Angola Janga de Marcelo D’Salete retrace la lutte d’esclaves pour leur liberté dans le Brésil du XVIIe siècle. Un récit intense et très documenté.
Auteur du très remarqué Cumbe (2016), le Brésilien Marcelo D’Salete a passé onze années à faire des recherches pour construire ce nouveau roman graphique, Angola Janga. Onze ans à démêler les fils de ce pan méconnu de l’histoire coloniale de son pays, un soulèvement d’esclaves noirs au XVIIe siècle, dans la province du Pernambouc.
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Palmares, dit aussi Angola Janga, est alors un quilombo, une communauté indépendante et isolée d’esclaves échappés des moulins à sucre et des plantations. Elle est composée de plusieurs villages où les habitants (palmaristas) cultivent les terres et font du commerce avec certains colons. Palmares est la cible d’abord des Hollandais puis, à partir du milieu du XVIIe siècle, des autorités coloniales portugaises, qui craignent que cette communauté ne fasse des émules.
A travers la vie de plusieurs personnages-clés, D’Salete retrace les luttes violentes entre palmaristas et pouvoir colonial qui ont eu lieu entre 1670 et 1700. On découvre ainsi les chefs Zumba et Zona, en faveur d’un compromis avec les Portugais qui leur obtiendrait affranchissement et nouvelles terres – et surtout Zumbi, autre leader, prêt à en découdre, qui ne veut pas céder.
Un véritable récit d’aventures
Cet album dense et documenté suit de près la réalité historique (ces trois personnes, et d’autres évoquées dans le récit, ont existé). Comme l’explique l’auteur dans la postface, les archives qui subsistent aujourd’hui sont celles écrites par des Blancs en faveur de la destruction de Palmares (soldats, gouverneurs, prêtres…). Marcelo D’Salete a choisi de raconter l’histoire du point de vue des palmaristas et a donc recours à la fiction pour combler les flous de l’histoire. Il imagine de façon très réaliste et plausible les actions et les pensées de ces chefs, montre les dangers qui les guettent (les colons mais aussi la jungle), les manipulations, les trahisons, les coups fourrés…
Il invente aussi d’autres personnages qui lui permettent de donner du liant et du rythme à sa narration et de faire d’Angola Janga un véritable récit d’aventures, aux multiples rebondissements. De son trait fin et sec, au noir et blanc précis, D’Salete décrit aussi avec intelligence les tourments, le désespoir, la détermination de ces hommes. De nombreuses pages muettes, toujours très éloquentes et retraçant des rêves, des peurs, des affrontements, parsèment cet album au souffle épique. Au-delà de son intérêt historique, le récit puissant d’un grand conteur.
Angola Janga (Ça et Là), traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec, 432 pages, 24 €
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