l’abjection, The House that Jack built est aussi une réponse au festival et une tentative d’explication de la polémique qui avait conduit à son exclusion de la Croisette en 2011. »The House that Jack built », film vaguement « Salò » est une réponse peu convaincante à l’incident Melancholia, mais pas de quoi non plus exclure son auteur, plutôt sale gosse que salaud.
Mai 2011, Cannes, conférence de presse de Melancholia, bien placé dans la course à la palme : Lars von Trier explique « comprendre » Hitler, puis face au remous de l’assistance balance « ok, je suis un nazi » non pas comme une affirmation politique mais sur le mode dépité « puisque vous me soupçonnez de l’être, je suis trop las pour vous contredire ». Tollé, exclusion. Mai 2018, The House that Jack built est en compète, c’est le grand retour de LVT dans le giron cannois et la réponse goguenarde du berger à la bergère du politiquement correct.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En embarquant le spectateur dans la tête de Jack (Matt Dillon, brillant), tueur en série élevant le meurtre au rang de création maniaque, Lars y va à fond dans la provoc’ potache et la joie mauvaise de malmener son public en général. L’affaire se déploie en cinq « incidents », soit cinq chapitres, cinq façons de massacrer (surtout des femmes, parfois des gosses ou des hommes, on sent que Lars a également décidé de rentrer dans le lard de #MeToo), comme si Jack concourrait pour la Palme d’or de l’ignominie, de la froideur, du cynisme et de l’indifférence à autrui. Et que je te tabasse à coup de cric Uma Thurman, victime quasi-volontaire, et que je tire au pigeon sur une famille façon chasse au lapin dans La Règle du jeu, et que je marque au feutre les nichons de Riley Keough (en niaise consentante) pour pouvoir ensuite les découper suivant les pointillés…
A cet énoncé, on comprend bien que le regard de Lars est aussi pénible que goguenard, mais l’humour noir ne suffit pas à faire passer l’insondable fatigue qui nous saisit au bout de quarante minutes et du deuxième ou troisième meurtre. Seule, la voix off de Bruno Ganz (qui joue le douanier de l’entrée au paradis ou en enfer, et que l’on ne découvre à l’image que dans l’épilogue) apporte un peu de contrechamp et de respiration dans ce très long exercice d’asticotage du spectateur. Le pompon, ce sont les leçons de philo pour les nuls que nous assène Jack/Matt/Lars, genre « le crime est une oeuvre d’art« , « Hitler, Staline étaient des artistes contemporains« , ou « il est hypocrite de s’offusquer du Mal alors que nous révérons ses icônes » (ah bon?), le tout sur fond de reproductions pompières de références picturales iconiques.
On ne savait pas que LVT était le fils caché et dégénéré (au sens de pâle copie) de Pier Paolo Pasolini, Gaspar Noé, Michael Haneke et Peter Greenaway. The House that Jack built, film vaguement Salò, est une réponse peu convaincante à l’incident Melancholia, mais pas de quoi non plus exclure son auteur, plutôt sale gosse que salaud.
The House that Jack built, de Lars von Trier, avec Matt Dillon, Riley Keough, Uma Thurman, Bruno Ganz… (Dan., Fr., Sué., All., 2018, 2h35)
Sélection : Hors compétition
{"type":"Banniere-Basse"}