Assassiné ce 19 février 2020, le rappeur Pop Smoke, 20 ans au compteur, comptait parmi les noms les plus prometteurs du rap américain.
Le rap de Pop Smoke était dur, et sans concession. Décédé à seulement 20 ans lors d’un cambriolage, il laisse derrière lui une carrière éclair, et beaucoup de regrets. Car depuis qu’il était sorti du bois il y a de cela quatre mois, il figurait parmi les noms à suivre. Mieux, il était de ceux qui incarnaient le renouveau actuel de New York, biberonné aux quartiers de Brooklyn, en opposition claire avec les standards commerciaux actuels. Avec lui, c’est l’une des espérances les plus vives du rap américain qui se fait la malle.
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La musique des gangs crades
Lorsqu’il a sorti son premier carton, Welcome To The Party en avril 2019, il faut avouer que le succès n’a pas été tout de suite immédiat. Certes, il y avait une adhésion suffisante pour faire de Pop Smoke l’un des rappeurs à suivre en 2020. Mais de là à imaginer qu’il incarnerait la relève… Ce titre, conçu en seulement trente minutes d’après ses dires (https://genius.com/videos/Pop-smoke-breaks-down-the-meaning-of-welcome-to-the-party), posait les jalons d’une ascension qui l’aura propulsé, six mois plus tard, parmi l’élite de la drill new-yorkaise, qui progressivement se fait un nom outre-Atlantique. Alors certes, le grand public, même américain, n’avait pas encore pu goûter à son talent. Mais ce dernier était indéniable.
Né Bashar Barakah Jackson en 1999, il n’avait commencé à se mettre à la musique qu’en 2018. La drill de Chicago était son carburant. C’est à ce son que lui, comme Sheef G ou Fivio Foreign, se sont butés pour en parfaire une version East Coast bien identifiée. Ce genre, c’est le sale gosse actuel de l’industrie, celui qui a vu Chief Keef être érigé en pierre angulaire, qui a tant défrayé la chronique en Angleterre ces dernières années, et qui peine, malgré la volonté évidente de certains producteurs locaux, à percer en nos contrées. C’est la musique des gangs crades, un mur du son rap qui agresse le païen et fait sursauter le politicien.
L’influence anglaise
Le 7 février 2020, Pop Smoke sortait sa seconde mixtape, Meet The Woo 2. Impossible de ne pas entendre New York et ce volume presque indécent, cette manie de traduire le brouhaha en musique. Sur des titres comme Foreignere (en featuring avec l’excellent A Boogie Wit Da Hoodie), Dior ou Armed N Dangerous, il réussissait à illustrer la menace, la tension qui rythme la vie du hors-la-loi. En cela, Pop Smoke était fascinant, pouvant à la fois se faire voyou ostentatoire, et montrer les fameuses fêlures, comme sur Like Me ou She Got A Thing. Un double jeu qui lui a certainement ouvert les portes d’un public plus large, et de médias plus fréquentables.
La drill anglaise fait autorité de nos jours. Pop Smoke le savait, et s’en était grandement inspiré. D’ailleurs, ça n’est pas par hasard que son producteur fétiche, 808Melo, nous vienne d’Angleterre. Architecte de ce son son brut et souvent malaisant, il avait su combiner ses compositions et la voix grave et allaitée aux stéroïdes du rappeur.
Un type réfléchi
Il serait trop facile de lier la musique agressive de Pop Smoke à sa mort. Il était un homme réfléchi, qui savait se tenir loin des querelles souvent futiles du rap game. Il l’affirmait lors d’une interview à la radio américaine Real 92.2 : « Quand tu mélanges la rue et Internet, comme 6ix9ine, ça ne marche pas. Je me méfie d’Internet, je ne veux pas y être trop présent, je ne veux pas trop y parler parce que tout le monde t’observe ». La rue ne se venge pas sur les réseaux, et il le savait.
Difficile d’affirmer que la mort de Pop Smoke traumatise le rap américain. La drill n’est pas taillée pour les Grammy Awards, et encore moins pour les festivals français. Pourtant, il était de ceux qui, peut-être, auraient pu faire passer un cap commercial à cette musique en nos contrées. Il aurait fait un beau représentant, mais l’histoire aura finalement fait de lui une nouvelle ligne à la liste des rappeurs US morts beaucoup, beaucoup trop tôt ces dernières années.
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