Pour ce spécial mode, nous parlons inclusivité et donnons la parole à nos modèles et leurs engagements. Ici l’artiste pluridisciplinaire Regina Demina aborde la complexité du concept de mannequin « alternatif ».
Connue pour ses croisements de genre entre gabber, pole dance, film noir et pop sucrée, la performeuse multi-casquettes Regina Demina, nous parle de la capitalisation ambiguë de la mode autour des mannequins alternatifs d’aujourd’hui, dont elle fait partie.
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Que penses-tu de cette tendance autour du casting sauvage?
Regina Demina – D’une part, je trouve ça évidemment bien de donner de la visibilité à d’autres canons de beauté, c’est important et urgent, même.
Néanmoins, cette démarche peut être ambiguë : c’est aussi une façon de prouver, en mettant trop l’accent sur la démarche dans un magazine de mode classique, combien c’est exceptionnel. La beauté « traditionnelle » devient donc la norme et l’idéal, que ces « autres » ne font que renforcer. L’impact visuel de ce nouvelle inclusivité est puissant, mais l’industrie du luxe derrière le fait en grande partie par intérêt économique.
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Qu’est ce que ça change, concrètement ?
Hormis l’aspect idéologique qui peut être complexe, il faut tout de même savoir qu’on paye un mannequin « alternatif » 20 à 40 fois moins qu’un « vrai » mannequin, voire pas du tout. Ces agences inclusives profitent également de la communauté des modèles qu’elles signent, qui sont souvent choisis comme des personnages avec des communautés précises. L’envers du décors est souvent moins réjouissant, particulièrement dans les grosses structures – je ne parle pas de jeunes labels indés évidemment, mais d’un marché de la coolification et la bien-pensance que peut représenter ce genre de démarche. Ces nouveaux visages permettent au marché du luxe de s’acoquiner un petit moment, sans jamais y appartenir réellement. Tu as miroité quelque chose au gout du jour pendant quelques instants et le lendemain on ne te dit plus bonjour.
La diversité fait-elle consciemment partie de ton travail ?
Je ne rentre jamais dans les cases et mon travail non plus. Je tente de mélanger les gens et les genres autant que possible, mais de façon instinctive – lors de castings de clips, de performances, de pièces de théâtre par exemple. Ce n’est pas pré-calculé, marketé – je cherche simplement des personnes avec un vrai rapport aux choses, à l’intime, qui correspondent à mes rêveries fictionnelles.
Et cela apparaît dans mes gouts personnels, ou, dans mes références et mes œuvres, je passe au film de genre, à l’épouvante, le glamour, les séries teenage très pop. Et puis, il y a le fait que je joue avec des codes d’un sexy détourné, afin de recracher et détourner les insultes que j’ai pu recevoir comme des gifles : voilà ce que l’inclusivité permet de faire dans l’idéal, détourner le système depuis l’intérieur !
Regina Demina jouera au Festival Les Femmes s’en Mêlent le 6 avril au Trabendo, et son film DOTCOM sera présenté sous forme de concert-performance au Sauce Festival le 19 mars à Genève.
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