Scott Gilmore change de label, mais reste attentif à ses explorations sonores, étoffant une electro à la marge.
En 2017, Scott Gilmore sortait “Subtle Vertigo”, son premier album, chez International Feel Recordings, le label du DJ et producteur Mark Barrott originaire de Sheffield, Angleterre, infatigable globe-trotter passé par Berlin, Punta del Este et, bien sûr, Ibiza. Amateur de sons d’inspiration balearic et downtempo – qu’il décline dans des mixes sous le nom de Future Loop Foundation ou dans sa série d’albums Sketches from an Island et, plus récemment, dans Nature Sounds of the Balearics, merveilleuse invitation à la méditation –, Barrott n’a pas résisté longtemps au charme des expérimentations sonores de l’iconoclaste Scott Gilmore.
Une sorte de mélange entre musique d’illustration, orchestrations pop synthétiques et cavalcades kraut rappelant autant les chemins lumineux tracés par le travail solo de l’Allemand Michael Rother, ancien taulier du groupe Neu! (prêtons attention à la guitare sur le titre Europe), que les errances cosmiques de l’avant-garde électronique française (Walking Underground).
Unique en son genre
Fun fact, c’est par l’entremise des tenanciers de Dublab Radio, organe de diffusion de musiques électroniques nécessaire basé à Los Angeles, que Mark Barrott a rencontré le kid de San Fernando Valley et c’est via ces mêmes intermédiaires que le kid, lui, a pu approcher Marc Hollander, le légendaire fondateur du label indépendant Crammed Discs, qui sort ces jours-ci Two Roomed Motel, le deuxième album de Gilmore : “Je ne dig pas vraiment et je ne connaissais pas Crammed, confie-t-il. Avant que Mark Barrott ne sorte ma musique, je ne me doutais même pas qu’il existait des gens qui faisaient le genre de musique que je fais.”
« Je ne cherche pas à créer une narration »
Il y a un côté misfit chez Gilmore, comme déconnecté. La pochette de l’album évoque les premiers disques de Tom Waits, The Heart of Saturday Night, Nighthawks at the Diner, Small Change, qui rassemblent en une poignée d’images tout l’imaginaire des rebuts de la société du downtown Los Angeles, sauf qu’ici la marge dans laquelle évolue Scott est d’ordre esthétique et artistique. Pas touché par le succès planétaire de M83, pas concerné non plus par les ambitions qu’ont certains dans cette belle cité des anges de vouloir claquer le tube EDM qui sera joué dans tous les clubs du monde, Scott Gilmore privilégie l’exploration en studio, les chemins dévoyés et l’échange avec d’autres musiciens, qui passent régulièrement chez lui :
“On ne peut pas dire qu’il existe une scène en particulier ici. Los Angeles est une ville disloquée et il n’y a pas beaucoup de salles non plus. Je n’ai aucune approche conceptuelle, je n’ai pas de plan derrière la tête et je ne cherche pas à créer une narration. C’est juste un processus d’exploration du son et des instruments pour voir si cela m’amène quelque part.”
Faire passer la guitare au second plan
Avec Two Roomed Motel, Scott nous dit vouloir surprendre, évoquer des images. Les harmoniques ne sont pas linéaires, les accords changent d’un couplet à l’autre, la baseline évolue sans cesse : “J’essaye de ne jamais répéter deux fois la même mélodie dans le même morceau”, assure-t-il. Il met ainsi la guitare au second plan pour s’intéresser aux rythmes, qui peuvent parfois aller lorgner du côté du UK garage à faible BPM et du boogie, sans jamais totalement quitter les territoires balearic qui ont accroché l’oreille de Mark Barrott.
Le label Blue Note sortait il y a quelque temps les compilations Best from the West : Modern Sounds from California, composées des meilleures pièces bop et cool jazz des années 1960. Les curateurs des années 2100 ne devront pas oublier Scott Gilmore lorsque le temps sera venu de documenter ce que l’on appellera alors la nouvelle modernité californienne.